Dali sculpteur

[06/02/2007]

 

La naissance du surréalisme correspond à l’émergence de la psychanalyse freudienne dans les années 20. Quelques artistes s’interrogent sur l’inconscient et se proposent « d’exprimer le fonctionnement de la pensée » selon les termes manifestes d’André Breton, le mentor du groupe. En 1924, année fondatrice du mouvement, Breton s’intéresse aux objets tridimensionnels et propose de fabriquer « des objets que l’on aperçoit qu’en rêve ». Six ans plus tard, Dali applique sa propre méthode paranoïa-critique à la construction d’objets, créant de nouvelles images délirantes, totalement surréalistes !
Le marché de Salvador DALI est d’une rare densité : sur l’année 2006, près de 900 œuvres de l’artiste ont été proposées aux enchères dont plus de 370 sculptures ! Le marché est ainsi inondé par ses sculptures autant que par ses gravures. Pour opérer le bon choix, l’amateur doit être attentif au nombre d’exemplaires tirés, à la qualité de la fonte et à sa date.La majorité des sculptures de Dali sont réalisées en bronze et le nombre de tirages pour une même œuvre détermine en grande partie son prix : la rareté de l’œuvre accroît son appréciation. Traditionnellement, les sculptures sont tirées à 8 exemplaires, mais certaines sont produites à 300, voire à plus de 400 exemplaires ! La cote chute pour ces gros tirages, d’autant qu’ils s’avèrent souvent être des fontes tardives. Le collectionneur s’oriente en priorité sur les fontes du vivant de l’artiste (antérieures à 1989), qui offrent une patine plus riche et plus nuancée que les fontes récentes. Il appuie aussi son choix sur la notoriété du fondeur, Valsuani en tête. En fonction de ces critères et de la dimension de l’œuvre, les sculptures affichent une amplitude de prix abyssale, qu’il est possible d’illustrer avec le sujet le plus connu de la sculpture Dalinienne : sa vision paranoïa-critique de la Vénus de Milo.

Dali détourne la Vénus de Milo en 1936 en donnant une interprétation au premier degré de Freud qui évoque « les tiroirs de l’âme humaine ». Il multiplie les jeux surréalistes avec ce sujet et sa version la plus célèbre est une Vénus antique dont le corps est affublé de tiroirs à pompons. Dali en réalise de différentes tailles, dont la plus petite version (environ 20 cm) s’échange entre 1 500 et 2 000 € en ventes publiques. Pour une version un peu plus grande (environ 35 cm), tirée à 499 exemplaires, il faut compter entre 3 000 et 5 000 € en moyenne et tripler cette fourchette d’estimation pour le même sujet de 70 cm environ réalisé par la fonderie Valsuani à 99 exemplaires (citons par exemple la vente cannoise orchestrée par Kohn en août 2006). Plus rare, une fonte à la cire perdue de Valsuani limitée à 8 exemplaires, de 114 cm de hauteur, s’échange entre 70 000 et 120 000 € ! Outre l’impact de la dimension de l’œuvre sur la cote, les qualités intrinsèques de la pièce sont fort heureusement incontournables. Ainsi, une Vénus aux tiroirs de moins d’un mètre décrochait plus de 330 000 € en décembre 2000 (adjugée pour 200 000 £ chez Sotheby’s Londres le 4 déc.) : les enchérisseurs furent séduits par l’ancienneté de la fonte (1964) et par les finitions peintes qui lui donnait un caractère singulier.

Les sculptures de Dali sont moins cotées que ses peintures : ses huiles ont en effet franchi le seuil du million de dollars a dix-huit reprises en ventes publiques (dont deux fois sur l’année 2006), tandis qu’aucune sculpture n’a atteint cette somme aux enchères.Ce sont généralement les pièces monumentales qui remportent les plus fortes adjudications comme Newton de Gala de près de 4 mètres, dispersée pour 400 000 $ le 5 novembre 2002 chez Sotheby’s NY (401 040 €) ou le Rhinocéros habillé en dentelle, de dimension similaire, qui partait pour 3,1 millions de Frs en 2001 (soit l’équivalent de 472 592 €, chez Kohn à Deauville). Sur l’année 2006, sa sculpture la plus cher a flirté avec les 100 000 €. Il s’agit d’un Minotaure (1981) fondu par Valsuani à 8 exemplaires (146cm, 68 000 £, soit plus de 99 000 €, 8 fév.2006, Sotheby’s Londres). La cote de cette œuvre a été appréciée de plus de 100% en 10 ans : cette même fonte Valsuani était adjugée pour 290 000 Frs (44 000 € environ) en 1997 par l’auctionner cannois Kohn.