En Bref: François Pinault – Walid Raad

[11/12/2015]

 

Tous les quinze jours, Artprice vous propose un tour d’actualité du marché de l’art en quelques mots et quelques chiffres: François Pinault – Walid Raad

L’écurie François Pinault
Le collectionneur et homme d’affaires François Pinault est-il en train de développer le plus subtil réseau jamais imaginé sur le marché de l’art? Le propriétaire de Christie’s, la première maison de ventes au monde, a inauguré le 3 décembre une nouvelle résidence d’artistes à son nom, implantée à quelques centaines de mètres seulement du Musée du Louvre-Lens. En 2016, le lieu accueillera ses premiers résidents : les américains Melissa DUBBIN & Aaron DAVIDSON puis, l’année suivante, ce sera au tour de la belge Edith DEKYNDT (1960). Celle qui vient de rejoindre la galerie Greta Meert et bénéficiera d’une exposition solo au musée d’art contemporain de Bruxelles (Wiels) l’an prochain, conserve un record en salle de ventes à tout juste 6 250$, enregistré par Christie’s Amsterdam en mai 2009 pour Gowanus (2008).

En 2005, François Pinault avait renoncé à installer un musée privé sur l’Ile Seguin, en périphérie parisienne, découragé par d’importantes difficultés administratives. Il avait alors mis le cap sur Venise et fait l’acquisition du Palazzo Grassi. Rénové par Tadao Ando, éclairé par Olafur Eliasson, le palais est aujourd’hui l’un des lieux les plus prestigieux dédiés à l’art contemporain. Couplé avec la Punta della Dogana, il accueille d’immenses expositions à l’instar de Slip of the tongue (jusqu’au 10 janvier 2016). Cet événement, qui rassemble les travaux de plus de 40 artistes, a été conçu par la nouvelle coqueluche de l’art contemporain, Danh VO (1975). Inconnu en salle de ventes il y a trois ans à peine, Danh Vo possède un nouveau record en ventes publiques à 920 000$, enregistré par Phillips Londres le 14 octobre dernier pour l’oeuvre Vj Star (2010) : un drapeau américain peint en feuilles d’or sur un morceau de carton.

Aujourd’hui, François Pinault serait de nouveau à la recherche d’une surface de plus de 3 000m2 en région parisienne et les rumeurs vont bon train quant au nouveau palais qu’il investira.

Walid Raad at MoMA
Exposer au Moma, un des musés les plus reconnus et influents au monde, est une consécration dont rêve tout ou presque jeunes et moins jeunes artistes. Jusqu’au 31 janvier 2016, l’institution offre ses cimaises aux œuvres de l’artiste d’origine libanaise Walid RA’AD. Une première exposition d’envergure aux États-Unis pour cet artiste qui a étudié chez Oncle Sam et partage actuellement sa vie entre Beyrouth et New-york. L’événement explore deux projets à long termes, deux pans incontournables de son œuvre : The Atlas Group (1989-2004) et Scratching on things I could disarow (en cours depuis 2007).

Le premier projet se présente sous la forme d’un centre d’archivage, d’une fondation, collectant des documents historiques à disposition des chercheurs mais est en réalité une fiction dont les matériaux sont produits voir inventés par l’artiste. Les notions de documents, d’histoire, de mémoire, sont détournées, déplacées. L’artiste brouille les frontières entre fiction et documentaire. A travers The Atlas Group, Walid Raad explore l’histoire contemporaine du Liban et de la guerre civile qui a ravagée le pays entre 1975 et 1991, mais il questionne aussi l’amnésie collective d’après-guerre, les représentations possibles de l’histoire ou encore la validité de ses témoins.

Le second projet, Scratching on things I could disarow, vise plus largement le Monde arabe et sa relation à l’art. Walid Raad s’intéresse à se nouveau besoin de consommer l’art, aux récentes et toujours plus nombreuses créations d’infrastructures pour accueillir la création, à cette fascination pour « l’art arabe » dans une région pourtant largement touchée par de multiples conflits.

Même si dans son dernier projet il ne va pas jusqu’à s’intéresser au marché de l’art et aux investissements massifs des scheiks, princesses et autres rois de la région, le marché de l’art, lui, s’intéresse de plus en plus à sa production. Et pour preuve, en avril 2015 Sotheby’s Doha frappe son nouveau record en salles grâce à la vente d’une série de quatre photographies datées de 1989 cédée pour 70 000 $ (Scratching on things I could disarow, le 21 avril). Ses œuvres n’avaient jusqu’alors pas dépassées les quelques 40 500 $ réalisés en 2012 par Christie’s Londres (Untitled (BEY82_Soldiers_I, 1982-2004), 1982-2004), le 28 juin). Encore discret sur le marché, ce n’est qu’en 2012 qu’une des ses photographie à fait sa première entrée (Untitled, from the series «We are decided to let them say…», cédée 17 637 $ le 13 octobre chez Sotheby’s Londres). De même, seules 19 œuvres sont à ce jour passées à l’encan. Il faut dire que le formats des ses créations (textes, photographies, vidéos, installations ou encore performances) rendent sont œuvre moins accessible, moins séduisante pour le marché mais reste d’autant plus cohérent avec la singularité et la profondeur de sa démarche.