Transavanguardia, l’art de renouer avec la peinture italienne

[06/09/2016]

La Transavanguardia italienne a réhabilité la peinture dans l’art contemporain au cours de la seconde moitié du XXème siècle. Aujourd’hui, des artistes tels que Marco Bagnoli, Sandro Chia, Enzo Cucchi, Francesco Clemente et Mimmo Paladino bénéficient d’une notoriété internationale mais sont en mal d’appréciation sur le marché des enchères.

La réconciliation de l’art contemporain et de la peinture

La Transavantguardia, ou trans-avant-garde italienne, est une pure invention de l’époque post-moderne. Elle désigne un renouveau de la peinture, renouveau historiquement inscrit en rupture à l’austérité du moderniste, de l’art conceptuel et de l’art minimaliste. Ce mouvement a privilégié l’émotion contre l’art de la raison qui caractérise le mouvement conceptuel. Les œuvres puisent dans de nombreuses influences, dans des cultures liées à d’autres traditions, dans les symboles mythologiques, les figures poétiques et religieuses, ou encore dans la trivialité du quotidien. Conçue et théorisée dans les années 1970 par le critique d’art italien Achille Bonito Oliva, La Transavantguardia a redonné ses lettres de noblesse à la peinture, dont on annonçait alors la mort… Il n’en est rien, et cette peinture, souvent rapprochée du néo-expressionnisme qui a touché l’Allemagne et les États-Unis, perdure de nos jours.

Essoufflement du marché

C’est à l’occasion de la Biennale de Venise de 1980 que collectionneurs et critiques d’art découvrent, enthousiastes, la nouvelle trans-avant-garde italienne. A partir de cet évènement, les expositions pleuvent dans le monde entier, et les prix s’emballent. A la fin des années 1990, les principaux artistes de la trans-avant-garde se retrouvent particulièrement convoités, notamment à New York où les enchères sont vives. Le 18 novembre 1999, Sotheby’s réalise à New York une importante vente d’art contemporain provenant d’un collectionneur privé européen. A côté de Jean-Michel Basquiat et de Julian Schnabel, 17 lots de Francesco CLEMENTE, Sandro CHIA et Enzo CUCCHI s’arrachent. La vente des œuvres de ces trois artistes atteint le million, et Francesco Clemente frôle un nouveau record, avec Experience of Love, une huile sur toile vendue 310 500$ alors que son estimation l’annonçait entre 70 000 et 90 000$. Après une période enthousiaste, le marché de la figuration italienne s’est considérablement essoufflé, et des artistes comme Enzo Cucchi, Mimmo PALADINO et Francesco Clemente ont perdu de la valeur au cours de ces 10 années.

L’aventure américaine de Clemente

L’indice des prix de Francesco CLEMENTE accuse par exemple une baisse de -30% sur 10 ans… et son record n’a pas été réactualisé depuis l’année 2006, lorsque sa toile Casa del Popolo (1984) s’envolait pour 717 000 $, plus de deux fois l’estimation haute, chez Christie’s à Londres. Cette enchère record n’était pas étrangère à son actualité de l’époque, puisque la galerie Gagosian venait de lui consacrer une exposition à Londres (8 décembre 2005 – 28 janvier 2006). Or, voilà 10 ans que le plus grand des marchands d’art ne lui a plus offert de tribune… Sans nouvelle exposition importante depuis 2006, la cote de Clemente s’est effondrée. Pourtant, ce grand représentant de la Transavantguardia a de multiples atouts pour construire un marché solide, notamment du fait qu’une partie de son histoire s’est jouée aux Etats-Unis. En 1981, l’artiste s’installe définitivement à New York avec sa famille. C’est là qu’il produit ses premières huiles de grands formats (1981-1982) et entreprend des collaborations avec Jean-Michel Basquiat et Andy Warhol, les deux figures tutélaires de l’art contemporain américain. Par ailleurs, les œuvres de Clemente sont internationalement reconnues, puisqu’elles ont été exposées au Metropolitan Museum de New York (1997), au Guggenheim à New York (1999), au Reykjavik Art Museum en Islande (2004), à la galerie James Cohan à Shanghai (2012), entre autres. Cette dimension internationale lui confère certes un fort crédit auprès du marché anglo-saxon (84% de son produit des ventes à Londres et New York, contre 11% en Italie), mais ce n’est pas suffisant.

Un marché abordable

Si les critiques d’art ont rapproché les peintures de Clemente, au contenu souvent sexuel et allégorique, de celles de Georg Baselitz ou Anselm Kiefer, il est encore loin d’atteindre les prix de ces deux artistes plusieurs fois millionnaires aux enchères. Aujourd’hui, les œuvres de Clemente soumises à enchères partent généralement pour leur estimation basse, lorsqu’elles ne restent pas invendues. C’est donc le bon moment pour se porter acquéreur, notamment pour de grands et beaux dessins accessibles autour de 15 000 $…
Même cas de figure pour Enzo CUCCHI dont les œuvres ont été exposées dans les plus grands musées, comme le Stedejijk Museum à Amsterdam (1983-1984), le musée Guggenheim à New York (1986), le Musée d’art Moderne de la Ville de Paris (1986), le musée d’art contemporain à Bordeaux (1986) et le Kunstmuseum à Dusseldorf (1986), pour ne citer qu’eux. La cote de Cuchi est en berne : -18% depuis 2006, si bien que certains dessins se retrouvent adjugées moins de 2 000$, au prix d’un artiste débutant sa carrière…
Une autre figure emblématique telle que Mimmo Paladino est elle aussi aisément accessible, avec des dessins abordables entre 3 000 et 5 000 $ sur le marché des enchères et, parfois, avec quelques petites toiles proposées autour de 10 000 $. Comme Clemente, Paladino a participé à la Biennale de Venise de 1980. Comme lui encore, il est parti découvrir New York. Cependant, son marché a moins d’impact sur le plan international, avec 42% du produit de ventes réalisé entre Londres et New York, contre 41% en Italie et 8% en France. La cote de Paladino est en perte de vitesse depuis 2008, année marquée par la vente de deux toiles à plus de 200 000$ chacune. Tandis que les prix flambent pour leurs prédécesseurs italiens, à l’image de Lucio Fontana (1899-1968), Agostino Bonalumi (1935-2013), Enrico Castellani (né en 1930), ou encore Alberto Burri (1915-1995), les artistes de la trans-avant-garde italienne semblent être les grands oubliés du marché. Le calme avant la tempête ?