En Bref : Impressionnisme et art moderne à New York – Ross Lovegrove – Magdalena Abakanowicz
[12/05/2017]Chefs-d’oeuvre impressionnistes et modernes à New York
C’est l’un des moments les plus attendus de l’année : les ventes de prestige impressionnistes et modernes de New York de Christie’s et Sotheby’s ouvrent les 15 et 16 mai 2017. Les géants de l’histoire de l’art moderne y sont représentés en une centaine de lots, dont artprice vous livre en avant-première une sélection.
Parmi les œuvres les plus remarquables proposées le 15 mai au catalogue de Christie’s, citons un magnifique BRAQUE cubiste (Le Guéridon, 1911, estimation 4-6m$) ; l’un des meilleurs sujets de l’art impressionniste, soit un paysage de neige de Claude MONET (La route de Vétheuil, effet de neige, estimation 10-15 m$) et l’une des sculptures les plus emblématiques de l’art moderne : un bronze de La muse endormie par Constantin BRANCUSI. Cette pièce d’une pureté formelle sans équivalent fut créée en 1909 par Brancusi dans une version en marbre (l’oeuvre originale se trouve au Hirshorn Museum and Sculpture Garden de Washington) d’après laquelle il réalisa un moulage en plâtre puis une édition de six bronzes seulement. L’oeuvre présentée le 15 mai est justement le sixième et dernier bronze connu de cette petite série. Il provient de la superbe collection de Jacques Uimann dont il n’a pas bougé depuis une soixantaine d’années. La dernière Muse endormie vendue aux enchères fut payée au prix (fort pour l’époque) de 6,6m$ en 1997. La version proposée par Christie’s est cette fois attendue entre 25 et 35 m$… Christie’s offre également la toile Femme assise, robe bleue (estimation 30-50 m$) achevée par Pablo Picasso le 25 octobre 1939, dans la période la plus trouble de l’histoire du XXème siècle (entre la guerre civile espagnole et la Seconde Guerre Mondiale). Le visage de la muse de Picasso, Dora Maar, est déforme tel une grotesque portant les stigmates d’une époque bouleversée. L’oeuvre passa brièvement dans les mains du grand marchand Paul Rosenberg avant d’être confisquée par les nazis en 1940, puis d’être récupérée par les Forces Françaises Libres pendant la Seconde guerre pour enfin intégrer l’une des plus belles collections au monde, celle de l’américain G. David Thompson.
Le lendemain chez Sotheby’s, d’autres merveilles sont attendues à commencer par l’oeuvre choisie en couverture du catalogue : une superbe Danaé d’Egon SCHIELE (1890-1918), qui serait le premier nu peint de l’artiste alors âgé de 19 ans. La vision de Schiele se trouve déjà concentrée dans cette toile annoncée comme son « premier chef-d’oeuvre » et attendue entre 30 et 40 m$. Les impressionnistes sont en force avec Bonnard, Sisley, Signac et Monet notamment représenté par Bassin aux nymphéas, son sujet le plus prisé (estimation 14-18m$). Deux autres œuvres muséales sont particulièrement attendues sous les signatures de Gustav KLIMT (1862-1918) (Woman in Armchair, estimation 7-9m$) et d’Edgar DEGAS (1834-1917), dont Petites filles Spartiates provoquant des garçons (1860), l’une de ses œuvres les plus puissantes et les plus dynamiques encore en mains privées. Cette dernière, qui a servi à la composition du même titre conservée à la National Gallery de Londres, n’avait pas été vu sur le marché depuis 1918, année de la vente d’une partie de l’atelier de Degas par la galerie George Petit…. sans promettre de bouleversants records mondiaux, ces ventes new-yorkaises ne lésinent ni sur la qualité, ni sur la provenance de leurs chefs-d’oeuvre.
Ross Lovegrove à Paris
L’exposition Mutations-Créations du designer Britannique Ross LOVEGROVE au Centre Pompidou de Paris (du 12 avril au 3 juillet 2017) est annoncée comme un événement dans l’univers du design contemporain. Un événement porté par une vision aussi créative qu’intelligente, car Ross Lovegrove manie savamment et poétiquement l’alliance de la nature et de la haute technologie. Entendons par là qu’il sait puiser bien au-delà de l’inspiration formelle de la nature en la considérant aussi comme une véritable bibliothèque, comme notre première source de connaissance. En témoigne son fameux escalier aérien inspiré d’une molécule d’ADN, ADN dont il détourne l’acronyme pour y inscrire sa propre philosophie : Art – Design – Nature. Médecin du design, Lovegrove recherche « l’organisme essentiel », quitte à réduire la quantité de matière, d’où des objets « troués », allégés… le design doit chercher une économie de moyens s’il veut participer à une économie verte. Voilà l’une de ses préoccupations. Ross Lovegrove explore aussi les possibilités offertes par les nouvelles technologies, par les techniques de pointe telles que l’imprimante 3D, où l’utilisation de cristaux pour alimenter des batteries au lithium (concept-car solaire Crystal aerospace)… Lors d’un entretien avec le créateur, Marie-Ange Brayer recueillait les propos suivants : « Le design est en état perpétuel de réinvention. Parce qu’il s’agit de transformer des ressources naturelles en objets utiles, le designer est au cœur des enjeux écologiques qui affectent notre état émotionnel et esthétique tout autant que notre conscience collective. » (in Code Couleur, n°27, janvier-avril 2017, pp. 26-27). L’exposition rassemble pour la première fois en France des créations emblématiques dont certaines ont déjà gagné le second marché en tant que véritable « collectors ». Un record d’enchère fut d’ailleurs planté en 2006 pour le prototype «Liquid Bench» vendu 223 000$ chez Phillips de Pury & Company à Londres. Aux yeux des collectionneurs aussi, Lovegrove est l’un des créateurs les plus emblématiques de notre époque…
Magdalena Abakanowicz (1930-2017)
C’est une petite foule qui marche, sans but apparent et battue par les vents du lac Michigan, sur l’esplanade de Grant Park à Chicago : Agora (2006) est une œuvre forte, qui représente bien l’œuvre de Magdalena ABAKANOWICZ. Issue d’une grande famille de l’aristocratie que la légende familiale fait remonter à Gengis Kahn, l’artiste vit successivement la perte des privilèges de sa classe sociale, le second conflit mondial et les conditions de vie extrêmement difficiles des Polonais dans les années d’après-guerre. Ces difficultés matérielles ont très tôt une forte influence sur ses œuvres. Elle abandonne la peinture jugée trop irréelle et fait du matériau de fortune de ses années d’apprentissage, le textile, son matériau de prédilection. Elle le travaille en trois dimensions et s’impose une interaction directe avec la matière, sans esquisse préalable, avec le souci de la réalité physique des choses. Au fil des années, ses tapisseries-sculptures, baptisées « Abakans » d’après son patronyme, deviennent de plus en plus monumentales et prennent plus de relief. Les formes brutes individuellement pressées à la main, leur surface rêche et rouillée, leur matériau voué à la dégradation renvoient à la corporalité et à la précarité nécessaire du vivant. Dans les années 70, les Ropes, des cordages de gros diamètres tressés préfigurent ses grandes installations en extérieur. Rapidement, des expositions personnelles assurent à son travail une grande visibilité en Europe. La Whitechapel Art Gallery à Londres, lui consacre une première monographie en 1975. Elle représente la Pologne à la Biennale de Venise de 1980 où elle montre Embryology : des cocons monumentaux en toile de jute cousue et garnis de fibre. Elle se tourne bientôt vers le bronze pour compléter son vocabulaire plastique. Ses œuvres sont présentes dans les plus grandes institutions culturelles internationales, principalement en Europe et aux États-Unis. Après les records de vente en 2006 chez Sotheby’s NY atteignant plus de 600 000$, son marché s’est stabilisé depuis 2010. En mars dernier, la maison de vente Polswiss Art de Varsovie présentait aux enchères Form standing, une sculpture en bronze de 1998, partie pour près de 70 000$.
Celle qui voulait révéler par la sculpture la transformation de l’individu en sujet contraint et contrôlé s’est éteinte le 20 avril dernier, à Varsovie.