Art contemporain : le trio le plus cher de l’année

[27/07/2021]

Que Jean-Michel Basquiat soit encore en tête d’affiche parmi les œuvres contemporaines les plus cotées n’étonne pas. La star afro-américaine décédée en 1988 est à l’art contemporain ce que Picasso est à l’art moderne. Plus déroutante est l’arrivée de deux nouvelles signatures parmi les meilleures adjudications mondiales de l’année : celle de l’artiste numérique Beeple dont la vente du premier NFT chez Christie’s marque le tournant des grandes maisons de ventes vers le filon de l’art digital, et celle du sino-américain Chen Danqing, avec un record multiplié par six en juin dernier, pour une toile devenue l’œuvre contemporaine chinoise la plus chère, selon son prix de 25,1 millions de dollars.

Jean-Michel Basquiat (1960-1988)

Jean-Michel BASQUIAT est sans conteste l’artiste contemporain le plus performant du second marché. Avec 261m$ d’œuvres vendues en salles au cours du premier semestre, l’année 2021 pourrait devenir la plus faste de son histoire. Pour l’heure, il est le deuxième artiste mondial le plus performant aux enchères, toutes périodes de créations confondues, juste derrière Pablo Picasso (296m$).

Basquiat détient cinq des six meilleures enchères contemporaines de l’année, avec des œuvres vendues entre 30 et 93,1 millions de dollars. Les deux plus coûteuses (In This Case (1983) et Versus Medici (1982)) ont changé de mains depuis New York, mais les trois autres ont été vendues par Christie’s et Sotheby’s depuis Hong Kong. La distribution du marché de Basquiat a donc profondément évolué cette année. Auparavant, Londres et New York avaient la mainmise sur les Basquiat majeurs, cumulant plus de 90% du produit de ventes annuel de l’artiste. Cette fois, Hong Kong représente pas moins de 36% du résultat de l’artiste sur le premier semestre 2021, face aux 56% new-yorkais. 

La diversification des grandes collections asiatiques privées et le succès des ventes de prestige en distanciel (avec des périodes d’enchères plus longues) sont des facteurs très favorables à la formidable percée du marché hongkongais sur cette signature essentielle, si stratégique, qu’est Basquiat.

Beeple (1981)

Inconnu aux enchères publiques l’an dernier, BEEPLE figure pourtant, depuis mars, parmi les trois artistes les plus chers du monde de leur vivant, tous supports confondus, après David Hockney et Jeff Koons.

En un coup de marteau aussi virtuel que retentissant, il remporte la deuxième meilleure adjudication de l’année pour l’art contemporain. La vente du premier NFT (non fungible token) aux enchères publiques s’est soldée par un record de 69,3m$ pour Everydays: The first 5000 Days (2021). Rappelons que ce jpg a été acheté à prix d’or le 11 mars par Vignesh Sundaresan, entrepreneur indien spécialiste de la blockchain, ayant fait fortune dans le monde des cryptomonnaies. Vignesh Sundaresan a réglé sa note de 42 329 Ether, la devise du réseau Ethereum, via laquelle Christie’s faisait alors ses premiers pas dans le paiement en cryptomonnaie. C’est la première fois qu’une maison de vente traditionnelle acceptait ce type d’échange dématérialisé. A partir de là, les autres maisons de ventes ont rapidement développé les possibilités de règlements en cryptomonnaies et se sont ruées sur la manne des œuvres NFT, nouvel eldorado du marché de l’art entre mars et juin…

Chen Danqing (1953)

Inattendu… le troisième artiste du podium annuel des œuvres contemporaines est CHEN Danqing (1953), dont le record est révisé de 21,7 millions de dollars !

Début juin, Poly international Pékin met en vente une huile sur carton de moins de 80 centimètres de hauteur de Chen Danqing, artiste Shanghaïen de naissance installé aux Etats-Unis depuis les années 80’. Intitulée Shepherds (Bergers), la toile montrant un couple tibétain sur le point de s’embrasser sur fond des vastes prairies de Lhassa, a été propulsée à près de 25,2 m$, contre un précédent sommet établi à 3,5m$ par la même maison de ventes il y a 10 ans. Le couple de bergers ajoute donc 21,7 millions de dollars au précédent record de cet artiste célébré en Chine, mais méconnu côté occidental bien que son œuvre ait été exposée par le passé à la Biennale de Venise et au musée Guggenheim Museum à New York.

Un baiser volé de la série tibétaine de Chen Danqing devient l’œuvre contemporaine chinoise la plus chère à plus de 25,1 millions de dollars.

Shepherds est issue d’une série de sept peintures sur la vie quotidienne des Tibétains. L’œuvre est achevée en 1980, soit quatre ans seulement après la fin de la Révolution culturelle chinoise au cours de laquelle Chen Danqing a peint plus d’une centaine de portraits à la gloire de Mao Zedong. Aux antipodes de l’art de propagande marquant la Révolution culturelle, l’authenticité de sa série tibétaine lui a permis d’acquérir une immense notoriété sur son continent. Au moment de la vente chez Poly International, la série tibétaine était à l’honneur dans le cadre d’une importante exposition de Chen Danqing à l’Académie chinoise de peinture. Le prix spectaculaire obtenu par le couple de bergers tibétains a donc été porté par cette importante exposition, très relayée par la presse chinoise.

Pour la première fois, Chen Danqing se hisse dans le Top 20 des artistes mondiaux de l’art contemporain. Il devance même Damien Hirst en termes de produit de ventes annuel !

Nouveau podium de l’art contemporain chinois: 

1 – CHEN Danqing (1953), Tibetan series : Shepherds (1980) : 25,17m$, Poly International Pékin, 2021

2 – ZENG Fanzhi (1964), The Last Supper (2001) : 23,27m$, Sotheby’s Hong Kong, 2013 

3 – CHEN Yifei (1946-2005), Warm spring in the jade pavilion (1993) : 22,6m$, China Guardian Pékin, 2017