En Bref ! Disparition d’Eduardo Arroyo – Christie’s et l’art de la Blockchain

[26/10/2018]

Disparition d’Eduardo Arroyo (1937-2018)

Tour à tour journaliste puis écrivain, Eduardo ARROYO (1937-2018) a mis son talent dans la gravure, la sculpture et la scénographie, mais c’est à la peinture qu’il a consacré toute sa vie, avant de s’éteindre le 14 octobre dernier à l’âge de 81 ans. Représentant majeur de la Figuration Narrative et de la Nouvelle Figuration espagnole, l’artiste est notamment célèbre pour ses grandes compositions sous forme d’énigmes visuelles traitant de l’exil, des assassinats politiques et des complicités dont a bénéficié le régime de Franco, masquant la réalité fasciste de l’Espagne qu’il fuit en 1958 pour venir s’installer en France. L’exemple le plus frappant de ce travail est un grand polyptyque intitulé Quatre dictateurs éventrés où figurent le général Franco aux côtés de Mussolini, Hitler et Salazar. Exposée lors de la 3ème biennale de Paris en 1963, l’œuvre a contribué à la renommée d’Arroyo malgré les fortes contestations du gouvernement espagnol. Éminemment critique face à son époque, Arroyo le fut aussi face à ses pairs comme l’illustre la toile La fin tragique de Marcel Duchamp, peinte en 1965 avec Gilles Aillaud et Antonio Recalcati, où le trio se représente en meurtriers de l’inventeur du ready-made et devient un véritable manifeste des intentions picturales du mouvement.

Ses œuvres dénonciatrices l’ont conduit à l’exil, et l’artiste a obtenu le statut de réfugié politique en France. De ce fait, son succès ne fut pas immédiat dans son propre pays et il a fallu attendre 1977 pour que soit organisée sa première exposition personnelle en Espagne, à la galerie Maeght de Barcelone. Des années plus tard, l’artiste recevra le Prix national d’arts plastiques et la médaille d’or du mérite.

Après une période de création plus apaisée grâce au retour de la démocratie en Espagne, Arroyo excelle dans des compositions énigmatiques à l’instar de l’œuvre «A la Tate Gallery José Maria Blanco White est surveillé…» de 1979 qui n’est pas la plus contestataire mais demeure son record absolu aux enchères, acquise pour 150 000$ chez Sotheby’s Londres en 2003…

Manifestement, la Figuration narrative n’a pas encore équitablement agité le marché de l’art qui n’avait d’yeux que pour Valerio ADAMI ou Peter KLASEN. Il est certain qu’à l’heure où ce courant perd de grands ambassadeurs (Arroyo et Jacques Monory), les hommages vont se multiplier et remettre en lumière ces artistes à l’aune de leurs talents.

Christie’s et l’art de la Blockchain

Les 13 et 14 novembre prochain aura lieu la première vente aux enchères intégrant la technologie blockchain. La Collection Barney A. Ebsworth compte près d’une centaine de lots pour un total estimé à 300m$. Christie’s New York s’est pour l’occasion associée à Artory, une plateforme blockchain spécialisée dans l’art, qui produira pour chaque lot un certificat d’authenticité crypté contenant un ensemble d’information complet (titre, description, adjudication finale et date). Christie’s délivrera ensuite à chaque acheteur une clé lui permettant d’accéder aux informations chiffrées concernant ses achats. La société de ventes se positionne ainsi comme leader dans la réflexion sur les liens entre technologie et marché de l’art. Elle avait déjà organisé en juillet dernier à Londres le sommet « ART + Tech : Exploring blockchain – is the art world ready for consensus ? ». Ou comment poser la question de savoir quand _ et non “si” _ la blockchain trouvera une application générale dans le Marché de l’Art.

La blockchain est une technologie de stockage et de transmission d’informations, transparente, sécurisée, et fonctionnant sans organe central de contrôle, selon la définition de Blockchain France. Elle fonctionne grâce à des blocs cryptés séparés qui sont validés un à un par des tiers de confiance. Tout le monde peut consulter la totalité des échanges ou des transactions intervenues dans la blockchain depuis sa création. La technologie n’est supervisée par aucune instance centrale puisqu’elle repose sur des relations entre pairs, ce qui permet d’assurer la sécurité et la traçabilité des informations. Créée à l’origine pour garder trace des transactions en crypto monnaies comme le bitcoin, cette technologie a toutes les qualités pour devenir prépondérante dans le Marché de l’Art. Du côté des artistes tout d’abord, elle permet d’enregistrer et de sécuriser de manière fiable leur droit de propriété. Si c’est important pour les artistes œuvrant sur média classique, cette tracabilité s’avère essentielle pour les artistes numériques dont les œuvres sont souvent diffusées hors de tout contrôle.

La blockchain permet également d’authentifier des opérations diverses comme des signatures de contrats avec des galeries par exemple, ou bien l’achat d’une œuvre d’art aux enchères. La digitalisation du marché de l’art permet d’introduire un peu de transparence dans un marché plutôt opaque et d’établir des relations de confiance pour les acheteurs et les vendeurs. La vente Ebsworth constitue une excellente première pour tester la pertinence de la blockchain appliquée aux ventes aux enchères, étant donné l’incroyable historique d’exposition et de littérature de cet ensemble et les provenances détaillées des œuvres. Reconnue comme l’une des plus importantes collections de Modernisme Américain, elle inclut pas moins de trois pièces de Georgia O’KEEFFE, Woman as Landscape de Willem DE KOONING et des chefs d’œuvre de Jackson Pollock ou Jasper Johns. La toile Chop Suey (1929) de Edward Hopper a d’ores-et-déjà retenu l’attention des collectionneurs et les enchères pourraient bien dépasser les estimations. Record ou pas, tout ce qui touche de près ce tableau se retrouvera minutieusement enregistré sur la blockchain!