Art contemporain : le marché des œuvres abordables

[02/03/2008]

 

Avec une première édition dès 1999, comme son nom l’indique, la foire « Affordable Art Fair » a pour credo l’art à la portée du plus grand nombre. Son cœur d’activité : les œuvres d’art contemporain à moins de 3 000 £ (environ 4 000 €). Avec un succès grandissant, le principe de cette foire s’est étendu à Bristol, Amsterdam, Paris, New York, Sydney et Melbourne.
La prochaine édition regroupera 120 galeries à Londres du 12 au 16 mars au Battersea Park. A cette occasion, Artprice fait le point sur ce segment de marché, qui balise bien souvent les premiers pas des nouveaux collectionneurs d’aujourd’hui.

En reprenant le critère de l’« Affordable Art Fair », pour un budget de moins de 3 000 £, un collectionneur peut avoir accès à près de 64% du marché de l’art aux enchères. Par contre, dans le domaine des œuvres adjugées moins de 3 000 £, avec 5,2% du volume des ventes, l’art actuel reste pour autant marginal par rapport aux œuvres modernes ou anciennes.
Dans le domaine de l’art actuel, les productions les plus fraîches restent souvent confinées au premier marché. Il faut souvent plusieurs années pour qu’un artiste émergeant fasse ses premiers par sur le second marché. A moins que celui-ci ne brille rapidement par un engouement exceptionnel dû à une importante médiatisation. Il en est ainsi par exemple du nouveau météore des ventes publiques londoniennes : Banksy. Cet artiste graffiti de tout juste 32 ans a été introduit aux enchères pour la première fois en novembre 2003. Son travail était alors accessible à pratiquement toutes les bourses. Son tableau Keep it real partait alors pour 800 £. Deux ans plus tard, un format d’un mètre de large comme Pest Modernism se négociait encore 1 100 £ (1 900 $) chez Bonhams Knightsbridge. Le 18 mai 2005, il met un message sur son site annonçant l’exposition d’une gravure rupestre remarquable au British Museum. Une chasse au trésor est ouverte… et les médias s’emparent du fait divers. L’artiste est lancé et ses pochoirs passent de la rue et des lieux interdits à la galerie. En octobre 2007, The Rude Lord, un travail récent de 2006 s’est arraché 270 000 £ (550 000 $) chez Sotheby’s ! Cet élu a vu s’ajouter deux zéros de plus à sa cote en à peine deux ans, et désormais de prestigieuses galeries se sont emparées de son travail. Cet exemple, bien qu’exceptionnel est une preuve qu’il n’est pas nécessaire d’investir des millions pour pouvoir acheter un artiste de renom. En matière d’art contemporain, il suffit d’avoir du flair.

En 2007, tout juste 2500 artistes actuels se partagent le marché des ventes publiques à moins de 3 000 £. La moitié d’entre eux n’ont jamais dépassé ce niveau de prix en ventes publiques. Les artistes les plus représentés, multipliant les enchères à mois de 3 000 £, sont bien souvent ceux qui ont déjà fait l’objet de transactions à plusieurs dizaines voire centaines de milliers d’euros. Leurs productions à moins de 3 000 £ sont alors essentiellement des multiples à grand tirage, des études ou des toiles de petits formats.
Takashi Murakami est le plus présent dans cette gamme de prix, grâce à ses nombreuses estampes. Pour “And then and then and then and then and then“, une sérigraphie de 1986 tirée à 300 exemplaires est partie pour 1300 euros chez Artcurial (Paris) en février 2008. Mais, les marges de progression de prix pour cet artiste sont réduites. Inutile d’espérer des plus-values importantes car ses pièces majeures se vendent déjà au delà du million, à l’exemple de Vapor Trail (2004), une toile dispersée pour 2,1 millions de $ en novembre 2007. Côté photographie à moins de 3000 £, Thomas Ruff décroche la palme, avec pas moins de 43 clichés adjugés sous ce seuil en 2007. Récemment, un ensemble de 6 petits clichés à 50 exemplaires de la série « nudes » est ainsi parti pour 3500 $ chez Phillips, de Pury & Company. Pour les dessins, le trio de tête est tenu par le Japonais Yoshitomo Nara, l’anglais Peter Howson et le suisse Ueli Hofer. Côté peintures, l’offre est importante. Près de 1500 artistes vendent des œuvres sous le seuil de 3000 £. Les plus représentés sont Mark Kostabi, Marco Lodola ou encore Bruno Checa.
C’est bien dans le domaine de la sculpture que l’offre est la plus réduite. Il faut dire que l’utilisation de ce médium implique des coûts de production incompressibles.
Néanmoins, paradoxalement, en tête de liste des sculptures abordables les plus souvent négociées en vente, on retrouve l’artiste vivant le plus coté du marché : Jeff Koons. Si son monumental «Hanging Heart (Magenta/gold)» adjugé 21 millions de $ en 2007, en parallèle pas moins de 46 sculptures à très grand tirages, telles que Balloon Dog et Puppy, ont trouvé preneur à moins de 3000 £.