Ils auraient eu 100 ans en 2023

Sam Francis, Ellsworth Kelly, Larry Rivers… Nés il y a tout juste un siècle, ils comptent parmi les artistes fondateurs de l’art contemporain américain. Parce qu’ils auraient eu 100 ans cette année : Artmarket by Artprice leur rend hommage, revenant brièvement sur leur parcours, analysant leur cote et les possibilités actuelles d’acquisitions.

Larry Rivers

Larry RIVERS (1923-2002) est un artiste polyvalent et difficilement classable : musicien de jazz accompli, peintre, sculpteur, poète, acteur, personnalité de la télévision, cinéaste… En tant que plasticien, il participe à la fois à l’histoire du Nouveau réalisme en France et au développement de l’art figuratif de la côte Est américaine. Il est aussi considéré comme un précurseur important du Pop art américain, étant l’un des premiers à peindre des objets usuels en-dehors de leur contexte. Andy Warhol n’a jamais caché son intérêt pour l’art de Rivers, dont il salue clairement l’influence dans le livre “Popism”, dans lequel Warhol déclare : “Le style de peinture de Larry était unique – ce n’était pas de l’expressionnisme abstrait et ce n’était pas du pop, il tombait dans la période intermédiaire. Mais sa personnalité était très Pop.”

Larry Rivers naît en 1923 dans le Bronx, à New-York, au sein d’une famille d’immigrants juifs d’Ukraine. Sa carrière connaît rapidement un essor considérable : suite à ses études, il fait une tournée d’expositions en France, en Italie et en Angleterre, au terme de laquelle il revient à New-York. En 1949, il présente sa première exposition personnelle à la Jane Street Gallery de New York. En 1951, les œuvres de Rivers sont exposées par John Myers à la galerie Tibor de Nagy, qui l’expose presque chaque année pendant 10 ans.

Le paroxysme de sa carrière est atteint dans les années 1990 à travers une grande variété d’expositions, dont une rétrospective en tournée aux États-Unis jusqu’en 1992. En 1991, il participe à l’exposition “Pop Art” à la Royal Academy of Arts de Londres et dans “American Realism and Figurative Art 1952-1991”, une exposition qui voyage dans cinq musées au Japon. L’exposition “Copier/Créer de Turner à Picasso, 300 Oeuvres inspirées par les Maîtres du Louvre”, organisée par le Louvre à Paris en 1993, comprend plusieurs de ses œuvres. Il expose aussi au Museum of Contemporary Art de Los Angeles, au Whitney Museum de New York, à la Biennale de Venise, et à la Marlborough Gallery de 1993.

Mais malgré cette belle notoriété et son ancrage dans l’histoire de l’art du 20e siècle, certaines toiles de Larry Rivers ne sont pas plus coûteuses que celles d’un jeune premier aux enchères : plusieurs tableaux de belles dimensions (environ 1m) ont d’ailleurs été adjugées autour de 20 000$ seulement l’an dernier. Les variations de prix se trouvent être très importantes selon les époques et les styles de création.

Record d’adjudication 

2m$, pour Africa I (1961/62), toile issue de la Collection de Madame John L. Marion, vendue par Sotheby’s NY en mai 2021.

Prix des peintures en 2022

La plupart de ses peintures vendues aux enchères l’an dernier se sont échangées entre 12 000 et 120 000$ en moyenne.

Position mondiale

Larry Rivers tient la 1552e place au classement mondial, selon un résultat annuel aux enchères de 595 000$.

Ellsworth Kelly

Chef de file d’une nouvelle abstraction américaine radicale, Ellsworth KELLY (1923-2015) a influencé toute une génération d’artistes partisans de l’art minimal. Ce pionnier de l’abstraction conçoit ses premiers tableaux-reliefs dès les années 1940, époque où il quitte les Etats-Unis après cinq années de formation et deux ans d’armée sur place, pour gagner ensuite l’Europe et Paris (jusqu’en 1954). Tout autant intéressé par la relation entre l’art et l’architecture des églises qu’il visite que par la mosaïque byzantine et l’abstraction de Kandinsky, Kelly se nourrit aussi des oeuvres d’artistes révolutionnaires comme Picasso, Matisse, Delaunay, Brancusi, Arp et Calder, qui devient son ami. C’est d’ailleurs grâce au soutien d’Alexander Calder que Kelly accède à la notoriété aux Etats-Unis, son ami le présentant aux directeurs du MoMA et du musée Guggenheim. En 1957, Ellsworth Kelly participe à l’exposition Young America 1957 au Whitney Museum de New York, qui acquiert une de ses œuvres. La reconnaissance institutionnelle est acquise. Au début des années 1970, c’est enfin la consécration, avec une rétrospective organisée au Museum of Modern Art de New York : Kelly devient une référence absolue dans le paysage de l’art contemporain américain.

S’il affiche une cote millionnaire pour ses toiles peintes et ses tableaux-reliefs, des œuvres uniques sont accessibles autour du millier de dollars seulement, à travers sa production de collages sur cartes postales.

Record d’adjudication 

9,8m$ pour Red Curve VII (1982), vendue chez Christie’s NY en novembre 2019.

Prix des peintures en 2022

Quatre toiles vendues au cours de l’année dernière, pour des prix allant de 1,98m$ à 4,28m$.

Position mondiale

Signature incontournable du marché américain, Ellsworth Kelly tient la 137e place mondiale, en cumulant 11,5m$ d’œuvres vendues aux enchères au cours de l’année 2022.

Evolution du produit de ventes aux enchères d’Ellworth Kelly en millions de dollars (copyright Artprice.com)

Sam Francis

Face à Ellsworth Kelly, Sam FRANCIS (1923-1994) exprime un autre versant de l’abstraction américaine, à travers une peinture informelle spontanée et instinctive, une expression lui permettant par ailleurs de transcender un vécu personnel traumatique à travers le processus créatif. Car le fait de peindre lui a permis de guérir : engagé dans l’armée en 1943 pour suivre une formation de pilote, son avion s’écrase dans le désert de l’Arizona au cours d’un vol d’entraînement. Francis sera hospitalisé pendant plus de deux ans, et les médecins lui diagnostiquent une tuberculose spinale. Il commence à peindre ce qu’il voit dans sa chambre d’hôpital : la lumière et son spectre, les reflets du monde extérieur, les variations de la luminosité sur les murs. Après son hospitalisation, il rencontre Clyfford Still, pionnier d’une peinture informelle, dont il suit les cours à la California School of Fine Arts de San Francisco. Aussi influencé par le travail instinctif de Jackson Pollock, Sam Francis se rapproche de la deuxième génération des Expressionnistes abstraits, notamment Joan Mitchell et Helen Frankenthaler, tout en ne se revendiquant d’aucun courant.

S’il connaît plusieurs périodes de création, il s’oriente de plus en plus vers la spiritualité, jusqu’à créer des tableaux éphémères en propulsant de la peinture dans le ciel, puis des mandala, vers la fin de sa vie.

L’artiste aborde la lithographie en 1960, grâce au galeriste bernois E. W. Kornfeld. Il travaille de grands formats nécessitant le recours à des imprimeurs virtuoses, sur des pierres lithographiques. Au fil des années, les formes éclatent et le blanc envahit l’espace, reléguant la couleur dans les bords de la feuille, mais l’artiste revient ensuite à un grouillement coloré sur toute la surface. Il a produit quelque 300 lithographies, ainsi que des aquatintes, des gravures et des monotypes, conservés dans les plus grandes collections de musées et d’institutions du monde entier. 

Record d’adjudication 

Le record mondial de Sam Francis a été révisé l’an dernier à plus de 13,5m$, plus du double de l’estimation haute, pour une grande composition bleue de 1955 (Composition in Blue and Black), issue de la collection du co-fondateur de Microsoft Paul G. Allen, la première collection privée à atteindre le milliard de dollars aux enchères (Christie’s, novembre 2022).

Prix des peintures en 2022

Des acryliques de petits formats se vendent autour de 50 000$ aux enchères, mais les œuvres mesurant plus d’un mètre valent rapidement entre 100 000 et 500 000$, jusqu’à des résultats multi-millionnaires pour les œuvres les plus importantes.

Position mondiale

Sam Francis fait partie du Top 100 des artistes les plus performants sur le marché mondial des enchères, fort d’un résultat de plus de 26 millions de dollars de ventes réalisées en 2022.