Banksy – Du vandale au héros urbain

[17/01/2011]

 

Un documentaire sur Banksy sortait en salles en décembre dernier. Les spectateurs d’Exit Through the gift shop (traduit en français par Faites le mur) n’en savent pourtant pas plus sur l’identité du mystérieux artiste dont le visage est filmé dans l’ombre et la voix déformée par vocodeur. BANKSY demeure le plus célèbre des anonymes. La machine médiatique relancée, sa cote peut sereinement repartir à la hausse.

Comment Banksy est devenu une icône ?
Rien ne filtre ou presque de son autobiographie. L’artiste serait né à Bristol en Grande-Bretagne en 1974. Voilà tout ce que l’on en suppose. Ses tags, pochoirs et aphorismes dressent de lui un portrait plus pertinent car en 10 ans, la star anonyme a investi les murs de Bristol, Londres, Barcelone, Paris, New York, Los Angeles, Detroit, Dakar, Mumbay et quelques autres… avec, au menu de ses interventions urbaines, des infractions poétiques, des messages subversifs et un humour corrosif. Rappelons-le, l’art urbain est illégal et Banksy est à ce titre un vandale détournant la signalisation urbaine en fresques cocasses. L’artiste est facétieux, ce qui en fait un bon agitateur social. Lorsqu’il dépèce les maux, violences, excès, absurdités de notre époque, il injecte la douceur ou la dose d’humour nécessaire à la bonne digestion des messages. Subversion, humour et art à ciel ouvert sont donc les premiers éléments qui sortent Banksy de l’anonymat de la rue. Un deuxième round va asseoir sa notoriété en 2005 : son entrée dans les musées… par infraction, évidemment !

L’artiste parvient en effet à accrocher sauvagement ses œuvres dans quelques-uns des musées les mieux surveillés de la planète. Déjouant l’attention des vigiles, les salles d’expositions de la Tate Britain ou du Metropolitan Museum of Art se trouvent pourvues d’œuvres étranges représentant une madone affublée d’un masque à gaz, une glaneuse de Jean-François Millet sortie du cadre pour une pause cigarette ou une peinture rupestre attestant l’existence d’un homme préhistorique avec un caddie de supermarché (à l’American Museum of Natural History de New York). Parallèlement à l’écho considérable de ces interventions, Bonhams et Sotheby’s introduisent l’artiste en salles des ventes en 2005 (une seule estampe avait jusqu’alors affrontée les enchères).

Les prix décuplent en un an
Les quatre œuvre soumises à enchères en 2005 se vendent et la toile Mother and Child double son estimation haute en partant pour 6 000 £ (près de 9 000 €, Sotheby’s, 25 octobre 2005). Des stars comme Christina Aguilera, Angelina Jolie, Bradd Pitt commencent à collectionner l’artiste dont la cote s’enflamme en 2006 : en juin, il décroche une enchère de 18 000 £ (26 300 €, Think Tank, est. 3 000-5 000 £), le 18 octobre, le marteau tombe à 48 000 £ (71 400 € pour Mona Lisa chez Sotheby’s) puis à 52 000 £ la semaine suivante (77 600 € pour Tank, embracing Couple).
L’ascension des prix continue en 2007 : 85 000 £, près de 130 000 € en février (Bombing Middle England chez Sotheby’s), 240 000 £, soit 353 000 € en avril (Space Girl and Bird, Bonhams), 270 000 £, soit 388 000 € en octobre (The Rude Lord, Sotheby’s)… Le prix de ses sérigraphies suit la hausse : une édition sur 20 exemplaires du visage de Kate Moss version Marylin Monroe de Andy WARHOL s’échange alors entre 40 000 et 100 000 € en moyenne ! Les seules œuvres abordables dans un budget de moins de 1 000 € sont des feuilles largement éditées à 500 voire 1 000 exemplaires.

L’euphorie est telle que Sotheby’s peut intégrer sans risque l’artiste à une vacation new-yorkaise. C’est chose faite en février 2008 : Keep it spotless, un pochoir réalisé sur une toile à l’effigie des Spot paintings de l’autre star de l’art anglais Damien HIRST, décroche le premier résultat millionnaire de Banksy (1,7 m$ soit 1,16 m€). L’envolée de cette œuvre tient aussi au contexte très particulier de la vente Red (Auction) de Sotheby’s, une vente de charité orchestrée par l’artiste Damien Hirst, le marchand Larry Gagosian et le chanteur Bono.

C’est l’unique enchère millionnaire de Banksy. La crise stoppe nette l’euphorie et les maisons de ventes font profilent bas, contractant fortement l’offre (trois fois moins de toiles offertes en 2009 qu’en 2008) et révisant sévèrement les estimations (divisées par deux ou par trois). Ainsi, la toile au titre prémonitoire Sale Ends Today (Fin de vente aujourd’hui) qui se ravalait dans une estimation de 600 000-800 000 $ en mai 2008 se vendait pour 190 000 $ un an plus tard, soit moins du tiers de l’estimation basse précédemment fournie (140 000 €, Sotheby’s NY).

La crise a corrigé drastiquement les prix sans égratigner la cote d’amour dont bénéficie l’artiste. Durant l’été 2009, son exposition au musée de Bristol, au montage réglé comme une opération commando (montage de nuit et secret gardé sur les œuvres avant l’ouverture), attire 320 000 visiteurs en moins de trois mois.

Si d’aventure, votre mur était taggué par Banksy : ne le passez pas au kärcher, il intéressera les plus grands musées. Attaquer l’artiste pour vandalisme ? Vous seriez perdant puisque, en théorie, ses graffitis contribuent à augmenter la valeur d’une propriété.