En Bref ! Disparition de Peter Lindberg – Antony Gormley – Coup de cutter pour Buren

[20/09/2019]

Disparition du photographe Peter Lindbergh

Peter LINDBERGH (1944-2019) fait parti, comme Richard AVEDON (1923-2004) et Helmut NEWTON (1920-2004), des photographes qui ont marqué l’histoire. Véritable maître de son art, il a changé à jamais l’évolution de la photo de mode et la représentation artistique de la femme. Le photographe allemand nous a quitté à l’âge de 74 ans.

Il était l’un des photographes les plus influents du monde de la mode, ayant notamment travaillé avec de nombreuses revues de mode (Vogue, Vanity Fair, Harper’s Bazaar, The New Yorker…) et participé à de multiples publicités. À trois reprises, il s’était vu confié la réalisation des images du mythique calendrier Pirelli, en 1996, 2002 et 2017. Ses portraits en noir et blanc et sans retouches, sur fond de paysages industriels ou de plages, sont devenus la marque de fabrique du photographe qui a contribué à l’éclosion du phénomène des super-modèles dans les années 90 en photographiant de jeunes stars des podiums : Naomi Campbell, Cindy Crawford ou encore Claudia Schiffer. Le cliché les représentant toutes en chemise blanche et en petite culotte sur la plage de Santa Monica : “Linda Evangelista, Tatjana Patitz, Christy Turlington, Estelle Lefébure, Karen Alexander, Rachel Williams” Vogue Us, Beach Los Angeles (1990), est si spontané et en marge des codes de l’époque que ses commanditaires l’ont oublié dans un tiroir avant qu’Ana Wintour n’en fasse l’une des photos les plus iconiques de son temps. Souvent peu maquillées et coiffées simplement, les actrices et autres célébrités qui sont passées devant son objectif reflètent des femmes libres et sans artifices, loin des diktats de la mode.

30 ans plus tard , les photographies les plus iconiques de Lindberg s’arrachent aux enchères  : Cindy Crawford, Tatjana Patitz, Helena Christensen, Linda Evangelista, Claudia Schiffer, Naomi Campbell, Karen Mulder & Stephanie Seymour, for American Vogue, Brooklyn, New York s’est, par exemple, vendue chez Christie’s à Paris le 19 juin dernier pour plus de 210 000$. C’est le deuxième record de l’artiste aux enchères derrière celui de Christy Turlington, Los Angeles, American Vogue, un cliché vendu 238 800$ chez Christie’s Londres en 2017.

Son dernier shooting intitulé Force for changes met en scène 15 femmes avec 15 causes uniques à défendre. Parmi ces femmes, on retrouve Greta Thunberg, la jeune activiste, Salma Hayek défenseuse des droits des femmes, ou encore Jameela Jamil, une actrice qui prône le « body positive ».

Antony Gormley à la Royal Academy

A peine achevées ses expositions Essere à la galerie des Offices de Florence, et Stand au Museum of Art de Philadelphie en début d’année, Antony GORMLEY a installé, l’été dernier, Sight : l’île de Délos, reconnue pour ses trésors archéologiques, accueillait pour la première fois des œuvres d’art contemporain avec un corpus de 29 pièces.

En cette rentrée, prenant la suite d’AI Weiwei et d’Anselm KIEFER dans les galeries principales de la Royal Academy, celui qui a été anobli en 2013 met la monumentalité de ses sculptures à l’épreuve de l’architecture de l’illustre maison londonienne. Ce solo show est le plus important de Gormley au Royaume-Uni depuis 10 ans. Il rassemble, jusqu’au 3 décembre prochain, un large panel d’œuvres de l’artiste, qui insiste sur la diversité des techniques employées ainsi que des œuvres des années 1970 et 1980 rarement exposées.

Né en 1950, Gormley fait de solides études au Trinity College de Cambridge en anthropologie et en histoire des arts. Après un voyage en Inde et la découverte du bouddhisme, il se concentre sur le rapport entre le corps humain et l’espace, qu’il soit clos, comme dans Lost Horizon I, qui sature une salle blanche de 24 silhouettes d’acier grandeur nature placées en tous sens, ou bien ouvert, comme la plus monumentale de ses sculptures : Angel of the North. L’installation de 200 tonnes d’acier surplombe de toute son envergure les autoroutes A1 et A167 près de Newcastle dans le Nord-Est de l’Angleterre. Les épreuves réduites ou inspirées de cette œuvre sont également ses plus grands succès en salle de vente : sur ses 10 plus hauts résultats de l’artiste, 7 sont dérivés de l’Ange dont son record absolu, A Case for an Angel I  de 1989 , parti pour près de 7m$ chez Christie’s en octobre 2017. Héritier du renouveau de la sculpture dans les années 1960, l’artiste exploite les ressources de ce médium en prenant pour sujet son propre corps (il réalise régulièrement des empreintes de son corps qu’il réutilise à différentes échelles ou expose directement les moules) ou celui des autres afin de soulever des questions fondamentales sur la place de l’homme dans la nature et dans le cosmos. Il interroge ainsi les relations entre espace intime et espace extérieur. La Royal Academy devient ainsi trois mois durant sa salle de jeu, pour provoquer les sens, donner une sensation de vide/vertige ou de plein/oppression, faire jouer la lumière sur les surfaces multiples de ses sculptures et englober dans son œuvre le visiteur. Car pour le lauréat du Turner Prize 1994, « il n’y a pas de sujet tant que l’observateur n’est pas présent et ne commence à s’impliquer. »

Coup de cutter pour Buren

La semaine dernière, le Centre Pompidou a porté plainte pour «dégradation volontaire portant sur un bien culturel qui relève du domaine public». Le préjudice concerne une toile de l’artiste minimaliste français Daniel BUREN, endommagée à coups de cutter par un homme sans revendication, conduit en unité psychiatrique à l’issue de sa garde à vue.

L’oeuvre a été réalisée en mai 1967 et achetée par le musée en 1986 : Peinture. Manifestation 3 est une pièce historique qui a été exposée en juin 1967 lors de la troisième série de « manifestions » orchestrées par Daniel Buren, Olivier Mosset, Michel Parmentier et Niele Toroni, soit les quatre membres du groupe BMPT, quatre artistes d’avant-garde décidés à rejeter tout contenu expressif ou lyrique dans leurs œuvres. Lors de sa première exposition en 1967, «cette toile est présentée, accrochée très haut sur le mur de fond de scène de la salle de théâtre du musée des Arts décoratifs de Paris. Elle voisine alors avec chacun des motifs – cercle centré (Mosset), bandes horizontales (Parmentier) et empreintes de pinceau plat n°50 disposées à intervalles de 30 cm (Toroni) – auxquels chacun des trois autres artistes a choisi de se limiter. Le public avait été convié à la « manifestation » par voie d’affiches portant quatre photographies d’identité des artistes : il n’avait en fait qu’à « regarder des toiles », comme l’indiquait un tract distribué au bout d’une heure et quart. » (Yvan Demeulandre, Daniel Buren : Echo d’échos, 2012).

Peinture. Manifestation 3 est une grande toile sur châssis de 252,3 x 252,3 cm, alternant bandes verticales de couleurs rouges et blanches de 8,7 cm de large chacune. Or, une toile moins prestigieuse par ses dimensions (206 x 180 cm) mais de la même période (1966), donc très recherchée par les collectionneurs, a rafraichi le record personnel de l’artiste en mai dernier, atteignant 2,175m$ contre une estimation comprise entre 1 et 1,5m$ à New York (Peinture aux formes indéfinies, Christie’s, le 15 mai 2019).

L’artiste français s’est encore fait remarquer en faisant l’objet de l’une des plus-values de l’année aux enchères, avec une toile de 1968 de moins de deux mètres (163,6 x 142,69 cm), Peinture acrylique blanche sur tissu rayé blanc et rouge, dont le prix à été multiplié par 102 en 22 ans. Vendue pour 3 500 $ le 26 février 1997 chez Libert-Castor Paris, la toile a atteint 357 400 $ le 8 mars 2019 chez Phillips à Londres, soit une progression de +10 111% en 22 ans.

Daniel Buren est au plus haut de sa cote ; le préjudice n’en est que plus lourd pour le musée qui doit passer à l’étape de la restauration.