Art Paris : pourquoi une autre foire d’art contemporain au Grand Palais ?

[28/03/2017]

A Paris, l’agenda du Marché de l’Art est particulièrement chargé en cette fin de mois de mars. Alors que se termine une semaine intense consacrée au dessin, la capitale française accueille maintenant Art Paris, la petite soeur de la Fiac mais qui n’a rien à lui envier. Spécialisée elle-aussi dans la création contemporaine, Art Paris s’adresse à un spectre beaucoup plus large de collectionneurs. Les prestigieuses enseignes internationales laissent place à une scène artistique moins établie, moins médiatisée, à un ensemble de galeries qui révèlent de nouveaux noms et représentent des artistes dont les prix restent raisonnables. Art Paris montre le cœur du Marché de l’Art contemporain, sans faire de concession sur la qualité.

La nouvelle place de Paris sur le Marché de l’Art

Rassemblées à Hong Kong la semaine dernière pour l’édition asiatique de la foire Art Basel, les prestigieuses galeries parisiennes ne sont pas forcément présentes au Grand Palais cette semaine. Nathalie Obadia et Daniel Templon sont parmi les rares galeristes à voir la complémentarité des deux foires, tandis que Perrotin, Kamel Mennour, Almine Rech ou Chantal Crousel privilégient la foire asiatique.

Cette situation reflète la tendance générale : Paris garde un pied sur un marché haut-de-gamme de plus en plus attiré par les grandes capitales du luxe. En 2016, Paris pèse 4% du produit des ventes aux enchères mondial et se classe 5ème, derrière New York (26 %), Pékin (18 %), Londres (16 %) et Hong Kong (9 %). La capitale française conserve heureusement son aura, et repose sur une profusion de galeries et de collectionneurs privilégiant un autre rapport à l’Art.

La semaine derrière déjà, le Salon du Dessin, Drawing Now et DDessin ont souligné l’intérêt dévorant des collectionneurs français pour des œuvres plus petites et délicates, plus personnelles. Et pendant que les galeries chics de Paris se rassemblaient à Hong Kong, plusieurs belles collections ainsi que des sessions de ventes consacrées aux œuvres sur papiers agitaient les enchères à Paris. Quelques lots seulement au-dessus du millions d’euros mais des centaines d’œuvres, racontant plus de quatre siècles d’Histoire de l’Art, ont été adjugées pour quelques centaines ou millier d’euros chacune.

Top 5 des places de marché par ventes aux enchères de Fine Art en 2016

Produit de ventes Lots vendus Maximum
New York 3 241 551 533 $ 20252 81 447 500 $
Pékin 2 290 571 381 $ 34876 44 149 512 $
Londres 2 041 408 267 $ 20115 63 220 336 $
Hong Kong 1 156 058 737 $ 9846 39 577 200 $
Paris 517 618 131 $ 43407 7 820 287 $

De plus en plus, Paris se distingue sur le Marché de l’Art international par l’intensité de ses échanges et par sa diversité. Sans vouloir à tout prix concurrencer Londres et New York dans la course aux records, le marché français redevient avant tout celui des amoureux de l’Art plutôt que celui des puissants investisseurs. Ce positionnement, plus vrai, plus stable, a permis à la France de résister aux hésitations du Marché en 2016, contrairement aux Etats-Unis (- 43%) et au Royaume-Uni (-30%).

Un Marché diversifié et démystifié

Les 139 galeries réunies dans la nef du Grand Palais pour cette 19ème édition d’Art Paris mettent en avant la nouvelle scène contemporaine, mais pas seulement. Les artistes français connus du grand public y sont bien représentés : Ben, Combas, Hervé di Rosa, François Morellet… Et puis Art Paris n’échappe pas complètement à l’éclat du marché haut-de-gamme, seulement celui-ci reste discret. La foire se passe de l’omniprésence de Jeff Koons, Yayoi Kusama, Ugo Rondinone, Rudolf Stingel… mais il y a tout de même l’une ou l’autre signature majeure de l’art contemporain, avec Julian Schnabel et Wolfgang Tillmans, ainsi que des pièces importantes d’El Anatsui et Ousman Sow, récemment disparu.

Cette année, la foire a choisi de mettre à l’honneur l’Afrique. Des galeries venues du Maroc, Tunisie, Sénégal, Côte d’Ivoire, Cameroun, Angola, Nigéria, Ouganda représentent un continent trop souvent absent des grands événements, mais qui fascine pourtant le Marché de l’Art international.

Une autre spécificité de la foire Art Paris montre un étonnant souci de transparence : des estimations de prix ont été révélées pour de nombreuses œuvres sur le site www.artparis.com par les galeries elles-mêmes. Cet aperçu (basé sur un échantillon qui ne reflète pas parfaitement l’entièreté de la foire) révèle que près de 80% des pièces de la foire seraient accessibles pour moins de 15 000€. Une telle structure de prix envoie un message clair et fort : Art Paris veut démystifier l’idée d’un Marché de l’Art contemporain inaccessible.

Cette structure reflète assez bien la réalité des prix de l’Art contemporain occultée la sur-médiatisation du marché haut-de-gamme. Au contraire, la foire Art Paris se veut un événement à l’image du marché parisien : une foire de première qualité, mais accessible au plus grand nombre de collectionneurs et représentative de la diversité de l’Art contemporain.