Ces femmes qui font l’abstraction
[21/05/2021]
Elles ont été filles, sœurs, épouses, mères, muses, mais surtout…artistes
Une mise en lumière
C’est une exposition grandiose que le Centre Pompidou nous offre avec sa réouverture le 19 mai 2021 ! Celle-ci ambitionne de mettre en lumière les apports d’une centaine d’artistes femmes à l’Abstraction jusqu’aux années 1980, avec quelques incursions inédites dans le XIXe siècle.
Intitulée Elles font l’abstraction, l’exposition propose d’écrire une autre histoire de ce courant artistique au travers de parcours d’artistes parfois éclipsées. Une attention toute particulière est donnée aux conditions spécifiques qui ont favorisé ou au contraire limité la reconnaissance de ces femmes, des contextes à la fois éducatifs, sociaux mais aussi institutionnels. Jusqu’au 23 août au Centre Pompidou, puis du 8 octobre au 30 janvier 2022 au Guggenheim de Bilbao, ce sont au total 106 artistes et près de 500 œuvres, depuis les origines de l’abstraction en 1860 jusqu’en 1980, qui sont rassemblées au dernier étage du célèbre musée parisien.
Aucun médium n’est oublié dans cette exposition plurielle : peinture, photographie, cinéma, arts décoratifs, danse et l’on retrouve bien entendu quelques grands noms comme Georgiana HOUGHTON ou Judy CHICAGO… L’on y découvre surtout des artistes qui n’ont pu dépasser les frontières de leur pays d’origine, issues d’Amérique latine, du Moyen-Orient ou encore d’Asie.
Georgiana Houghton, doyenne de l’exposition au Centre Pompidou, Album of Spirit Art
Ce magnifique tour de force orchestré par Christine Macel, commissaire générale de l’exposition, casse les codes pour remettre en cause les fausses idées, les schémas historiques imposés à l’art abstrait, et nous promet un coup de projecteur sur les artistes oubliées de l’histoire de l’art.
Vers une réévaluation et une véritable reconnaissance
De Kasimir Malévitch à Donald Judd, de Vassily Kandinsky à Jackson Pollock, de Piet Mondrian à Mark Rothko… Les plus célèbres figures de l’art abstrait au XXe siècle abondent autant dans les collections que dans les expositions des musées du monde entier. Si l’on a eu souvent tendance à conclure que l’art était une affaire masculine, la majorité des femmes a surtout été oubliée de l’histoire de l’art. Les dernières avancées historiographiques qu’illustrent les nombreuses publications, monographies et expositions thématiques récentes, permettent de réévaluer aujourd’hui l’importance de leur contribution aux différents courants de l’abstraction. Même si certaines, à l’instar de Sonia DELAUNAY, Bridget RILEY ou encore Barbara HEPWORTH sont parvenues à faire inscrire leurs noms dans l’histoire de l’art, pourquoi sont-elles si peu nombreuses à notoriété équivalente ?
En réalité, beaucoup sont restées dans l’ombre de figures masculines. Sophie TAEUBER-ARP ou Elaine DE KOONING par exemple demeurent bien moins célèbres que leurs époux Jean Arp et Willem de Kooning. Lee KRASNER, elle aussi, fut longtemps éclipsée par son mari Jackson Pollock et ne connaîtra de reconnaissance qu’à la mort de ce dernier, une légitimité bien mal acquise si l’on peut dire…
Liubov Popova, Design textile 1924-1925
Face à l’auto-centrisme et la domination masculine, le Top exclusivement féminin ci-dessous montre combien les tendances s’inversent aujourd’hui sur le marché de l’art.
Top 20 des artistes femmes par produit de ventes aux enchères en 2020 ©artprice.com
| Rang | Artiste | Produit de ventes | Lots vendus | Meilleurs résultat |
|---|---|---|---|---|
| 1 | Joan MITCHELL (1926-1992) | 70 952 857 $ | 50 | 14 462 500 $ |
| 2 | Yayoi KUSAMA (1929) | 66 065 482 $ | 632 | 4 985 889 $ |
| 3 | Tamara DE LEMPICKA (1898-1980) | 37 603 202 $ | 39 | 21 303 860 $ |
| 4 | Helen FRANKENTHALER (1928-2011) | 31 601 078 $ | 74 | 7 895 300 $ |
| 5 | Georgia O’KEEFFE (1887-1986) | 25 150 750 $ | 35 | 6 870 200 $ |
| 6 | Cecily BROWN (1969) | 23 277 638 $ | 20 | 6 136 595 $ |
| 7 | 16 518 921 $ | 97 | 3 320 000 $ | |
| 8 | Lee KRASNER (1908-1984) | 15 152 277 $ | 14 | 9 034 300 $ |
| 9 | Bridget RILEY (1931) | 14 020 157 $ | 101 | 3 516 223 $ |
| 10 | Agnes MARTIN (1912-2004) | 12 090 051 $ | 47 | 5 218 650 $ |
| 11 | Dana SCHUTZ (1976) | 10 581 787 $ | 20 | 6 456 499 $ |
| 12 | Vija CELMINS (1939) | 10 127 705 $ | 22 | 6 585 450 $ |
| 13 | Marlene DUMAS (1953) | 9 078 900 $ | 51 | 4 060 170 $ |
| 14 | Remedios Lizarraga VARO (1908-1963) | 8 247 722 $ | 7 | 6 186 800 $ |
| 15 | Mary CASSATT (1844-1926) | 7 907 543 $ | 46 | 4 376 000 $ |
| 16 | Barbara HEPWORTH (1903-1975) | 7 611 832 $ | 43 | 2 540 000 $ |
| 17 | Ayako ROKKAKU (1982) | 7 441 253 $ | 82 | 416 880 $ |
| 18 | Gabriele MÜNTER (1877-1962) | 6 591 160 $ | 50 | 679 263 $ |
| 19 | Genieve FIGGIS (1972) | 5 125 129 $ | 56 | 569 000 $ |
| 20 | Jenny SAVILLE (1970) | 4 647 824 $ | 4 | 3 981 869 $ |
Si hier encore la présence des femmes se faisait rare sur le marché de l’art “haut de gamme”, nombreuses sont celles qui connaissent aujourd’hui des résultats époustouflants en salles de ventes. En atteste le récent record d’Alice NEEL à plus de 3 m$ lors la vente du soir chez Christie’s le 13 mai dernier, aux côtés de nouveaux records pour Barbara Heptworth et Grace HARTIGAN qui n’ont rien à envier aux performances masculines !
Aujourd’hui beaucoup plus présentes qu’auparavant dans la profession, il semble normal qu’elles soient aussi plus nombreuses sur le second marché. Dans les 20 premières femmes de ce Top, neuf sont toujours vivantes et se classent parmi les plus performantes selon leurs produits de ventes aux enchères en 2020.
Les plus recherchées restent cependant les créatrices du XXème siècle. Et parmi celles dont les œuvres se sont le mieux vendu cette année, il est intéressant d’observer qu’une majorité d’entre elles a évolué dans le champ de l’art abstrait : Joan MITCHELL, Yayoi KUSAMA, Helen FRANKENTHALER, Lee Krasner, Bridget Riley, ou encore Agnes MARTIN.
Force est de constater que l’art abstrait n’est pas un art masculin par essence… la ferveur des collectionneurs en atteste aussi !
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