Artistes femmes

[20/07/2012]

 

Le vendredi, c’est Top ! Un vendredi sur deux, Artprice vous propose un classement d’adjudications par thème. Cette semaine : les dix plus belles enchères d’artistes femmes.

Pointée du doigt depuis les années 70 par l’historienne de l’art Linda Nochlin, puis étudiée dans les années 80 dans le fameux ouvrage de Raymonde Moulin (L’artiste, l’institution et le marché, Paris, Flammarion, 1992), la situation dominée des femmes au sein du monde de l’art persiste. Ancré dans la réalité du marché, ce constat reste une problématique ouverte.
Alors que le récent record mondial The Scream d’Edvard MUNCH culmine à 107 m$, l’enchère record pour une artiste femme s’élève seulement à 9,6 m$ pour Les Fleurs de Nathalie Gontcharova.
Bien que sous-représentées à la tête des classements, quelles ont été les plus belles enchères au féminin durant les 12 derniers mois ?
Pour accéder à la 10ème et dernière place de ce top il faut frapper au dessus de 4m $, et seules cinq artistes ont dépassé ce seuil. Parmi elles, les grandes modernes Louise Bourgeois, Joan Mitchell, Tamara de Lempicka et Nathalie Gontcharova sont des signatures attendues, déjà largement célébrées par des résultats millionnaires mais la surprise vient du côté de Cady Noland. L’artiste américaine, née en 1956, est la plus jeune du classement et culmine désormais à 5,8 m$ avec son œuvre Oozewald, vendue le 9 novembre 2011 chez Sotheby’s New York.
Ces 12 derniers mois sont à placer sous le signe des records pour quatre d’entre elles : outre Noland, Louise Bourgeois, Joan Mitchell et Tamara de Lempicka ont atteint de nouveaux sommets.

Top 10 : les dix plus belles enchères d’artistes femmes (Juin 2011-Juin 2012)

Rang Artiste Adjudication Oeuvre Vente
1 Louise BOURGEOIS 9500000$ Spider (1996) 08/11/2011 (Christie’s NEW YORK NY)
2 Joan MITCHELL 8250000$ Untitled (c.1960) 09/11/2011 (Sotheby’s NEW YORK NY)
3 Tamara DE LEMPICKA 7500000$ Le rêve (Rafaëla sur fond vert) (1927) 02/11/2011 (Sotheby’s NEW YORK NY)
4 Joan MITCHELL 6200000$ Salut Sally (1970) 08/05/2012 (Christie’s NEW YORK NY)
5 Tamara DE LEMPICKA 5838840$ La dormeuse (1930) 22/06/2011 (Sotheby’s LONDON)
6 Cady NOLAND 5800000$ Oozewald (1989) 09/11/2011 (Sotheby’s NEW YORK NY)
7 Nathalie GONTCHAROVA 5600000$ “Street in Moscow” (1909) 01/11/2011 (Sotheby’s NEW YORK NY)
8 Tamara DE LEMPICKA 4800000$ Nu adossé I (1925) 02/05/2012 (Sotheby’s NEW YORK NY)
9 Tamara DE LEMPICKA 4200000$ Idylle (Le Départ) (1931) 01/11/2011 (Christie’s NEW YORK NY)
10 Nathalie GONTCHAROVA 4074720$ Still Life (Bluebells) 28/05/2012 (Sotheby’s LONDON)

C’est avec deux de ses fameuses sculptures « araignée » que Louise BOURGEOIS débute et conclut notre classement. En tête avec une adjudication à 9,5 m$, Spider (1996) est aussi depuis le 8 novembre 2011 le record de vente pour une œuvre de l’artiste. Frappée chez Christie’s New York, Spider (1996) a plus que doublé un précèdent record enregistré à 4,02 m$ (Spider (2003), Christie’s Paris, le 27 mai 2008). Les 6 mètres de haut de cette araignée géante ont eu raison du petit mètre de haut de son record de 2008 ! Si dans ce Top 10, 5,58 m$ séparent la monumentale Spider à celle classée en 10ème position, c’est donc bien une question de taille ! Malgré des dimensions 6 fois plus petites que la Spider à 9,5 m$, Spider III (1995) a tout de même trouvé preneur pour 4 m$ (Christie’s New York, le 8 mai 2012). Si toutes ces Spiders tissent une toile complexe des résultats de vente de Louise Bourgeois, la réalité est bien plus simple. Les araignées, en plus d’être ses plus grandes pièces sont parmi les plus recherchées tant elles sont emblématiques. Ces sculptures débutées dès le début des années 90, symbolisent la présence rassurante et aimante d’une mère décédée alors que l’artiste n’avait que 21 ans. Elles deviennent une obsession chez l’artiste et envahissent depuis 2005, le classement de ses plus belles enchères : sur ses 10 premiers résultats 6 sont des Spiders.

Aux 2ème et 4ème marches du podium, les œuvres abstraites de l’américaine Joan MITCHELL ont une place de choix dans ce Top. De plus, Untitled adjugée 8,25 m$ (Sotheby’s New York, le 9 novembre 2011) et Salut Sally 6,2 m$ (Christie’s New York, le 8 mai 2012) ont révisé de deux fois son record de 2007 (Sans Titre, adjugée 6,19 m$, Christie’s Paris, le 30 mai 2007). Une performance méritée pour cette artiste qui figure parmi les plus grands peintres abstraits du XXème siècle. Entre 1950 et 1958, Joan Mitchell a travaillé à New York aux côtés de peintres tels que Willem DE KOONING, Louis Edmond POMEY et Claude MONET, et pourtant son record est loin d’atteindre leurs sommets. En effet les 8,25 m $ font pâle figure face aux 24,2 m$ de Willem De Kooning (Untitled XXV, Christie’s New York le 15 novembre 2006) ou encore aux 20,5 m$ de Jacskon Pollock (Number 28, Christie’s New York, le 8 mai 2012). Faisant profondément référence à la nature, son œuvre a souvent été rapprochée aux œuvres tardives de Claude MONET, celles passées à Giverny où Joan Mitchell a d’ailleurs vécu à partir de 1967. Avec un marché très haut de gamme, ses huiles sur toile ne sont pas accessibles à moins de 500 000 $, cependant de rares dessins trouvent preneurs à moins de 15 000 $ à l’exemple de Untitled adjugé 13 000 $ le 9 mars 2012 chez Sotheby’s New York.

Les rares chefs-d’œuvre de Tamara DE LEMPICKA atteignent généralement les sommets millionnaires. Dans sa course aux records face à Christie’s, la maison de vente Sotheby’s s’est offert plusieurs de ces raretés ces 12 derniers mois. La mise en vente de ces belles trouvailles était d’autant plus attendue que le dernier record d’adjudication pour une œuvre de Tamara de Lempicka n’avait pas été révisé depuis 2009 et les 5,4 m$ du Portrait de Madame M. (Christie’s). Avec Nu adossé I cédée l’équivalent de 5,8 m$ en juin 2011 puis http://web.artprice.com/ps/artitem/?id=6603784 envolée pour 7,5m$ en novembre 2011, Sotheby’s rejoint haut la main la tête des plus belles ventes de l’artiste ainsi que les 3ème et 5ème places de ce Top. A cette année très active, il faut ajouter Idylle (Le Départ) frappé 4,8 m$ (Sotheby’s New York, le 2 mai 2012) et Pomme dans une coupe adjugée 4,2 m$ (Christie’s New York, le 1er novembre 2011) respectivement représentées à la 7ème et 8ème place de ce classement.
A l’image de ces 4 nouveaux résultats millionnaires, ce sont les nus et les portraits peints des années 30 qu’honorent les ventes records de Tamara de Lempicka. Quelques rares natures mortes ou compositions abstraites trouvent ainsi acquéreurs à moins de 60 000 $, à l’exemple de Composition abstraite adjugée 57 000 $ (Sotheby’s Londres, le 9 février 2012) ou encore Street in Moscow cédée 30 000 $ (Christie’s New York, le 20 septembre 2011).

Avec un marché soumis à la rareté des chefs-d’œuvres proposés, l’indice global des prix de Nathalie GONTCHAROVA n’affiche pas de mouvement à la hausse. Quant à sa popularité, elle entraine nombre de maisons de ventes à passer des lots peu qualitatifs régulièrement ravalés (certaines estampes ou autres dessins peu aboutis…). Et pour preuve en 2011, sur 102 lots mis en vente, 33 sont restés invendus et 32 ont trouvé preneurs à moins de 10 000 $. Étant donné que ce marché peu homogène ne connait quasiment pas de moyenne gamme (depuis 1997, seulement 10% de ses œuvres ont été enregistrées entre 30 000 et 78 000 $), un écart conséquent se creuse entre l’entrée de gamme et le très haut de gamme. Néanmoins, lorsque la qualité est au rendez-vous, ses résultats frappent fort ! Les ventes de Nathalie Gontcharova connaissent 16 enchères millionnaires dont son chef-d’œuvre Les fleurs cédé à plus de 9,6 m$ en 2008 (Christie’s Londres, le 24 juin). Devenu le record de vente pour une artiste femme, il n’a toujours pas été détrôné ! Ces 12 derniers mois, l’artiste n’ayant pas révisé son record, contrairement aux 3 autres présentes dans ce Top, elle a tout de même signé de beaux résultats grâce à l’adjudication de La dormeuse à 5 m$ (Sotheby’s New York, le 1er novembre 2011) et de Le Rêve (Rafaëla sur fond vert) à plus de 4 m$ (Sotheby’s Londres, le 26 novembre 2011) respectivement 6ème et 9ème de ce Top.

A la tête du classement des artistes les plus cotés du marché, les femmes sont toujours en sous-représentation. Mais les nouveaux records d’adjudications laissent entendre que le marché féminin se porte de mieux en mieux et donc, que les mentalités changent.