Christie’s et Sotheby’s passent à la vitesse supérieure

[16/07/2020]

Les grandes maisons de ventes redoublent d’ingéniosité pour terminer la première partie de l’année 2020 en relançant le marché haut-de-gamme. Encouragée par le succès de sa « super vente live » du 29 juin, la société de Patrick Drahi s’est concentrée sur la place de marché hongkongaise. Tandis que sa rivale, détenue par le groupe de François Pinault, a imaginé une séduisante opération logistique, en organisant quatre sessions de prestige l’une à la suite de l’autre, à Hong Kong, Paris, Londres et New York. Les chefs-d’œuvres étaient au rendez-vous, et les acheteurs aussi.

Sotheby’s de retour à Hong Kong, comme si de rien n’était

Après une interruption de sept mois, les ventes aux enchères physiques ont enfin repris à Hong Kong. Qui pouvait mieux relancer ce marché que Sotheby’s, devenue la première maison de ventes dans cette région ? Avec 41 % du chiffre d’affaires hongkongais en 2019, Sotheby’s mène la croissance devant Christie’s 30 %, Holly 7 %, Poly 6 %, China Guardian 6 % et Phillips 5%.

Produit des ventes aux enchères de Fine Art à Hong Kong

Hong Kong-Artprice

La session du 8 juillet 2020, consacrée par Sotheby’s à l’Art Moderne, n’a compté qu’un seul invendu sur les 35 œuvres proposées. Les sept toiles de Zao Wou-ki ont toutes trouvé acquéreur, avec un sommet à 14,8 m$ pour la toile 20.03.60, issue d’une collection privée européenne. L’abstraction lyrique a aussi brillé avec la vente des cinq panneaux formant le tableau Les éléments confédérés (1983/84), qui a établit un nouveau record aux enchères pour Chu Teh-Chun, à 14,7 m$.

C’est un troisième artiste franco-chinois qui a réalisé la plus belle opération de la soirée : Four nudes (1950’) de Sanyu confirme l’immense record atteint en novembre 2019 par ses Five nudes (1950’), une toile légèrement plus grande et avec un nu supplémentaire. Les deux toiles partagent un destin étrangement similaire : peintes à Paris, elles ont toutes deux été d’abord vendues aux enchères à Taïwan au début des années 1990, puis une première fois à Hong Kong dans les années 2000, avant de réapparaître au cours des 12 derniers mois en salles de ventes.

Evolution du prix de deux toiles de Sanyu

SanYu

Le prix de ces deux toiles n’est pas sans corrélation avec l’essor de la place de marché hongkongaise. En pleine croissance avant la la crise des subprimes, Hong Kong n’a connu qu’une seule année de récession. Depuis lors, son attractivité n’a cessé de croître, avec l’arrivée en 2016 de la maison Phillips, qui a encore renforcé la position stratégique de Hong Kong sur le marché de l’Art Contemporain.

Sotheby’s a frappé un deuxième grand coup le 9 juillet 2020, avec sa session d’Art Contemporain, où de grandes signatures occidentales ont fait sensation. La toile de David Hockey 30 flowers (1996) a été vendue 14,8 m$, et PH-306 (1946-7) de Clyfford Still 8,3 m$. Il s’agit de la première œuvre du grand maître expressionniste abstrait proposé aux enchères hors des Etats-Unis. Sotheby’s a choisi Hong Kong pour la mettre en vente, où rien n’a pu décourager les enchérisseurs.

Christie’s goes global

Jouant avec les fuseaux horaires, c’est-à-dire avec l’espace et le temps, bref en jouant complètement le jeu de la dématérialisation, Christie’s a distillé 80 pièces exceptionnelles aux quatre coins du monde : 10 à Hong Kong, 15 à Paris, 21 à Londres et enfin 34 à New York, au cours d’une grande session de vente intitulée « ONE: A Global Sale of the 20th Century ».

Gerhard Richter et George Condo ont marqué la première partie asiatique, avec des enchères à 10,2 m$ et 6,9 m$ respectivement. Les nouvelles stars de la peinture contemporaine Jonas Wood (1977) et Nicolas Party (1980) ont tous les deux dépassé le million de dollars, avec deux natures mortes, style 21ème siècle.

Dans la capitale française, Christie’s a rendu hommage à l’Avant-Garde, avec des œuvres de Duchamp, Chagall, de Staël, Calder, Soulages, sans oublier les designers à la mode : Charlotte Perriand et François-Xavier Lalanne. Mais c’est une toile de Jean Dubuffet qui a dominé la vente ONE en France, avec une enchères à 7,4 m$, suivi par un lumineux portrait signé Amedeo Modigliani, vendu 5,1 m$.

Les choses se sont accélérées à Londres avec le lot numéro 36. L’Arc de Triomphe (1962) de René Magritte, estimé entre 8 m$ et 12 m$, s’est envolé pour 22,5 m$. Le succès du peintre surréaliste belge n’est pas nouveau, puisque le prix de cette toile atteignait déjà 1,1 m$ en 1992 à New York. Mais Magritte a encore gagné en notoriété et il est le 5ème artiste les plus performants aux enchères cette année.

A New York, certains ont pu d’abord être déçus par les 29,2 m$ récoltés par Les Femmes d’Alger, ‘Version F’, l’une des 15 variations de Pablo Picasso autour du célèbre tableau d’Eugène Delacroix. Mais quelques minutes plus tard Complements (2004-7), une pièce majeure de Brice Marden, a enregistré un éblouissant record pour l’artiste à 30,9 m$. Roy Lichtenstein a finalement couronné cette session internationale avec la vente pour 40,3 m$ de Nude with Joyous Painting (1994).

ONE : A Global Sale of the 20th Century (gauche)
Amedeo Modigliani, Portrait de Maurice Drouard, 1909 (droite)

modigliani