ACTIONNISME VIENNOIS – Le prix du sang
[27/06/2006]
L’actionnisme viennois est une avant-garde autrichienne révolutionnaire, active entre 1962 et 1968. Les principaux artistes que sont Nitsch, Muehl, Brus et Swarzkogler opèrent des performances violentes à caractère sacrificiel, destinées à libérer les individus de leurs refoulements, à briser les carcans sociaux et, plus généralement, tous les acquis, afin de retrouver via ses décharges pulsionnelles, une liberté souveraine. Ce mouvement provocateur doit-être, afin d’en comprendre la portée, remis dans le contexte d’une Autriche meurtrie par les horreurs de la guerre et étouffée par son sentiment de culpabilité. Rappelons qu’Hitler était autrichien.
La scène des Actionnistes viennois, qui sembla longtemps réservée à un cercle d’initiés, est définitivement sortie de l’ombre. Sa consécration fut dernièrement marquée par l’exposition La peinture comme Crime qui se tenait au musée du Louvre en 2001-2002. Otto Muehl, Ermann Nitsch, Günter Brus, Rudolf Schwarzkogler furent, dans les années 1960, des artistes en rupture, cherchant à briser les conventions esthétiques. Le marché d’Otto Muehl demeure le plus restreint. Les œuvres dispersées sont essentiellement des dessins des années 1980-1990 et quelques rares photos (seules 10 ont été présentées en salles en 10 ans). Ses travaux photographiques, témoignages de performances, sont tout à fait abordables et ne dépasse pas 1 000 EUR, à l’instar de celles de Brus et de Schwarzkogler. A la différence de Muehl, Brus affiche une large production graphique depuis les années 1960. Les puristes recherchent en priorité des œuvres historiques si bien que les pièces anciennes peuvent doubler la mise par rapport aux œuvres récentes : par exemple, un papier de 1998, titré Schonheit Zungenspitze des Gehirns, doubla son estimation pour partir à 7 000 EUR (Artcurial, Paris, 2006) ; tandis qu’une encre mieux datée (Sans titre, 1960) s’envola pour 14 000 EUR en 2005 à Vienne (Kunstauktionen).
Rudolf Schwarzkogler bénéficie d’une aura sulfureuse : de grands bruits ont couru sur une amputation de son pénis lors d’une performance. Cette rumeur s’est avérée fausse mais a entretenu un mythe autour du jeune artiste qui se résolu finalement au suicide. Les œuvres de Schwarzkogler sont rares en ventes publiques, seuls 6 dessins furent présentés depuis 1999, dont un record à Vienne en 2000 pour une feuille qui partit pour 11 628 EUR (160 000ATS, Palais Dorotheum).
Les choix de Charles Saatchi en matière de collection d’art font références et ont des répercussions très positives sur les résultats de ventes. Ce fut le cas pour les Young British Artists et, plus récemment, pour le pape de l’actionnisme viennois Hermann Nitsch, que Saatchi présentait en 2005 au County Hall de Londres pour l’exposition le Triomphe de la Peinture. Conséquence, son taux d’invendus dégringolait de près de 40%. Sur ces 3 dernières années, sa cote affiche une progression de près de 60% et celle de son chiffre d’affaire fleurte avec les 230%. Les œuvres restent abordables mais les prix grimpent indéniablement : un dessin sans titre doublait son estimation en mars dernier pour partir à 7 500 EUR (Vienne, Dorotheum). Les peintures à l’huile ou à l’acrylique sont autant d’éclaboussures ensanglantées évoquant une violence sacrificielle mise en œuvre dans son Théâtre des Mystères et Orgies. Au cours de ces rituels dionysiaques, divers objets sont récupérés par l’artiste, comme autant de reliques qui feront œuvres. En décembre 2005, l’une d’entre elles, intitulée Relitto (épave) et présentant un pantalon maculé de sang, trouvait acquéreur pour 8 000 EUR chez Finarte à Milan. Pour tous les actionnistes, la performance est le lieu et le moment de l’art, l’œuvre matérielle en conserve la mémoire.