2003, année à rebondissements.

[28/01/2004]

 

Du 1er janvier au 31 décembre 2003, les prix des œuvres d’art ont augmenté de 1,5%.Crainte, annoncée, réfutée ou évitée, la crise aura été dans toutes les têtes en 2003. Les interrogations des acteurs du marché ont été d’autant plus fortes que la guerre en Irak a ravivé le douloureux souvenir du krach de 1990-1991.
En 1991, l’après guerre du Golfe a été marquée par l’absence de records. Les investisseurs, y voyant le signe d’un essoufflement du marché, l’abandonnèrent. 1991 n’était pas un krach. Pire ! Le marché a subi une lente agonie de 5 ans. Comment a-t-il réagi cette année ?

Les réactions des collectionneurs ne se font plus attendre. Grâce à un système d’information plus rapide et efficace, le marché a gagné en réactivité. Il en découle une plus grande volatilité des prix et un manque de liquidité.Trois grandes phases d’évolution.

Après l’écroulement du 3ème trimestre 2002, les prix ont grimpé durant les 3 derniers mois de l’année 2002. Puis, ils ont maintenu leur tendance haussière tout au long du premier semestre 2003. Pourtant rien ne le laissait présager. L’entrée en guerre des Etats-Unis et la baisse persistante des cours de la bourse ont inquiété le marché et les volumes d’échanges se sont encore contractés. Mais cet effondrement de l’offre a soutenu les prix. Ils sont en juin 2003, quasiment au même niveau qu’ils ne l’étaient un an avant. Le scénario de 1991 semble alors évité.

Pourtant, pour la troisième année consécutive, les prix se sont effondrés au cours du troisième trimestre. En septembre 2001, le marché de l’art avait tremblé une première fois au son du drame du 11 septembre. Après cinq années de hausse quasiment ininterrompue, l’Artprice Index marquait le pas. En septembre 2001, il est inférieur de 5,4% au niveau atteint en septembre 2000. En septembre 2002, subissant une incessante crise économique, sous le joug d’une bourse déstabilisante et l’influence d’une Amérique toujours en deuil et annonciatrice de ses intentions belliqueuses en Irak, le marché de l’art se pare aussi de noir. Inquiets, les acheteurs d’œuvres d’art se montrent attentistes et ultra sélectifs. Les mains hésitent à se lever dans les salles. Les chiffres sont catastrophiques : par rapport à septembre 2001, le volume de transactions chute de 47%, le taux d’invendus atteint 44% et les prix dégringolent sous leur niveau de 1999. Principale place de marché affectée : New-York. Une fois encore, en 2003, les prix sont en septembre inférieurs à ce qu’ils étaient six mois auparavant. Ils ont baissé de 7% au troisième trimestre.
Mais se relèveront-ils aussi aisément qu’ils ne l’ont fait jusqu’à présent ? La réponse est mitigée.

Pendant que l’euphorie gagne le marché new-yorkais, la crise s’amplifie en Europe

Le marché semble désormais déstabilisé et fonctionner à deux vitesses.A New York, les ventes de novembre donnent des signes d’embellie et semblent annoncer la reprise. La peur du krach s’éloigne au fil des ventes et les catalogues de Sotheby’s et Christie’s sont à la hauteur d’une demande américaine relancée par l’exceptionnelle croissance de l’économie nationale. A l’issue des dernières sessions de vente, le marché new-yorkais affiche une hausse de 8% pour la peinture sur l’année 2003. Toutes disciplines confondues, les prix des œuvres d’art y ont augmenté de 3%. L’année 2004 démarre en fanfare avec l’annonce d’un potentiel record chez Sotheby’s grâce à une toile de Picasso estimée plus de 70 millions de dollars. La vente prévue le 9 mai 2004 risque de tenir en haleine les amateurs de prix d’exception.
Mais le marché est avant tout européen (près de 80% du volume de vente) et animé par des enchères à moins de 10 000 euros (plus de 90% des transactions). Or les chemins de la crise se dessinent en Europe et sur les segments des œuvres de gamme moyenne. Pour la zone euro, la croissance économique demeure encore médiocre. En France, les prix s’effondrent et les volumes d’échange se concentrent autour des ventes prestigieuses. Si quelques ventes d’exception, comme celle de la collection Breton, sauvent la face, les faits sont là : durant l’année 2003, sur le marché hexagonal, sont enregistrées des chutes des prix de 1,6% pour la peinture et de 8% pour la photographie ! 8 œuvres seulement ont atteint le million d’euros, contre 11 en 2003. En moins d’un an, le nombre de ventes cataloguées a diminué de 22%.
Même Londres connaît des déboires. Le volume des ventes s’effondre depuis 3 ans. La baisse concédée en 2002 frôle 40% ! Comme le marché est moins dynamique et qu’aucun record à l’image du Massacre des Innocents de Peter Paul Rubens (45 millions de livres sterling le 10 juillet 2002) n’a été enregistré, le produit des ventes chute de 487 à 410 millions de livres sterling au Royaume-Uni.

Devant de tels chiffres, les doutes planent encore sur le devenir du marché de l’art. Si les Etats-Unis, le leader en terme de chiffre d’affaires, sont sur la voie de la réussite, l’expansion peut-elle se propager à l’échelle mondiale ?

La reprise européenne freinée par la chute du billet vert

Le marché de l’art est international. Et aujourd’hui, acheteurs et vendeurs se déplacent en fonction de la structure du marché, de la conjoncture et du coût des transactions. Depuis plus d’un an, grâce à la baisse du billet vert, les Etats-Unis jouissent d’un incroyable avantage comparatif. Face à l’euro, le dollar à perdu 45% de sa valeur en 2 ans. Effets de la dépréciation du billet vert sur le marché américain : stimuler les exportations et freiner les importations. Elle améliore considérablement la compétitivité des Etats-Unis. En 2004, il ne serait alors pas surprenant de voir les collectionneurs américains se concentrer sur les ventes new-yorkaises, rendues plus attractives, aux dépens des principales places européennes. Suite à l’appréciation de l’euro, les œuvres issues des collections européennes susceptibles d’alimenter le marché américain coûtent aujourd’hui plus cher pour un acheteur new-yorkais. A cela s’ajoutent les frais d’assurance devenus exorbitants. Autant de facteurs favorables au transfert d’œuvres d’art vers les Etats-Unis. Un dollar plus faible devrait faire grimper les prix aux Etats-Unis, mais cette tendance inflationniste pourrait ne pas se propager en Europe.

Si New York a su raviver les braises, le marché est encore loin de s’enflammer.