Art contemporain 2012-2013 : le médium gagnant de la décennie

[04/09/2013]

 

Comment la boulimie d’achat d’art contemporain se traduit-elle selon le type d’oeuvres vendues ? Entre peinture, sculpture, dessin, photographie et estampe, comment l’offre et la demande ont-elles évolué et quels sont les segments les plus rentables pour les opérateurs de ventes ? Voici quelques réponses d’après les oeuvres vendues entre l’été 2012 et la fin du premier semestre 2013.

L’explosion de l’offre, de la demande et du marché haut de gamme contemporain est telle qu’elle a profité à toutes les catégories d’oeuvres. Outre les incessants records signés par la « traditionnelle » œuvre sur toile, la progression la plus spectaculaire tient au dessin, second médium le plus apprécié derrière la peinture. Le nombre de dessins vendus dans le monde cette année atteint un record historique (plus de 10 700 lots sur la période juillet 2012 – juin 2013) qui multiplie par sept le nombre d’adjudications en 10 ans. Le volume d’affaires augmente en conséquence. Lui aussi atteint un point culminant, multipliant ses recettes par 36 sur la décennie, avec une hausse conséquente de 25 % cette année par rapport à l’an dernier (juillet 2011 – juin 2012 par rapport à juillet 2012 – juin 2013). L’explosion du marché du dessin tient à plusieurs facteurs : en Occident, la hausse des prix de la peinture reporte naturellement les acheteurs sur un secteur du dessin plus abordable, tandis qu’en Chine, la déferlante d’une vague de dessins à l’encre fait indubitablement gonfler les recettes globales.

C’est aussi le segment où l’offre et la demande s’équilibrent le mieux et ou les prix sont les mieux adaptés car son taux d’invendus est le plus bas du marché de l’art contemporain (32 %). La peinture reste le médium le plus cher de tous, avec des records qui se comptent désormais en dizaines de millions de dollars. Seule la sculpture entre en compétition avec de tels niveaux de prix. Les oeuvres en trois dimensions – souvent monumentales lorsqu’il est question de marché haut de gamme – engrangent 915 % de plus sur la décennie, portées par des poids lourds comme Takashi MURAKAMI et Jeff KOONS. Sur l’année (juillet 2012 – juin 2013), Jeff Koons enregistre plus de 38,8 m$ pour la seule vente de ses sculptures, ce qui équivaut peu ou prou au résultat de l’ensemble des ventes d’art contemporain en France sur la même période. Jeff Koons s’exprime cependant sur divers supports et l’impact de la signature est bien plus percutante que le type d’oeuvre choisi… lors des grandes ventes newyorkaises de mai par exemple, une photographie sous caisson lumineux de Koons se paie 6 m$ de plus (avec les frais) que le prix affiché par l’estimation haute de l’oeuvre. Au final, l’acheteur débourse 9,405 m$ pour s’offrir le premier « portrait de l’artiste en artiste ». La photographie en question s’intitule The New Jeff Koons (prix au marteau de 8,25 m$, Sotheby’s le 14 mai 2013). Il s’agit d’un agrandissement d’une photo de Jeff Koons enfant, sage devant sa boîte de peinture et le regard franc face à l’objectif. Une photo dont il affirme qu’elle a saisi le moment où il a senti véritablement être un artiste pour la première fois, un niveau de prix faramineux porté par la starification du monde de l’art.

S’il se vend sept fois plus de dessins contemporains qu’il y a 10 ans, quatre fois plus de peintures, cinq fois plus de sculptures et d’estampes, la photographie a encore de belles marges de progression devant elle. En effet, bien que le nombre d’épreuves adjugées soit multiplié par 2,4 sur la décennie pour un volume d’affaires en hausse de 317 %, ce segment enregistre le plus mauvais taux de vente avec 42,3 % d’oeuvres ravalées contre 39,6 % pour les estampes, elles aussi tirées en un nombre d’exemplaires limitées. La qualité de l’offre et la pertinence des prix sont encore à affiner.