Art contemporain : le retour des papillons

[04/10/2010]

 

Le 16 septembre 2010 signait le coup d’envoi des ventes d’art contemporain du deuxième semestre 2010. A l’issue de la vacation de Christie’s, le lot 71, Untitled (Birthday Card Suite) de Damien HIRST explosait son estimation de 50 000-70 000 £ pour un résultat final de 180 000 £ (280 000 $)… Le marché repartirait-il réellement vers des sommets en cette rentrée 2010 ? Cette œuvre emblématique de Damien Hirst, ou se mélange les thèmes de l’amour, de la mort, de la beauté, de la fête et de la précarité, était annoncée par Christie’s avec une estimation particulièrement attractive. Ce « superbe » résultat correspond finalement à un coup de marteau qui pourrait avoir été frappé en 2005 et non en 2010. En effet, le même Untitled (Birthday Card Suite) cotait entre 150 000-200 000 £ cinq ans plus tôt (et se vendait 170 000 £, 316 000 $ le 10 février 2005 chez Sotheby’s Londres).
Le prix des ButterfIies Paintings de Damien Hirst varie aussi en fonction du nombre de lépidoptères sacrifiés. Avec trois papillons de plus figés sur la toile, une pièce similaire réalisée en 2002 se vendait deux fois plus chèrement chez Phillips de Pury & Company le 13 mai 2010 : 650 000 $, soit 436 540 £.
Combien se vendrait la plus grande des ButterfIies Paintings ?Christie’s répondra à la question à l’issue de sa vente du 14 octobre 2010 où sera présentée I am Become Death, Shatterer of Worlds (213.4 x 533.4 cm.). Cette œuvre hypnotique faite de milliers d’ailes de papillons fut acquise par la galerie Gagosian de Londres en 2007. Christie’s et la galerie Gagosian veulent donner là un signe fort de confiance puisqu’il s’agit de la plus grande toile de Hirst jamais offerte en salles de ventes (après l’installation de 10 Loss of Memory is Worse than Death, ravalée en octobre 1998) et de l’œuvre la plus chère de cette vacation (estimée 2,5-3,5m£).

Les enchères de Damien Hirst, qui donnait de rythme de l’explosion des prix à la hausse en 2006-2007, furent considérablement ralenties ces derniers mois. Son volume d’affaires aux enchères fut d’ailleurs 14 fois moindre entre juillet 2009 et juin 2010 que sur cette même période en 2008/2009. De plus, une pièce majeure de Damien Hirst, issue de la collection Lehman Brothers et présentée le 25 septembre 2010 chez Sotheby’s New York fut ravalée. Cette installation de 1993 intitulée We’Ve Got Style (The Vessel Collection – Blue/Green) était présentée dans une fourchette d’estimation de 800 0000-1,2m$. En 2000, ce type de pièce s’échangeait autour de 150 000 $ sur le marché des enchères We’ve got Style (The Vessel Collection-Yellow), 100 000£ le 27 juin 2000, Christie’s Londres) puis en 2007, une version rose culminait à 700 000£, l’équivalent de 1,4 m$ (12 octobre 2007, Sotheby’s). Les signatures les plus spéculatives de l’art, dont Damien Hirst fait partie, ne semblent donc pas prêtes à renouer avec la période des prix euphoriques, d’autant que le contexte économique occidental ne s’y prête pas.

Pourtant, les grandes maisons de ventes, qui avaient anticipé la reprise du marché de l’art contemporain en 2010 (après une chute des prix de près de 42,8% entre le 1er janvier 2008 et la fin 2009, la cote de l’art contemporain progressait de 5,4% sur le premier semestre 2010), affichent désormais des estimations mesurées à l’aune de la bulle spéculative (2007 et 2008).
Parmi les lots phares de la vente d’art contemporain de prestige du 15 octobre 2010 à Londres par exemple, Sotheby’s mise notamment sur un superbe cibachrome d’ Andreas GURSKY : Pyongyang IV dont il existe 7 exemplaires.
Pour rendre attractive une fourchette d’estimation de 500 000-700 000 £, Sotheby’s s’en réfère au résultat de 1,25 m$, soit 637 750 £, atteint pour un autre exemplaire de cette œuvre en 2008. Est-il besoin de rappeler qu’à l’époque le marché était en pleine bulle spéculative et que cette œuvre, présentée à l’occasion de la vente organisée par… Damien Hirst (AUCTION) RED, triplait son estimation haute, portée par le contexte particulier d’une vente de charité, où la générosité des enchérisseurs est un facteur non négligeable pour faire grimper les prix.