Basquiat, l’idole du marché

[09/01/2018]

Comment un artiste devient-il une idole du marché ? Jean-Michel BASQUIAT (1960-1988) est rapidement devenu un mythe contemporain : ce pionnier du graffiti et du Street Art est devenu l’emblème de la vitalité créative d’une époque. En 1979, le jeune artiste expose dans le Bronx avec Jenny Holzer, Kiki Smith et Kenny Sharf. La même année, la manifestation New York / New Wave le conduit à exposer auprès de Keith Haring, Robert Mapplethorpe et Andy WARHOL (1928-1987), qui est l’un de ses premiers acheteurs et devient rapidement un complice et un mentor. Leur rencontre marque à la fois le début d’une véritable amitié et une symbiose créative jusqu’au décès de Warhol en 1987. A l’époque de leur amitié naissance, Warhol jouit d’une grande célébrité dont Basquiat a besoin pour sortir de l’anonymat. Auprès de Warhol, les succès s’enchaînent pour le jeune homme qui devient le plus jeune artiste invité à la Documenta 7 de Kassel en Allemagne (1982, il a 21 ans). L’année suivante, il expose à la Biennale du Whitney Museum of American Art à New York et chez Larry Gagosian, grand marchand lui garantissant soutien financier et succès.

Ses rencontres, ses soutiens au cœur du vibrionnant et affairiste New York des années 80, la brièveté et l’intensité de sa vie ont participé à asseoir la puissance d’une œuvre dont l’offre est forcément restreinte. Avant de mourir par overdose à l’âge de 27 ans, Basquiat a produit un peu plus de 800 tableaux et plus de 1 500 dessins, des œuvres aujourd’hui demandées par tous les grands collectionneurs et musées de la planète. La demande étant plus vive que l’offre, la croissance des prix s’avère être l’une des plus exceptionnelles de notre époque: 100$ investis en 2000 dans l’une de ses œuvres valent en moyenne 1 098$ aujourd’hui, ce qui correspond à une hausse des prix de 998 %. Basquiat représente indéniablement un enjeu colossal sur le marché haut de gamme, désormais au même titre que Picasso.

Il est aujourd’hui l’artiste le plus important du marché contemporain devant Warhol et tous les autres. La demande reste supérieure à l’offre pour les œuvres de haute qualité et les prix se mesurent tant à l’aune du désir des plus puissants acheteurs de la planète qu’à leurs moyens colossaux. Seules les personnalités les plus puissantes de la planète sont en mesure d’accéder à ses chefs-d’oeuvre valorisés plusieurs dizaines de millions de dollars. Les musées publics occidentaux n’ont plus les moyens de s’offrir de telles œuvres. Le prestigieux MoMA de New York a notamment loupé le coche en omettant d’acheter des œuvres importantes avant que les prix ne flambent. C’est l’un des grands écueils de cette honorable institution.

Les chefs-d’oeuvre gagnent donc de plus en plus des collections privées, les plus chères d’entre elles ayant intégré la collection de l’homme d’affaires Japonais Yusaku Maezawa, un homme de 41 ans passionné d’art et de design. Monsieur Maezawa prépare activement la collection de son musée de Chiba, au Japon avec des Basquiat aussi puissants que coûteux : le 10 mai 2016, il déboursait près de 57,3m$ chez Christie’s pour une large toile sans titre de 1982, précédemment achetée 4,5m$ (Sotheby’s Londres, le 23 juin 2004). Cette œuvre gagnait près de 53 m$ en 12 ans, tout en battant de 10 m$ le précédent record de l’artiste (Dustheads, une toile de 1982 vendue 48,8m$ en 2013 chez Christie’s New York).

Le 18 mai 2017, Monsieur Maezawa fut à l’origine d’un véritable coup d’éclat en permettant à une œuvre de Basquiat de passer pour la première fois le seuil des 100 millions de dollars aux enchères. En effet, le 18 mai 2017 la vente d’Untitled (1982) pour 110,5 m$ chez Sotheby’s à New York marquait une nouvelle petite révolution dans le milieu du marché de l’art, d’autant que cette toile avait été achetée 19 000$ en 1984… elle a été revendue 5 800 fois ce montant 33 ans plus tard, établissant un nouveau record pour le jeune grapheur issu du Bronx. Ce résultat exceptionnel permet à Basquiat d’intégrer le cercle restreint des artistes ayant dépassé le seuil des 100 millions aux enchères. Il sont maintenant sept, avec Picasso, Modigliani, Bacon, Giacometti, Munch, Warhol et Basquiat, le seul artiste contemporain de la liste.

Basquiat s’affirme comme l’une des rares signatures à la fois luxueuse et populaire : face aux œuvres les plus prestigieuses et les plus chères, des éditions limitées sont accessibles pour quelques centaines de dollars. Il s’affirme surtout comme le pionnier d’un mouvement parmi les plus profitables de notre époque : le Street Art, nouvel eldorado du marché.