Le Top de l’estampe

[24/02/2017]

Le vendredi, c’est Top ! Un vendredi sur deux, Artprice vous propose un classement d’adjudications par thème. Le classement révèle cette semaine les meilleurs coups de marteau enregistré depuis un peu plus d’un an sur le marché de l’estampe.

Picasso domine

Premier constat : Picasso tient la moitié de ce classement mondial ! Peu étonnant pour l’artiste le plus recherché et le plus emblématique de l’art du XXème siècle… Mais quels sont les feuilles de Picasso les plus valorisées et pourquoi ?…

Au top du classement émerge une Minotauromachie vendue plus de 2,6m$ en mai 2016 chez Christie’s à New York. C’est un nouveau record mondial pour cette eau-forte de 1935, dont le sujet se réfère autant à la tauromachie affectionnée par Picasso qu’au mythe du minotaure, ce monstre à corps d’homme et tête de taureau enfermé dans un labyrinthe construit par Dédale, à qui l’on donnait chaque année en pâture sept garçons et sept jeunes filles d’Athènes. Avec le thème du minotaure, Picasso réactive les mythes archaïques et convoque la naissance de l’homme à partir de l’animalité. La Minotauromachie constitue par ailleurs un jalon important dans l’oeuvre du maître. Elle fut sa principale source d’inspiration pour l’emblématique tableau Guernica (1937), son œuvre la plus tourmentée, la plus symbolique et la plus célèbre avec Les Demoiselles d’Avignon. Cette Minautoromachie laisse aussi sa place au mythe personnel de l’artiste, comme souvent, car à l’époque de sa réalisation, Picasso se trouvait dans une période trouble entre deux des femmes de sa vie, Olga Khokhlova et Marie-Thérèse Walter enceinte de Maya. Il avait arrêté de peindre un temps, si bien que cette œuvre condense toute sa puissance créatrice de l’époque. Notons que les deux Minotauromachies du classement affichent une différence de prix de 500 000$, bien que vendues à six mois d’intervalle seulement. Ce gap immense s’explique par la qualité de la planche, la préservation de la feuille, ses restaurations éventuelles et la qualité d’encrage, autant de considérations que seuls les spécialistes aguerris et les meilleurs initiés peuvent prendre en compte. La qualité d’expertise est la clef d’une juste estimation de l’estampe…

Rang Artiste Adjudication œuvre Vente
1 Pablo PICASSO (1881-1973) 2 629 000$ La Minotauromachie 2016-05-12 – Christie’s New York NY
2 Pablo PICASSO (1881-1973) 2 532 500$ La suite vollard 2016-11-14 – Sotheby’s New York NY
3 Pablo PICASSO (1881-1973) 2 107 500$ La Minotauromachie 2016-11-16 – Christie’s New York NY
4 Pablo PICASSO (1881-1973) 1 745 000$ La Femme qui pleure 2016-05-12 – Christie’s New York NY
5 Jasper JOHNS (1930) 1 685 000$ “Flags I” 2016-04-26 – Christie’s New York NY
6 Michelangelo PISTOLETTO (1933) 1 572 500$ “turista che mangia un panino” 2016-11-17 – Sotheby’s New York NY
7 Andy WARHOL (1928-1987) 1 207 500$ Mao 2016-11-02 – Christie’s New York NY
8 Pablo PICASSO (1881-1973) 965 000$ La femme au tambourin 2016-05-12 – Christie’s New York NY
9 Francisco José DE GOYA Y LUCIENTES (1746-1828) 912 500$ Los Caprichos. [Madrid: Printed by Rafael Esteve for the Artist, 1799.] 2017-01-25 – Sotheby’s New York NY
10 Andy WARHOL (1928-1987) 852 500$ Mao 2016-11-18 – Sotheby’s New York NY
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Le Pop Art suit Picasso

Avec Jasper Johns et la présence de Andy Warhol à deux reprises, le Pop art américain est très bien représenté. La suite des dix sérigraphies de Mao par Warhol, réalisée en 1972 et éditée sur 50 exemplaires, est plus chère encore que la suite de ses fameuses Marilyn. En 2012, 10 Mao explosaient leur estimation de 500 000-800 000 $ pour partir à 2,5m$ (22 mai 2012 chez Sotheby’s Londres)… Un prix record et le prix du symbole, l’édition en question se trouvant être la toute première, numérotée 1/50. La différence de prix entre les deux séries de Mao vendues en 2016 – respectivement pour 1,2m$ et 852 000$ – ne doit rien à d’éventuels caprices du marché. Le gap de prix tieent à la rareté de l’édition : pour 1,2m$, les 10 Mao sont numérotés sur 150 exemplaires et sur 250 exemplaires pour 852 000$.

Du côté de Jasper Johns, initié à la sérigraphie par Warhol en 1960, le sujet le plus emblématique est sans conteste le drapeau américain. Ses expérimentations dans le champ sérigraphique ont donné naissance à des œuvres dont les couleurs vives et l’effet texturé rappelle ce qu’il parvenait à faire en peinture. C’est le cas pour Flag 1, tiré sur 65 exemplaires en 1973. Le prix de ce tirage s’est envolé de 600 000 $ entre 2013 et 2016, pour établir le nouveau record mondial de l’artiste américain dans la catégorie estampes.

Nouveau record également pour Michelangelo Pistoletto, avec une sérigraphie collée sur miroir, et seconde meilleure enchère pour 80 planches des Caprices de Goya. Rappelons qu’il existe de nombreux éditions différentes des Capricios réalisées tout au long du XIXème et même au XXème siècle, Goya étant tiré des épreuves de son vivant puis offert les plaques originales au roi d’Espagne en 1803 pour payer les études de son fils. Il existe en tout 20 éditions, réalisées entre 1799 et 1937. Celle considérée comme la plus belle est celle de 1812. Comme chez Warhol, le gap de prix peut afficher plusieurs centaines de milliers de dollars d’une édition à l’autre.

Les occasions d’acquisitions vont s’accélérer dans les prochaines mois pour les amateurs d’estampes, notamment avec les ventes spécialisées de Christie’s et de Sotheby’s Londres prévues entre le 29 mars et le 4 avril 2017, puis les ventes de New York (19, 27 et 28 avril) et la The London Original Print Fair qui se tiendra à la Royal Academy du 4 au 7 mai prochain.