En Bref ! Cézanne chez Gianadda – Collection Petiet : la 50ème – Icone de Man Ray

[25/08/2017]

Cézanne à la Fondation Gianadda

Paul CÉZANNE (1839-1906) semble omniprésent dans les programmes des musées d’Europe. Pas moins de trois expositions analysent en ce moment différentes facettes de son travail : une sur ses portraits au musée d’Orsay à Paris, une autre sur ses dessins au Kunstmuseum de Bâle et enfin une troisième sur ses paysages à la Fondation Gianadda à Martigny. Initiée le 6 juin et jusqu’au 19 novembre, cette exposition suisse présentera une centaine d’œuvres, quatre-vingt toiles et une vingtaine d’aquarelles et dessins dont certaines jamais exposées ou restées inaccessibles depuis le début du XXe siècle. L’institution qui va bientôt fêter son 40e anniversaire, explorait depuis 20 ans l’univers des peintres impressionnistes. Après Degas, Manet, Berthe Morisot, Monet (300 000 visiteurs en 2011) et Renoir (400 000 en 2014), son fondateur, Léonard Gianadda, membre de l’Institut, a voulu achever son cycle impressionniste par un coup de maître ! Daniel Marchesseau, le commissaire de l’exposition, a choisit le superbe intitulé Le chant de la terre (référence à la symphonie de Gustav Mahler) puisqu’il s’agit bien de révéler l’essence de l’inspiration du maître d’Aix, son rapport terrien au volume et à l’énergie de la nature.

Sur les cimaises bordeaux de la Fondation, une dizaine de toiles, dûment répertoriées, n’ont jamais été présentées à ce jour au public tandis que d’autres ne l’ont pas été depuis le début du siècle dernier. Ainsi, en est-il, par exemple, du Jeu de cache-cache, d’après Lancret ou des Rochers (1867-1870). Il faut également accorder toute son attention à Objets en cuivre et vase de fleurs, nature morte à l’inventaire des collections de la Fondation et qui n’avait plus été vue en public depuis 1931. L’Aixois est dans la vingtaine lorsqu’il l’exécute, et son mantra est déjà : «Tout dans la nature se modèle selon le cylindre, la sphère, le cône.» Les bassines, la chaise, les pivoines, le fruit ne sont plus que des formes à peindre, prenant la lumière ou lovées dans l’ombre. Jalonnant toute sa production des années 1860 aux premières heures du XXe siècle, ces œuvres montrent que l’évolution de ses paysages est à l’image de celle de son travail. Au départ, les effets vibratoires de sa peinture le rapprochent de l’impressionnisme. Par la suite, sa touche plus hachée qui donne un rythme géométrique à ses toiles le mène vers l’abstraction.

Côté marché, la cote de Cézanne reste assez stable depuis les coups d’éclats de 2015 avec les ventes à plus de 20m$ de L’homme à la pipe (Étude pour un joueur de cartes) et de Vue sur L’Estaque et le Château d’If chez Christie’s NY et Christie’s Londres. La riche actualité estivale de l’artiste, et la redécouverte de plusieurs œuvres restées dans l’ombre, pourraient bien revitaliser son marché !

Collection Petiet : la 50ème

La collection Petiet alimente régulièrement le marché des enchères depuis plus de 25 ans… Depuis 1991 en effet, 49 ventes ont été consacrées à la dispersion de cette incroyable collection d’estampes réalisées par les plus grands artistes de la modernité. Les 25 et 26 novembre prochains, la société Ader-Nordmann organise la 50ème et dernière vente Petiet, à l’Opéra Comique de Paris. Une vente « à l’ancienne », sans téléphone ni d’internet, pour théâtraliser plus encore cet évènement comptant parmi les plus attendus de l’automne. Point d’orgue de cette ultime vente : Ader-Nordmann propose deux séries comprenant l’intégralité de la Suite Vollard par Pablo PICASSO, entièrement signées de surcroît.

Comment Henri Marie Petiet (1894-1980) fut-il en possession de plusieurs jeux de cette précieuse Suite Vollard ? Ce passionné par l’estampe commence véritablement à collectionner en 1919, avec un œil sûr et une exigence hors du commun. Il devient marchand en 1925, dans le but se satisfaire plus pleinement son désir d’acquisition, puis travaille avec les plus grands artistes modernes, tels que Raoul Dufy, Charles Dufresne, Dunoyer de Segonzac, Marie Laurencin, Maillol, Matisse, Pascin, Picasso, Lucien Pissarro, Rouault, Roussel, Signac, Vlaminck ou Vuillard, pour n’en citer que quelques-uns… Rapidement, sa qualité d’expertise et son talent de découvreur conquierts les Etats-Unis, avec la complicité de son grand ami Jean Goriany, devenu son agent outre Atlantique. Grâce à lui, l’estampe prend place au sein de grandes collections américaines publiques ou privées.

En 1939, Henri Petiet prend une autre décision inspirée en rachetant la quasi totalité des éditions d’estampes d’Ambroise Vollard à la mort de celui-ci, soit environ 31 000 éditions. Or, Ambroise Vollard ne fut autre que le découvreur d’un « petit nouveau » en 1901 : Pablo Picasso qu’il était parvenu à convaincre de réaliser plusieurs séries de gravures, dont la plus fameuse est connue sous le nom de Suite Vollard. Quelques 310 jeux complets de la Suite Vollard (réalisée entre 1930 et 1937) furent tirés à partir des 100 plaques originales, et plusieurs séries furent achetées par Henri Petiet, dont une fut rachetée en 2011 par le Bristish Museum, qui se mettait alors au diapason de la National Gallery à Washington, du MoMA de New York et du musée Picasso de Paris, possédant chacun un jeu complet.

Chaque série de 100 planches proposée en novembre prochain est estimée entre 1,5 et 2 millions d’euros, sachant que le record mondial pour un tel ensemble a passé les 3 millions d’euros en juin 2013, chez Sotheby’s à Londres. Pour cette ultime vente Petiet, les enchères promettent d’être animées…

1,5 million demandé pour une photographie de Man Ray

Autre temps fort annoncé en novembre à Paris : Christie’s cèdera au plus offrant une photographie iconique du 20ème siècle, dans le cadre de la dispersion de la collection de photographies de Thomas Koerfer, au moment même où les plus grands collectionneurs de photographies du monde se retrouvent dans la capitale française pour le salon Paris Photo. Le clou de cette vacation est intitulée Noire et Blanche et signée de MAN RAY. Cette image emblématique, connue de tous, a fait le tour du monde depuis sa première publication en 1926 dans la version parisienne du magazine Vogue, sous le titre Visage de nacre et Masque d’ébène. L’ovale parfait du visage de Kiki de Montparnasse, la muse et compagne de Man Ray, répond à celui du masque africain qu’elle tient à la verticale, dans une composition d’une rare élégance. Reposant délicatement sur la table, le visage de Kiki est celui d’une muse endormie évoquant la Muse de Constantin Brancusi, créée quelques années plus tôt. Le masque serait un masque « ndoma » qui signifie signifie « double », issu de la culture Baoulé en Côte d’Ivoire. A la circulation des formes répondrait ainsi une circulation du sens, convoquant un rapprochement sensible entre Afrique et Occident.

Pourvue d’une estimation comprise entre 1 et 1,5 millions d’euros, la superbe Noire et Blanche pourrait battre l’actuel record absolu de Man Ray selon la pugnacité des enchérisseurs. L’artiste culmine à 1,9 millions d’euros depuis mai dernier, pour Portrait of a Tearful Woman, une photographie réhaussée vendue Christie’s à New York… Noire et Blanche pourrait bien être le second record annuel de Man Ray.

Vente Stripped Bare: Photographs from the Thomas Koerfer Collection, Christie’s Paris, le 9 novembre 2017