COBRA – La peinture véhémente

[30/05/2006]

 

Avec plus de 160% de progression en 10 ans et un marché tari en œuvres historiques, les œuvres Cobra n’ont pas terminé leur ascension.

Cobra est un mouvement artistique et littéraire dont le nom est composé des initiales des capitales Copenhague, Bruxelles et Amsterdam. Dès 1948, les artistes de ce groupe prônent un art spontané et expérimental d’une sensibilité brute, parfois violente. Ils se détournent de l’intellectualisme artistique qu’ils jugent sclérosant et lui préfèrent l’anti-élitisme des arts traditionnels ou des dessins d’enfants. Les œuvres sont ainsi fortement expressives et souvent tourmentées. Réfutant l’esthétisme gratuit, elles s’imposent par leur rudesse. Après 1951, année de la dissolution du mouvement, chaque artiste poursuivit un parcours individuel donnant lieu à des productions riches et diversifiées.

Trois années seulement de création balisent le mouvement Cobra. Cette brève collaboration donna lieu à des œuvres d’une grande spontanéité créatrice visant à réconcilier l’abstraction et la figuration. Les puristes recherchent en particulier des œuvres de la période Cobra (entre 1948 et 1951) mais celles-ci sont rares sur le marché des ventes publiques.
Les figures de proue de Cobra, telles que les hollandais Karel Appel, Guillaume Corneille et Constant, le danois Asger Jorn, le belge Pierre Alechinsky, les français Jacques Doucet et Jean-Michel Atlan sont très présents sur les marchés danois, belge et hollandais dont les capitales respectives (Copenhague, Bruxelles, Amsterdam) forment l’identité pluriculturelle du groupe.

Asger Jorn est le leader du groupe et aussi le plus présent en salles des ventes. Il y a seulement 2 ans, l’amateur pouvait encore acquérir des huiles sur toile pour moins de 10 000 EUR. En effet, Udsigt over landskab med landsby i baggrunden, Djerba, datée de l’année fondatrice du mouvement (1948) trouvait preneur pour 50 000 DKK en 2004 (6 725 EUR, chez Bruun Rasmussen à Köbenhavn DK). Avec Constant, son travail devient engagé et fonde l’Internationale situationniste.
Karel Appel et Corneille arrivent après Jorn pour le nombre de peintures présentées aux enchères (51 pour Appel et 33 pour Corneille en 10 ans) et les derniers résultats laissent présager une forte progression pour les œuvres historiques du groupe, puisque Corneille signait sa plus belle enchère en avril dernier à 1 600 000 DKK (214 400 EUR) avec Au sein du désert, il y a plus encore de la place pour les jeux (Bruun Rasmussen, Köls). Quant à Karel Appel, décédé le 3 mai dernier, son record date toujours de mai 2002 avec Women, Children, Animals, adjugée 680 000 USD chez Christie’s.

Concernant Atlan, Constant, Doucet et Alechinsky, le marché est extrêmement ténu : aucune huile Cobra d’Atlan n’a été proposée depuis 2003, aucune de Constant depuis 1990 ! Cette extrême rareté et le décès récent de Constant (en 2005) permettent d’envisager un prochain record pour l’artiste si toutefois une œuvre de qualité se présentait sur le marché. Rareté encore : seules deux toiles Cobra d’Alechinsky furent vendues depuis 1994 (bien que ses œuvres plus tardives passent régulièrement en vente). La dernière, titrée Sous-marine (1950) trouvait preneur pour 9 500 GBP (14 478 EUR en 1999 chez Christie’s Londres) tandis qu’en avril dernier, l’acrylique Rétrovision prémonitoire de 1984 s’envolait pour 850 000 DKK (113 900 EUR, Bruun Rasmussen à Köbenhavn). Là encore, il faut s’attendre à de superbes enchères à venir pour les œuvres historiques.Au total, en 2005, la cote du groupe a déjà progressé de 59%.

Les membres du groupe Cobra privilégiaient la collaboration créatrice plutôt que la spécialisation et l’individualisme. Ils conçurent donc des œuvres collectives condensant le travail de deux, trois, voire quatre artistes. Là encore, ces travaux expérimentaux sont rarissimes en ventes mais demeurent abordables : un livret de 16 feuillets de la série d’estampes De Blijde en Onvoorziene Week (La Semaine joyeuse et imprévue) retravaillé à la gouache par Karel Appel et Hugo Claus fut enlevé pour 6 500 NLG en juin 2001 (2 950 EUR, Christie’s Amsterdam, 46/200). Dessins, aquarelles ou céramiques sont encore accessibles autour de 2000 EUR, mais pourraient suivre la même tendance haussière que celle des œuvres individuelles.