Bouillon d’art à Shanghai

[01/11/2019]

Inauguration de l’antenne du Centre Pompidou, exposition de Pierre Soulages chez Perrotin et de Zhou Chunya au Long Museum, ouverture du prestigieux West Bund Art & Design : Shanghai est la destination artistique numéro 1 de ce début novembre.

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Courtesy of West Bund Art & Design

Sur le terrain des enchères, Shanghai a connu une baisse drastique de son chiffre d’affaires. En un an, la mégapole accuse une chute de -80% de ses performances, pour la vente d’oeuvres d’art contemporain. Tombée de 26,1m$ à 5,1m$ entre l’été 2017-2018 et l’été 2018-2019, la ville est passée de la 7e à la 16e place de Marché mondiale. La société Christie’s a mis, pour l’instant, ses ventes en sommeil sur place… C’est donc par d’autres voies que Shanghai déploie la richesse de son identité artistique et l’intensité de son marché.

En marge du déclin des enchères, la bouillonnante mégalopole de 26 millions d’habitants intensifie en effet considérablement son attractivité artistique. Sur place, le nombre de musées a plus que doublé ces cinq dernières années (passant de 34 à 78 musées), avec des évènements dont le succès rayonne parfois tout autour de la planète, comme avec la spectaculaire exposition de l’artiste japonaise Yayoi KUSAMA à la Fondation Fosun de mars à juin dernier (All About Love Speaks Forever). Autre musée de premier plan, celui, privé, fondé par Wang Wei et son époux Liu Yiqian, qui s’est offert en 2015 l’un des plus beaux Modigliani connus au prix record de 170,4m$ (Nu couché). L’ancien chauffeur de taxi a ouvert deux antennes pour son Long Museum (à Pudong et West Bund), cumulant une surface de plus de 40 000 m2 dont la moitié est réservée aux expositions. En cours, une rétrospective de ZHOU Chunya permet de remonter le temps vers les premières créations, habituellement peu montrées, de l’artiste, dont Sheepshearing, achetée en 2011 à Pékin pour 4,8m$, qui figure désormais en bonne place dans cette rétrospective du Long Museum.

 

Shearing Wool Artist- Zhou Chunya Oil on canvas, 167.5×234 cm, 1981. ©Zhou Chunya, Long Museum

Zhou Chunya (1955). Sheepshearing, 1981

Parmi les galeries occidentales ayant élu Shanghai, Magda Danysz fait figure de pionnière avec 10 ans d’activité sur place. Elle a été rejoint il y a quelques mois par Emmanuel Perrotin, qui a choisi la cité du futur pour ouvrir son deuxième espace en Chine, pays représentant plus du tiers de l’activité de la galerie. À partir du 5 novembre, le galeriste ouvre les 1 200 m2 de son espace shanghaien à Pierre SOULAGES et à Jean-Michel OTHONIEL. Le calendrier du galeriste est stratégique car deux autres évènements majeurs sont inaugurés au cours de la semaine : l’ouverture officielle du Centre Pompidou de Shanghai et celle d’un salon de premier plan, West Bund Art & Design.

Attendue depuis des mois (elle a pris du retard), l’inauguration du Centre Pompidou de Shanghai signe l’aboutissement d’un accord entre la France et la Chine établissant un Centre Pompidou d’art contemporain provisoire pour cinq ans renouvelables (2019-2024) au sein du West Bund Art Museum. Le musée – dessiné par l’architecte britannique David Chipperfield sur 25 000 m2 – ouvre avec l’exposition “The Shape of Time”, convoquant la notion du temps à travers un parcours d’une centaine d’œuvres issues des collections du Centre Pompidou, dont certaines de Picasso, Miro, Duchamp, Pollock, Richter, Boltanski. Le commissariat est assuré par Marcella Lista, cheffe du service des nouveaux médias au musée national d’art moderne, qui affirme que “le Centre Pompidou a son rôle à jouer sur la scène chinoise” et que sa présence est essentielle pour enrichir le dialogue entre l’art contemporain en Chine et en Occident.

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Rossi Martino. Emilio VEDOVA (1919-2006). Courtesy of West Bund Art & Design 2019 edition

Mue par la même énergie, la foire West Bund Art & Design ouvre ses portes au public du 7 au 10 novembre, réunissant une centaine de galeries majeures d’Asie, d’Europe, d’Amérique du Nord et d’Amérique latine. Ben Brown fine arts, Sadie Coles, Continua, Gagosian, Hauser & Wirth, Gladstone, Xavier Hufkens, Simon Lee, Marlborough, la Pace, David Zwirner, sont parmi les prestigieuses enseignes de ce salon. Preuve de l’intérêt de la foire auprès des acteurs du monde de l’art, pas moins de 28 galeries participent au salon pour la première fois, pour 18 pays désormais représentés. C’est ici que se joue aujourd’hui le Marché de l’art de Shanghai : via un salon convainquant et des acteurs parmi les plus exigeants, des galeries parmi les plus solides de notre époque. Après avoir été un eldorado pour les artistes chinois installant leurs ateliers dans d’immenses friches, Shanghai offre un autre visage, intense et multiple, pour devenir un référent incontournable dans le paysage international de l’art et de son marché, avec ou sans les enchères.