Bascule digitale #1. Focus sur les résultats français

[21/04/2020]

Le marché de l’art n’avait jamais connu une telle crise. En quelques jours, dans le monde entier, les commissaires-priseurs ont été contraints de repousser, voire d’annuler leurs ventes physiques pour s’adapter à l’urgence sanitaire. Le marché des enchères n’est pas au point mort pour autant. Bien que très ralentie, l’activité se poursuit avec un recentrage sur les transactions privées pour certains, mais surtout avec une intensification générale des ventes en ligne. La bascule de ventes physiques vers le tout digital s’est avérée cruciale, et plusieurs sociétés de ventes affichent déjà des résultats encourageants.

L’un des premiers résultat réconfortant au début de la crise en Europe fut celui de la société italienne Finarte, avec 400.000 euros de photographies vendues le 17 mars. Quinze jours plus tard, le 31 mars, l’américaine Sotheby’s vendait pour 2m$ de design et obtenait, le même jour, 539 000$ pour une toile d’Irma STERN, des chiffres jamais atteint auparavant par Sotheby’s online. Des ventes caritatives ont elles aussi permis d’obtenir d’excellents résultats, dont un nouveau record à plus de 200.000 euros pour l’artiste française Claire TABOURET. D’autres résultats, déconnectés de tout objectif charitable, sont tout aussi positifs pour le marché en ligne français.

 

Les acheteurs se laissent toujours tenter, y compris pour des acquisitions importantes à plus de 100.000€.

renoir detail

Baigneuse (détail), par Pierre-Auguste Renoir. Estimée entre 100 000 to 150 000 euros chez Tajan

Les ventes-test de Tajan et Millon

Initialement prévue le 17 mars en salle, la vente « Féminin pluriel » de Tajan, mettant à l’honneur les femmes dans l’art impressionniste et moderne, a été déplacée d’un mois et basculée en ligne. Deux œuvres particulièrement désirables devaient tester l’efficacité du tout digital mi-avril. La première – une séduisante Baigneuse offerte par Pierre-Auguste RENOIR à son marchand de couleurs Alphonse Portier – n’est finalement pas venue. Elle va être soumise au Wildenstein Plattner Institute (WPI) avant de réapparaitre sur le marché. Elle était promise pour plus de 100.000€.

L’autre lot attendu pour un résultat à six chiffres a non seulement été bien présenté, mais il s’est par ailleurs bien vendu. C’est un nu de Kees VAN DONGEN représentant l’immense actrice Marlene Dietrich l’année même ou elle prenait la citoyenneté américaine (1939). La belle Marlène (92 x 60 cm) a largement dépassé son estimation haute de 200.000€, en partant à 374.800€.

La société Millon a quant à elle adopté une nouvelle stratégie marketing avec des ventes So unique, des ventes en ligne mettant en lumière une seule œuvre à la fois. La première tentative du 8 avril a bien fonctionné avec une aquarelle de ZAO Wou-Ki partie pour 189 800€, plus de 100.000€ au-delà de l’estimation haute (Sans titre, 1967, 49 x 73 cm). La deuxième opération fut mois enthousiasmante avec une toile misérabiliste de Bernard Buffet. Cette Nature morte au verre et à la branche morte (1950, 38,5 x 61 cm) emportait 43.550 euros le 15 avril, contre une estimation haute de 30.000€.

Ces résultats sont rassurants. Les acheteurs se laissent toujours tenter, y compris pour des acquisitions importantes à plus de 100.000€. Cela prouve que les enchérisseurs ont confiance dans le système des ventes en ligne. Les freins sont cependant importants dans l’état actuel des choses. Il ne faut pas perdre de vue en effet les problèmes de logistique affiliés à toute vente (expertise, stockage, envoi des œuvres) qui sont aujourd’hui des contraintes lourdes et décourageantes pour beaucoup…

van dongen

Van Dongen, Marlène. Vendu pour €374,800 en ligne par la société Tajan