Suite de l’interview exclusive de Thierry Ehrmann, PDG d’Artprice.com (7 mars 2012)

[08/03/2012]

 

Interview exclusive de Thierry Ehrmann partie 1 et partie 2

Boursica :Nous vous avons interviewé en profondeur le 05 juin et le 09 octobre 2011. Nous sommes début mars 2012 et les enchères ont démarré sur Artprice depuis près d’un mois et demi. Quelles sont vos impressions ?

Thierry Ehrmann :
Pour comprendre certains points de cette interview, il est nécessaire pour vos lecteurs de les renvoyer vers les interviews du 5 Juin 2011 et du 9 Octobre 2011 qui sont les grilles de lecture de cette troisième interview. Nous avons donc effectivement démarré le 18 janvier 2012 les enchères, après 16 ans de combat législatif contre un des plus vieux monopoles au monde: les ventes aux enchères d’art, qui datent de l’Edit de 1556. Nous sommes arrivés à faire valoir la libre concurrence par la désormais célèbre loi du 20 juillet 2011.

Boursica :Vous êtes donc devenu « Maison de ventes » ?

Thierry Ehrmann :
Non, plus précisément nous sommes devenus opérateur de courtage aux enchères, réalisées à distance, par voie électronique, comme défini par l’article 5 de la loi 2011-850 du 20 juillet 2011 par notre Place de Marché Normalisée ® aux enchères.

Boursica : Pouvez-vous préciser ?

Thierry Ehrmann :
Artprice possède un ensemble de process de normalisation du marché de l’art unique au monde, à travers une multitude de dépôts, au titre de la propriété intellectuelle (droit sui generis, brevet logiciel, droit d’auteur, …), qui nous permet, à travers la Place de Marché Normalisée, de rapprocher l’offre et la demande en temps réel, à prix fixe ou aux enchères. A ce titre, nous ne sommes pas responsables de l’enchère car nous ne sommes pas attraits aux parties (l’acheteur et le vendeur). C’est le vendeur qui choisit in fine la meilleure enchère, selon ses propres critères, et nous reverse entre 5 et 9% de commission pour l’usufruit de notre Place de Marché Normalisée aux enchères et de notre fichier clients, le plus important au monde à ce jour, de 1,4 million de membres, dont nous connaissons, pour chacun, de manière très précise, ce qu’il recherche ou souhaite vendre.

Boursica :Revenons à ce mois et demi écoulé. Qu’avez-vous constaté en sept semaines ?

Thierry Ehrmann :
Nous avons d’abord relevé un défi extraordinaire, celui de réunir en offre, plus de 5000 lots à l’ouverture des enchères le 18 janvier 2012, représentant une valeur de plus de 810 millions d’Euros avec toute une gamme de prix allant de quelques centaines d’euros à plusieurs dizaines de millions d’euros.Pour comprendre ces 45 premiers jours d’enchères, il est nécessaire d’expliquer auparavant la genèse des transactions sur Artprice, par sa Place de Marché Normalisée à prix fixe, dont je rappelle qu’elle est née le 18 janvier 2005 et qu’elle a progressé de manière spectaculaire, avec une offre démarrée en 2005 à 1,2 milliards EUR, puis en 2006 plus de 2,7 milliards EUR, 3,6 milliards EUR en 2007, 4,5 milliards EUR en 2008, 5,4 milliards EUR en 2009, pour se stabiliser en 2010/2011 à 6,3 milliards EUR avec environ de l’ordre de 30% de ventes abouties, pour lesquelles nous n’étions pas commissionnés (tous les chiffres précis sont sur les documents de référence et communication réglementée accessibles sur le site ActusNews homologué par l’A.M.F.). Très vite, les Acteurs du Marché de l’art en 2012 ont réagi de manière assez rapide avec le passage aux enchères, avec un accueil remarquable et très positif mais aussi en contrepartie un tout autre accueil d’un petit noyau dur, principalement proche de Drouot, d’une vieille garde usée qui a déployé des moyens de nuisance, voire de menaces, impensables en Europe.

Boursica :Parlons d’abord de cet “accueil remarquable et très positif “, selon votre expression.

Thierry Ehrmann :
Nous avons eu très rapidement, une génération de Galeristes, Maisons de ventes, Marchands d’art, Artistes, Collectionneurs et Amateurs qui ont compris que plus rien ne serait comme avant. Il est vrai que nos enchères étant limitées dans le temps, les transactions et les échanges ont véritablement explosé, par rapport à la Place de Marché Normalisée à prix fixe d’Artprice, où la notion de temps est plus étendue. Nous avons multiplié dans les jours qui ont suivi pratiquement par cinq notre trafic en bande passante et en nombre de logs. Nous avons eu des témoignages et des contributions d’une richesse inégalée. Pour toute une génération, que je situerais entre 25 et 50 ans, Artprice, par son fichier clients, qui est le plus important au monde (1,4 million de membres) et ses milliards de logs de comportements stockés conformément aux directives européennes et françaises, a donné à ces acteurs du marché de l’Art, la possibilité de leurs bureaux ou de chez eux, en quelques secondes, sur des artistes parfois peu connus, de toucher en quelques heures les dizaines de milliers d’acheteurs potentiels sur des artistes précis en provenance des cinq continents. Des discussions hors normes se sont établies entre ces acteurs et nous-mêmes qui ont la force de remettre en cause tout leur processus de vente. Ce qui démontre un vrai courage de leur part.

Boursica :Quel était le sens de ces discussions et comment se traduisent-elles ?

Thierry Ehrmann :
C’est pour ces Acteurs du marché de l’art une remise en compte intégrale de leurs métiers. Ils découvrent subitement qu’ils possèdent de facto une puissance de feu supérieure aux fichiers clients des plus grandes maisons de ventes ou célèbres galeries. Enfermées dans leurs propres fichiers clients et obligées de faire des foires d’art internationales à grands frais pour se déployer sur d’autres continents, elles ont subitement, par Artprice et sa Place de Marché Normalisée aux Enchères, découvert un nouveau paradigme économique qui les fait migrer définitivement dans l’Internet, qui est désormais la terre de toutes les conquêtes des cinq continents.

Boursica : Qu’entendez-vous par nouveau paradigme économique ?

Thierry Ehrmann :
Ils comprennent que leur modèle économique, à savoir la pratique de marges élevées, avec un nombre restreint de ventes, faute de ne pas avoir un fichier clients de grande envergure, est en pleine mutation. Certains imaginent fermer en partie leur galerie ou leur établissement secondaire, d’autres leur salle des ventes physique. Ils découvrent, d’un point de vue macro-économique, que le marché de l’art, qui est passé de 500 000 collectionneurs d’après guerre, à 450 millions de “consommateurs d’art” aujourd’hui, leur est enfin accessible en quelques minutes de leurs lieux professionnels ou privés. De ce fait, ils peuvent effondrer leurs marges, jusqu’alors rédhibitoires, et multiplier leur chiffre d’affaires dans des proportions qu’ils n’imaginaient pas, faute de lourds moyens financiers et de connaissance profonde de l’Internet. En un mois et demi, nous avons levé beaucoup de freins et d’inhibitions que nous corrigeons. Mais attention, si nous prenons en compte les quatorze jours d’enchères, le règlement livraison au tiers de confiance (délai d’environ 15 jours compte-tenu des virements internationaux) et la finalisation de la vente entre acheteur et vendeur qui donne la main levée définitive, nous commençons à peine à percevoir les commissions de fin janvier 2012 qui était notre date d’ouverture aux enchères. Donc nous allons certainement avoir de bonnes surprises bientôt, car la montée en charge des enchères sur la Place de Marché Normalisée est constamment en progression et ce de manière régulière depuis son ouverture le 18 janvier 2012.

Boursica :Avez-vous confronté votre postulat avec les grandes maisons de ventes anglo-saxonnes ?

Thierry Ehrmann :
Je vous invite à lire en urgence la pleine page des Echos du 3 mars 2012, signée de Martine Robert, où le Rapport annuel d’Artprice sur le marché de l’Art est présenté avec en écho, une interview du Président de Christie’s qui se termine par cette phrase “L’avenir du Middle Market de 800 à 10 000 EUR est sur le net.” Qui mieux que Christie’s peut nous le certifier ?Je rajoute, en qualité de Président d’Artprice, que ce segment représente à l’échelon mondial, 81 % des transactions. J’amène donc bien la preuve par un tiers qui a la qualité d’expert incontestable, que l’ancienne économie du marché de l’Art considère noir sur blanc que 81% passera bien par Internet et de facto, par notre position de leader incontestée, sur notre Place de Marché Normalisée.

Boursica :Vous avez parlé de freins et d’inhibitions. Pourriez-vous être plus précis ?

Thierry Ehrmann :
En effet, notamment avec le problème majeur concernant le tiers de confiance, nous avons retenu le leader mondial du séquestre “Escrow.com”, au passage je rappelle que le terme “escrow” signifie “séquestre” en anglais.Leur mode opératoire est absolument parfait mais Escrow a un handicap en acceptant comme devise unique le dollar US, qui était un frein terrible, principalement pour nos clients européens. Nous avons donc choisi, en un temps record, un deuxième tiers de confiance, après un appel d’offres, qui est Transpact, en Angleterre, qui gère le dollar US, l’Euro et la Livre Sterling avec un déploiement à la mi-février. Mais nous avions toujours le problème de la barrière linguistique. En effet, autant nos clients sur Artprice ont accès à six langues, autant sur les sites de nos deux tiers de confiance, la langue unique qui est l’anglais se révèle être un véritable obstacle car les sommes en jeu sont très importantes et nos clients veulent d’un point de vue juridique et pratique comprendre parfaitement toutes les étapes et le mode opératoire de séquestre et de main levée avec le tiers de confiance.

Boursica :Mais pourquoi ne pas choisir un tiers de confiance par zone linguistique ?

Thierry Ehrmann :
Je dois vous faire un aveu, notamment en France, aucune banque, ni établissement assimilé, n’a été capable de relever le défi du cahier des charges, alors que les sommes en jeu séquestrées seront à terme colossales et que, de surcroît, la notion de tiers de confiance, dans l’économie numérique, est applicable à bien d’autres groupes et activités économiques, différents d’Artprice et du marché de l’art. Cela explique, entre autres, un certain échec français en matière d’économie numérique et mondialisée de facto…

Boursica :Y a-t-il donc une solution ? Et pourquoi ne pas le faire vous-même ?

Thierry Ehrmann :
Au regard de la loi du 20 juillet 2011 sur les enchères en ligne, notamment l’article 5 retranscrit dans l’article 321-3 du Code de Commerce (alinéas 2 et 3), il est primordial que le tiers de confiance qui séquestre la somme et qui effectue la main levée soit totalement indépendant d’Artprice, tant sur le plan juridique que sur le plan capitalistique. Mais je vous rassure, nous avons, avec nos deux partenaires, montré le nombre très impressionnant de clients qui, arrivés sur la page du site du tiers de confiance, décrochent car ils considèrent que transférer des sommes importantes sans une maîtrise totale du texte dans leurs langues habituelles, est un risque non négligeable. C’est en montrant ce pourcentage de transactions désactivées en dernière minute sur les sites de nos tiers de confiance, qu’ils ont été immédiatement convaincus qu’ils devaient eux-mêmes modifier très vite dans les langues d’Artprice (français, anglais, allemand, italien, espagnol et chinois), leurs pages et leurs API informatiques. C’est donc une affaire réglée qui sera résolue dès le deuxième trimestre avec très certainement en plus l’arrivée d’un troisième partenaire asiatique comme tiers de confiance sur la zone Asie/Pacifique.

Boursica :Peut-on considérer que la Place de Marché Normalisée aux Enchères est désormais figée ?

Thierry Ehrmann :
Oui, dans l’essentiel, tout est là. Mais nous avons une très forte culture dans Artprice de faire des cahiers des charges béton, synthétique et peu coûteux en ressources humaines, qui volontairement, laisse une part importante à des extensions diverses et variées, que nous remonte notre Customer service qui est excellent pour analyser les demandes des clients de tous pays. Le plus grand danger est de faire un développement informatique faramineux, prisonnier d’un cahier des charges monstrueux qu’on impose de force à la clientèle internationale. La grosse erreur des Français est d’essayer d’imposer un produit en fonction de ses goûts. Artprice a une pratique inverse et nous considérons que ce sont les clients et le marché qui sont nos meilleurs prescripteurs et conseillers. Cette approche paraît simple et pourtant, très peu de groupes en France la pratiquent.

Boursica :Vous avez fait état, dans un communiqué, que l’offre en cours correspondait pour le moment au prévisionnel de 2013. Qu’en est-il ?

Thierry Ehrmann :
En effet, nous avions tablé sur 300 lots nouveaux présentés par jour, soit une moyenne de 90 000 lots par an. Nous sommes actuellement dans une moyenne qui avoisine les 500/700 nouveaux lots présentés par jour avec une gamme de prix très variée. Il faut préciser que pour une grande Maison de vente, une très belle vente cataloguée n’excède jamais 300 à 350 lots présentés et il faut en moyenne 2 à 3 mois de préparation, a contrario d’Artprice où il faut 12 heures en moyenne. Cela en fait réfléchir plus d’un.

Boursica :Pourquoi ne pas transférer la Place de Marché Normalisée à prix fixe, aux enchères directement ? Cela amènerait un chiffre d’affaires que vous possédez déjà, et qui est considérable et immédiat à Artprice.

Thierry Ehrmann :
En effet, la question s’est posée et nous avons eu un véritable débat au coeur d’Artprice. J’ai tranché dans le vif entant qu’auteur de la P.M.N. et j’ai considéré que la Place de Marché Normalisée à prix fixe, compte tenu des volumes énormes, est un véritable écosystème depuis janvier 2005 et que nous devons opérer une transition en douceur, sans jamais forcer nos fidèles clients.

Boursica :Vous paraissez bien sûr de votre postulat. Pourriez-vous le développer ?

Thierry Ehrmann :
C’est simple, je pars du principe qu’une très grande majorité des vendeurs choisira naturellement les enchères car, contrairement à un marché comme l’immobilier ou l’automobile, où la variation entre le prix fixe et les enchères est somme toute peu importante, dans le cadre d’Artprice, le différentiel du prix fixe que l’on présume d’une oeuvre d’art et celui du prix résultant d’une enchère peut, même si le vendeur est un professionnel, passer du simple au double très naturellement. C’est sur ce postulat que je considère que nous détenons, de manière propriétaire, depuis 7 ans, un nombre de vendeurs et d’acheteurs très important dans un mode bases de données et software propriétaires et ce, dans le monde entier, avec un volume de ventes annuelles qui est estimé de l’ordre d’environ 1,8 milliards EUR sur les 6,3 milliards EUR de présentations d’oeuvres. Ce serait, selon moi, une pure bêtise de forcer à passer aux enchères ces acteurs du marché de l’art qui sont dotés d’une forte personnalité et qui sauront très bien, par eux-mêmes, se faire une opinion. J’en ai la preuve tous les jours en voyant les migrations naturelles.

Boursica :Mais vos actionnaires veulent un résultat immédiat ?

Thierry Ehrmann :
Nous avons su attendre un certain temps pour que la France se décide à appliquer en droit interne une directive Européenne. Je me refuse de faire le jeu contre-productif d’un tout petit nombre d’actionnaires qui voudraient une communication réglementée quotidienne et qui assimileraient notre cours de bourse à la Française des Jeux. Je n’ai rien contre la Française des Jeux qui est d’ailleurs un groupe de qualité mais les amateurs d’émotions fortes qui désirent un rendement quotidien ne sont pas pressentis pour être actionnaires d’Artprice.

Boursica :Que pensent vos actionnaires historiques ?

Thierry Ehrmann :
Comme par hasard, l’ensemble de nos actionnaires historiques et/ou importants sont presque plus patients que nous le sommes. Nous sommes en train, selon les historiens et les sociologues du marché de l’art, d’effectuer une mutation aussi importante que le passage de la corbeille de bourse aux ECN de type NASDAQ ou Instinet de Thomson Reuters. A ce titre, il faut laisser un peu de temps au temps, d’autant plus qu’avec nos dépôts en propriété intellectuelle et industrielle, nous disposons d’un monopole légal, en matière de normalisation du marché de l’art ID artiste, ID oeuvre ID catalogue raisonné, ID estimation/économétrie… (Voir les précédentes interviews de Boursica), sans abus de position dominante et donc avec une absence absolue de concurrents sérieux disposant de droits similaires en terme de D.P.I. depuis 16 ans. Dans l’hypothèse peu vraisemblable qu’il arrive un jour un numéro 2, la règle terrible du Online que je pratique depuis 25 ans s’appliquerait “Second place is the First loser”.

Boursica : Peut-on voir un rapport avec l’A.G.E. du 30 mars 2012 qui n’était pas prévue au calendrier ?

Thierry Ehrmann :
Oui, effectivement. Cette A.G.E. grave définitivement dans le marbre la réussite de notre mutation économique qui est désormais pour nous de l’ordre de la certitude. Nous sommes, dans un premier temps, avec 16 ans de travail, devenus le leader mondial de l’information sur le marché de l’art avec 1,4 million d’abonnés. En début 2012, nous avons acquis avec assurance la conviction que notre coeur de métier et notre rentabilité optimale se situent sur la Place de Marché Normalisée à prix fixe et aux enchères. C’est la raison pour laquelle nous modifions en profondeur notre objet social pour être en adéquation avec cette aventure extraordinaire qu’est Artprice.

Boursica :Certains de nos lecteurs nous ont fait part d’une augmentation de capital lors de cette AGE. Est-ce le cas ? Il me semble que vous étiez contre.

Thierry Ehrmann :
Il ne s’agit nullement d’une augmentation de capital mais uniquement d’un plan de stock-options dans le but d’être attractif pour des profils atypiques et rares que nous chassons pour la Place de Marché Normalisée aux Enchères. Il est clair que nous cherchons les meilleurs éléments où qu’ils soient dans le monde feutré du marché de l’art et nous voulons nous en donner les moyens. De même il est logique de récompenser les collaborateurs d’Artprice qui se sont impliqués dans des proportions au-delà des normes communes. Concernant les augmentations de capital, je réitère mes propos, à savoir que je suis totalement hostile aux augmentations de capital qui non seulement diluent les actionnaires mais surtout, et on l’oublie souvent, interdisent à la société cotée de voir son cours grimper très rapidement. Contrairement à la grande majorité de sociétés cotées, nous n’avons pas un euro de dette. Pas de découvert bancaire, pas d’emprunts court, moyen et long terme, aucun convenant bancaire, ni d’instruments financiers à rembourser comme les BSA et autres produits dérivés, avec de plus, une bonne trésorerie et un BFR négatif.

Boursica :Il y a quelques jours, vous avez publié votre rapport du marché de l’art. Comment se fait-il que tous les médias français et internationaux ainsi que les institutions ne citent qu’Artprice lorsqu’on parle de marché de l’art ? C’est un lobbying ?

Thierry Ehrmann :
Non, je vous le certifie, une seule réponse à votre interrogation: l’historique d’Artprice : nous sommes aujourd’hui le seul groupe au monde à avoir normalisé le marché de l’art avec plus d’un million d’heures de travail d’historiens, de chercheurs et de journalistes en marché de l’art qui ont documenté et écrit sur toutes les oeuvres issues de ces manuscrits et catalogues, notamment du 17e siècle à nos jours. C’est pour cela que nous avons la plus grande banque de données d’informations sur le marché de l’art au monde qui permet de tracer les oeuvres d’art au fil des siècles avec 108 millions d’images ou gravures d’oeuvres d’Art de 1700 à nos jours commentées par nos historiens d’art. Avec cette normalisation et plus de 3600 maisons de ventes qui sont connectées sur notre Intranet sécurisé, nous sommes la seule agence de presse (Art Market Insight) à pouvoir fournir des données macro-économiques, des cotes et indices selon la méthode des ventes répétées et plus d’une centaine d’indices de référence qui permettent à plus de 6300 médias chaque année d’aborder le marché de l’art à travers des chiffres objectifs et exhaustifs.

Boursica : Avez-vous un exemple concret ?

Thierry Ehrmann :
J’en veux pour preuve notamment la Chine, où nous sommes de très loin les seuls à remonter une information aussi difficile et délicate de par la barrière linguistique ainsi que les us et coutumes.

Boursica :Cette présence permanente dans les médias a-t-elle un coût ?

Thierry Ehrmann :
Non, bien au contraire, de manière systématique et contractuelle, la presse écrite et audiovisuelle a l’obligation de nous sourcer avec notre code Internet et de commenter notre méthodologie. Nous estimons que chaque année, nous économisons en valorisation entre 16 et 18 millions d’euros d’espaces publicitaires qui, de toute façon, n’auraient pas la même pertinence car rien ne remplace un contenu d’agence de presse dont le degré de lecture est infiniment plus fort que de la publicité, si talentueuse soit elle. Concernant les études de marché spécifiques pour les médias, les assurances ou le private banking, bien évidemment, nous facturons nos études comme il se doit.

Boursica :Mais vous aviez bien pourtant parlé d’une campagne publicitaire internationale pour le lancement de la Place de Marché Normalisée aux Enchères ?

Thierry Ehrmann :
Oui, dans le cadre du lancement des enchères, nous avons certes bénéficié de très bonnes retombées médiatiques mais nous avons complété, pour l’exercice 2012, par un plan de campagne ciblé sur la presse artistique, où nous avons pris pour chaque pays clé le leader et le co-leader ainsi que des campagnes sur des networks T.V. très ciblés sur l’art et le luxe. La campagne a démarré fin janvier 2012, pour se caler sur le calendrier du marché de l’art, qui prend son amplitude avec les ventes dites de printemps.

Boursica :Revenons au rapport annuel du marché de l’art qui vient de sortir. Celui-ci étant disponible sur votre site Internet, pourriez-vous nous dire brièvement quel enseignement essentiel doit-on en tirer ?

Thierry Ehrmann :
Le premier enseignement est son titre : “L’art ne s’est jamais aussi bien vendu en 2011”. Le produit mondial des ventes aux enchères a dépassé son record absolu avec 11,5 milliards $. Ce qui veut dire qu’avec le premier marché, soit les galeries, marchands d’art et courtiers, on est désormais sur une base d’environ 90 milliards $, selon les ratios entre le premier et le second marché. Le taux d’invendus est au plus bas. La Chine écrase les USA avec 41,4% de volume mondial et l’Asie devient à elle seule un véritable marché avec près de 45% du marché mondial. Les artistes chinois trustent toutes les meilleures places tant dans notre Top 10 que dans notre Top 500. J’en veux pour exemple l’Icône occidentale Pablo Picasso qui, pour la première fois, sort du podium pour devenir numéro 4 mondial. Quant à la France, rien de nouveau, la chute continue toujours et encore. Le nombre d’enchères millionnaires ne cesse de croître dans le monde, notamment en Asie.

Boursica :Le marché de l’art serait donc comme l’or, une valeur refuge ?

Thierry Ehrmann :
Oui, nous en avons la démonstration avec les deux épreuves terribles où l’économie et la finance mondiale se sont effondrées en 2008 et en 2011 alors que le marché de l’art a fait preuve d’une grande maturité et de performances exceptionnelles. Ce n’est pas pour rien que le private banking et les gestionnaires de patrimoine conseillent désormais, notamment grâce aux outils économétriques d’Artprice, de se diversifier en période de crise dans le marché de l’art. Je vous invite à regarder nos progressions par gamme de prix et vous comprendrez que l’Artprice Global Index se porte mieux que le S&P 500 ou l’Eurostoxx 50.

Boursica :Justement, en parlant d’enchères millionnaires, à quand la première enchère millionnaire sur Artprice que tout le monde attend ?

Thierry Ehrmann :
Les enchères millionnaires sur Artprice sont une absolue certitude, au vu de nos discussions avec les grands acteurs du marché de l’art. Ce n’est donc qu’une question de date. Un seul pressentiment, cette enchère portera vraisemblablement sur un artiste Chinois.

Boursica :Pour revenir aux performances de la France, pourquoi une telle chute d’année en année ?

Thierry Ehrmann :
J’ai souvent répondu à cette question. La France était numéro 1 mondial dans les années 60 mais hélas, elle n’a cessé de perdre du terrain. Quelques chiffres : l’art contemporain sur une année pèse 13 millions $, ce qui signifie à l’échelle du Monde le néant, New York et Londres sur de belles ventes cataloguées réalisent chacune en une journée ce que la France fait en un an. Il est évident que le monopole de près de 500 ans des commissaires-priseurs et la première réforme de 2000 qui a avorté dans des conditions pathétiques, ont contribué à paralyser la maison France. Nous en savons quelque chose à titre personnel, avec nos 16 ans de combats législatifs et dizaine de procédures desquelles nous sommes sortis vainqueur après des années de calendrier judiciaire.

Boursica :Mais la guerre est désormais terminée entre Artprice et l’ancien monopole ?

Thierry Ehrmann :
Sur le plan économique, la messe est dite et nous avons une autoroute californienne devant nous. Sur le plan du droit, sans être rancunier, nous devons finaliser quelques dossiers où le préjudice économique que nous avons subi doit aboutir à un processus indemnitaire. De même, certaines attaques qui n’ont pas abouti méritent réparations en demandes reconventionnelles. Par ailleurs, nous maintenons avec fermeté, nos poursuites pénales et notre plainte contre des Maisons de ventes françaises pour entente illicite devant l’Autorité de la concurrence avec de nouveaux éléments depuis fin janvier 2012.

Boursica : Vous visez qui ?

Thierry Ehrmann :
En réalité, un tout petit nombre d’anciens commissaires-priseurs parisiens, essentiellement à Drouot, avec ses scandales judiciaires et mises en examen à répétitions. Concernant l’organisme de régulation, qui est le Conseil des Ventes Volontaires, le communiqué de presse du 6 Janvier 2012 à quelques heures de notre lancement de la Place de Marché Normalisé aux enchères, sans le moindre courrier, ni appel téléphonique préalable, ni la moindre mise en demeure était totalement surréaliste alors qu’il nous connaît très bien, tant par nos auditions, que nos fournitures de données chaque année pour leur rapport annuel sur le marché de l’art. Depuis quand un acte introductif d’instance se matérialise par un communiqué de presse, sans que nous soyons prévenus préalablement par voie judiciaire ? Pour moi la mission du Conseil des ventes est primordiale, mais dans le strict respect du contradictoire. Les choses étant ce qu’elles sont, une grille de lecture nous fait penser que ce petit noyau dur de commissaires-priseurs proche de Drouot, fous de rage des conséquences de la loi du 20 juillet 2011 et notamment de l’article 5, dont je viens de vous parler, a induit de manière intentionnelle en erreur le Conseil des Ventes Volontaires qui a su ces dernières années avec peu de moyens, oser ouvrir avec courage de vrais débats sur le déclin inexorable du marché français. Il faut savoir que nous avons eu des menaces extrêmement violentes de quelques rares acteurs qui ne supportent pas de voir leurs marges et leur marché s’effondrer. Mon côté perspicace et mes nombreuses heures de vol au compteur me font dire que de telles manifestations de haine et de fureur prouvent que nous avons frappé là où résidait le profit, à savoir entre autres 5% de commission nette sur les oeuvres de plus de 15 000 EUR et 7% de 7 500 à 15 000 EUR.

Boursica :Internet a donc dévoré le marché de l’art, entre autres, avec vous ?

Thierry Ehrmann :
Il faut tout relativiser et ne jamais oublier que plus de 4500 sites Internet d’art ont disparu depuis 2000 et que nous avons vécu la quasi-disparition boursière de site d’art sur Internet désormais relégué en OTC sans aucun volume. Pour nous, il est vrai que nous avons démarré Artprice avec moins de 30 millions d’internautes et que nous sommes aujourd’hui à plus de 2,7 milliards d’internautes. Mais le meilleur est à venir. Mais mieux que tout, la déclaration du Président de Christie’s sur les oeuvres d’Art et Internet est pour nous une excellente certification.

Boursica :Il reste encore de la croissance sur Internet ?

Thierry Ehrmann :
Nous n’en sommes qu’à 30 % du cycle de croissance de l’Internet à 15% du processus de dématérialisation de l’ancienne économie. L’Internet mobile colle parfaitement à Artprice, car notre clientèle est par nature nomade et a besoin d’informations dans le feu de l’action, comme les experts, les assureurs, les galeristes, les auctioneers, les douanes et bien sûr les collectionneurs et amateurs en situation d’achat ou de vente en galerie ou en salle des ventes.L’Internet mobile pour Artprice devrait représenter 80% de nos consultations. Nous en sommes déjà à plus de 30% et cette année, l’ensemble des grands bureaux d’études émet une prévision en nombre de Smartphones vendus un chiffre pour 2012 qui se situe entre 550 et 700 millions de nouveaux internautes mobiles. En 2015, c’est plus de 3,5 milliards d’internautes mobiles que nous pourrons connecter à Artprice.

Boursica : Qu’entendez-vous par 15% du processus de dématérialisation de l’ancienne économie:

Thierry Ehrmann :
Nous ne sommes qu’au début de la dématérialisation de l’ancienne économie.Je reprendrais la citation de mon vieux maître Pythagore, le premier des philosophes pour lequel tout est nombre, à l’exception des essences que sont les émotions humaines non quantifiables, indicibles et se jouant des nombres. A ce titre au-delà du nombre d’internautes, pratiquement tous les actes de commerce peuvent être dématérialisés, Artprice avec le Marché de l’Art est un très bon exemple. Vous verrez que l’enjeu majeur dans le monde sera ce binôme: dématérialisation et développement durable. La seule vraie réponse à la crise énergétique, c’est la dématérialisation.

Boursica :Devant de tels chiffres, comment faites-vous sur le plan technique ?

Thierry Ehrmann :
Nous avons, à travers notre maison mère, le Groupe Serveur, qui est un des tout premiers pionniers de l’Internet depuis 1987 (selon Time Magazine), travaillé dans les années 90, dans le respect des directives Européennes et de la CNIL, sur le concept de Data mining, mais nous sommes maintenant passés au concept de “Big data” avec des unités de stockages qui se mesureront à terme en péta-octet. Ces données sont produites en temps réel, elles arrivent de tous pays en flots continus, sont méta taguées mais de façon hétérogène et proviennent de sources très diverses déstructurées et non prédictives.

Boursica :Quelle est la différence entre le Big data et le Data mining ? C’est de la même chose dont on parle ?

Thierry Ehrmann :
Non, je vais vous expliquer pourquoi. Le concept de Data mining était de croiser des données à haute valeur ajoutée des banques de données des groupes, pour amener de la data très qualitative. Le concept de Big data, c’est bien évidemment le Data mining en sous-ensemble, mais avec une collecte, toujours dans le respect des règles de protection des données personnelles, de milliards de données (logs) considérées jusqu’alors comme non essentielles, alors qu’en réalité, dès que nous avons pu constater l’effondrement du coût du péta-octet (1000 téraoctets), nous nous sommes aperçus que l’exploitation en Data mining de ces données à priori moins qualitatives et considérées comme négligeables, étaient en vérité d’une richesse peu commune. Nous pouvons désormais comprendre des phénomènes complexes et instantanés et aboutir très vite à des produits et services qui collent littéralement à la demande de nos dizaines de millions de visiteurs gratuits ou payants.

Boursica :Concrètement, quels types d’applications peuvent sortir du “Big data” ?

Thierry Ehrmann :
Nous avons pu par exemple mesurer, depuis l’ouverture de la Place de Marché Normalisée aux Enchères le 18 janvier 2012, non seulement, le nombre impressionnant de visiteurs qui n’étaient jamais venus sur Artprice, mais nous avons pu comprendre aussi, en examinant ces centaines de millions de logs depuis le 18 janvier 2012, pourquoi ces nouveaux clients ne venaient que maintenant, depuis le lancement des enchères. De même, nous pouvons, comme je l’ai dit en début d’interview, dans cet énorme trafic qui a été multiplié pratiquement par cinq sur la P.M.N., décrypter ces nouveaux clients et prospects qui semblent ne s’intéresser qu’aux enchères mais qui en réalité passent leur temps à zapper entre la Place de Marché Normalisée aux enchères et nos données gratuites et très limitées en valeur, dans nos bases de données payantes sur les cotes, indices et biographies, sans faire un acte d’achat supérieur à 50 EUR.Grâce au Big data, nous pourrons produire des abonnements sur mesure qui prennent en compte la présence à 70% de l’Internet mobile chez ces nouveaux clients et prospects et de leur degré d’informations payantes selon leurs profils que nous situons de l’ordre de 36 EUR /an soit 3 EUR par mois. Ce qui change tout dans cette analyse c’est que notre cible ne se mesure plus en million d’abonnés, comme c’est le cas actuellement, mais en dizaines de millions de consommateurs d’art sur mobile de type iPhone ou en OS Android de Google

Boursica :Dans tout cela, où sont les artistes ?

Thierry Ehrmann :
Et bien justement, on s’aperçoit grâce au Big data, malgré notre banque de données de biographies regroupant 1,8 million d’artistes, dont 450 000 cotés aux enchères publiques, qu’il existe près d’un million d’autres artistes, beaucoup moins connus, avec un parcours plus discret, qui sont en réalité fascinés par la possibilité de vendre leurs oeuvres sur notre Place de Marché Normalisée aux Enchères, avec leur biographie en ligne, sans rentrer dans le processus économique de la galerie puis de la maison de ventes qu’ils refusent par une philosophie d’indépendance. Ce potentiel est loin d’être négligeable et le prix de leurs oeuvres qui est souvent inférieur à 7500 EUR, nous permet d’appliquer notre fourchette basse de 9% de commission et frais.

Boursica :Concernant votre réseau social Artprice Insider, où en êtes-vous ?

Thierry Ehrmann :
Ce réseau social construit avec des sociologues et professionnels des réseaux sera le contraire de Facebook, à savoir que les professionnels et membres d’Artprice apparaîtront sous leur vrai nom et Artprice Insider sera couplé à la Place de Marché Normalisée à prix fixe et aux enchères. Les premiers tests donnent d’excellentes remontées et les échanges sont tous qualitatifs a contrario de certains réseaux sociaux où l’inutile est omniprésent. Cela fait 18 mois qu’on le peaufine car c’est une véritable bombe dans le monde feutré du marché de l’art dans lequel notre droit à l’erreur doit être proche de zéro.

Boursica :Ce réseau serait donc réservé aux initiés du marché de l’art ?

Thierry Ehrmann :
Non, pas tout à fait. Je dirais plus que ce réseau s’apparenterait à un Think tank ou à une Brain box. La puissance d’Artprice Insider doit être d’émettre des idées originales, d’avoir un réservoir d’experts, d’être un lieu d’expertise, d’éclairer le débat autour du marché de l’art et faire émerger de nouveaux concepts. Tout, absolument tout est à réinventer dans le marché de l’art qui a été totalement endormi jusqu’à l’arrivée d’Internet. Petit scoop, après leurs accords positifs, nous pouvons annoncer qu’il y aura en live des intervenants qui font partie du Top 100 des Market Makers du marché de l’art.

Boursica :Avec tout ce programme, comment trouvez-vous le temps de préparer une rétrospective de vos 30 ans de sculpteur plasticien pour juin 2012 à la Demeure du Chaos, qui est le siège social d’Artprice mais aussi un musée d’art contemporain ?

Thierry Ehrmann :
En effet, cela fait 18 mois que je prépare mes 30 ans de sculpteur-plasticien que je fêterai en juin 2012. Pour cet événement important, j’ai réalisé depuis 18 mois, 450 sculptures d’acier brut qui sont une invitation aux visiteurs à réaliser le parcours plein air et découvrir les 3609 oeuvres formant le Corpus de la Demeure du Chaos, appelé aussi Abode of Chaos, dixit “The New York Times”.Il aura fallu plus de 900 tonnes d’acier brut, des maîtres forgerons et des lasers de haute précision, pour arriver à créer ce qui sera, au niveau Européen, la plus grande installation statuaire. Une fois de plus, cette démarche plasticienne me permet de décrypter avec une grande sensibilité les artistes et les acteurs du marché de l’art. On ne peut pas réaliser Artprice sans être totalement immergé dans le champ de l’art. Pour l’anecdote, il y a un nombre important d’actionnaires et/ou clients dans nos 120 000 visiteurs/an, je peux donc le week-end bénéficier de discussions et d’échanges très pertinents pour Artprice hors le contexte du travail. Avec une pointe d’humour, je peux donc dire que je fais la semaine de 63 heures. Ceci dit, ce choix que j’accepte avec lucidité, peut expliquer bien des choses que certains ne saisissent pas vraiment.

Boursica :Que dire de votre cours de bourse de 2011 ? Et qu’attendez-vous de 2012 ?

Thierry Ehrmann :
Il me semble que peu de dirigeants de sociétés cotées en Europe ont pu pressentir l’évolution de leur cours comme nous en 2011. Artprice a eu le meilleur parcours de tout le marché réglementé, avec +472% de progression sur l’année 2011 et un volume traité de 873 millions EUR du 1er janvier 2011 au 31 décembre 2011, avec le passage mythique à 67EUR que j’avais prédit, suite au célèbre dicton boursier “cours vu, cours revu”. Sur 1 an en moyenne mobile, nous sommes à +476% et 1,25 milliards EUR traités sur le titre. Cette année, avec le compartiment B de Eurolist et notre passage au SRD Long Only il y quelques jours, et bien sûr les enchères, j’ai le pressentiment que l’on peut espérer, avec toutes les précautions d’usage, notamment par des événements exogènes à Artprice, un cours se consolidant autour de 90EUR.

Boursica : Vous avez parlé récemment de fonds qui s’intéressent à Artprice, peut-on en savoir plus?

Thierry Ehrmann :
Sans rentrer dans le principe de confidentialité entre les parties, notre passage au SRD Long Only fait que de nombreux fonds qui statutairement n’ont le droit de prendre que des positions sur les sociétés françaises au SRD peuvent donc prendre désormais des lignes sur Artprice. Ils ont une approche très différente des français et utilisent la méthode des comparables avec entre autre Sotheby’s qui est la seule Maison de ventes cotée dans le monde, car ils arrivent en 2012 avec une vision d’Artprice comme acteur principal du marché de l’Art sur Internet par notre Place de Marché Normalisée aux enchères ou à prix fixe, et de ce fait, valorisent différemment Artprice car ils considèrent que notre cours ne représente absolument pas la vraie valeur d’Artprice.

Boursica : Pouvez-vous être plus précis ?

Thierry Ehrmann :
Nous vous avons donné dans la première interview de juin 2011 les éléments de calcul avec des exemples précis des méthodes de valorisations vielles de plus de 120 ans (N.B. la valeur d’une Maison de Ventes dans le monde, c’est principalement 80 % le fichier client, entre 800 et 4000 dollars par client et 20 % pour la marque de la Maison de Ventes si cette dernière est notoirement connue. Pour bien comprendre la différence entre un poste client estimé à 800 dollars et l’autre à 4000 dollars, c’est à partir des strates d’informations détenues sur le client final que l’on calcule le prix). Donc pour les équipes d’Artprice, moi-même et nos actionnaires c’est la quasi certitude d’être au début d’une nouvelle histoire. Je dirais que nous sommes comme une société qui s’apprêterait à réaliser une I.P.O. au Nasdaq avec en prime, la maturité que nous avons déjà avec 11 ans de parcours sans faute, au marché réglementé. C’est très excitant et terriblement motivant.

Boursica :Et vos accords sur l’Asie, où en sont-ils ?

Thierry Ehrmann :
Au mois de mars 2012, nous démarrons en Chine une longue marche sur les principales maisons de ventes Chinoises avec près de 40 rendez-vous, avec lesquelles nous partageons beaucoup d’affinités, notamment sur la dématérialisation du marché de l’art, et elles pensent comme nous, que la notion de salles de ventes physiques est inappropriée en 2012 face à l’Internet et notamment notre Place de Marché Normalisée aux Enchères qui aura sa propre assise à Hong Kong, dans nos futurs bureaux.L’Asie, que je connais bien depuis 20 ans, obéit à des rythmes très différents de nous autres occidentaux. Il faut un temps énorme pour acquérir la confiance de votre futur partenaire. La parole donnée prime sur le droit des contrats. En revanche, la mise en place d’un business se fait à une vitesse fulgurante qui panique généralement les occidentaux. Je pense qu’Artprice est très bien positionnée en Asie où nous sommes considérés comme avant-gardistes, très loin devant les vieilles maisons anglo-saxonnes considérées par les Asiatiques comme parfois dépassées par les événements.

Boursica :Puisque vous parlez des vieilles maisons anglo-saxonnes, quels sont vos rapports avec elles actuellement et surtout depuis le 18 janvier 2012 ?

Thierry Ehrmann :
Le rapport de force qui s’était établi en 2005 avec la Place de Marché Normalisé à prix fixe a considérablement évolué. Il semble que les deux économies ont chacune effectuée une réflexion en profondeur sur leur avenir. Il est vrai que les confrontations entre l’ancienne économie et l’économie du numérique sur d’autres secteurs que le marché de l’art ont fait avancer le débat. Une fois de plus la Messe est dite avec près de trois milliards d’internautes face aux 50 millions de 1999, d’où ma théorie du changement de paradigme économique.

Boursica :Pouvez-vous développer plus précisément le contenu de ce débat ?

Thierry Ehrmann :
L’ancienne économie a enfin compris qu’être depuis 25 ans sur Internet, comme Groupe Serveur, qui contrôle Artprice et dont je suis le fondateur, est un espace temps, non seulement incompressible mais très onéreux à acquérir, notamment par la culture de l’Internet qui est très sophistiquée. Sur le secteur du marché de l’art, une anecdote est très révélatrice, avec des recommandations à New-York, dues aux manifestations du « Occupy Wall Street ». Il est recommandé aux gens aisés d’éviter un certain nombre de lieux et notamment les salles des ventes. Ceci dit, les grandes maisons sont en train de liquider peu à peu leurs immobiliers ou résilier de manière anticipée leurs baux. Ils découvrent que l’informatique en réseau sécurisé Intranet, le Data mining, le marketing comportemental, l’indexation, les bases de données normalisant le marché de l’art, sont une industrie lourde, avec des barrières d’entrées financières et technologiques très élevées et parfois, comme cela est notre cas, des protections au titre de la propriété intellectuelle qui leur interdisent tout simplement d’utiliser hors contrat, la réalisation de Places de Marché Normalisées ® sur le marché de l’art dont Artprice possède les différents droits d’auteur tels que entre autres le Droit sui generis.

Boursica : Et alors, que doit-on conclure ?

Thierry Ehrmann :
La première conclusion est que la partie adverse a pris conscience de la valeur des actifs corporels et incorporels qui constituent une des grandes richesses d’Artprice. Le point numéro deux, est que les grandes maisons ont toutes investi sur Internet, avec généralement, deux à trois plans d’investissements, des sommes se chiffrant systématiquement en centaines de millions de dollars et dont le résultat est insatisfaisant et parfois se révèle catastrophique. Le point numéro trois passe par la reconnaissance d’un acteur historique comme Artprice et la capacité d’imaginer pour la première fois un véritable partage du marché de l’Art.

Boursica :Comment se partagerait ce marché de l’Art ?

Thierry Ehrmann :
De manière très simple, tout le segment des oeuvres inférieures à 15 000 EUR leur est étranger, et pourtant il pèse un volume colossal sur le marché de l’art (81%). Entre 15 000 et 50 000 EUR, ils ne sont pas vraiment compétitifs en termes de prix. Se pose alors la question des oeuvres de plus de 50 000 EUR et bien sûr celle des oeuvres millionnaires sur lesquelles se greffent alors un service et une prestation parfois sur mesure pour l’acheteur comme pour le vendeur. Très vite, ces vielles maisons font leurs calculs et voient que leurs avantages marketing et leur ancienneté ne suffisent pas à équilibrer leur économie en se projetant sur les cinq prochaines années. Il leur reste alors une démarche pragmatique en se rapprochant de nous. Pour autant, nous respectons leur démarche mais nous ne pouvons par faire autrement que de nous référer à nos partenaires asiatiques qui ont depuis longtemps anticipé la situation et n’ont donc plus de problème à résoudre. Il est tout à fait possible que nous arrivions, néanmoins, à trouver des terrains d’entente car une jeune génération de cadres supérieurs à la tête de ces vieilles maisons ne s’embarrassent pas des fantômes du passé et passent à l’acte. L’année 2012 sera certainement pour nos actionnaires accompagnée d’heureuses nouvelles, parfois surprenantes.

Boursica :Peut-on en savoir plus ?

Thierry Ehrmann :
Sans trahir le secret des affaires, nous avons des acteurs majeurs qui, avec beaucoup de maturité, ont décidé de nous adopter progressivement en marque blanche ou en marque grise. Il est évident que dans ces cadres, le transfert de chiffre d’affaires de sociétés traditionnelles qui opèrent aux enchères d’art depuis de nombreuses années, en utilisant notre Place de Marché Normalisée aux Enchères pour leur propre compte, est susceptible d’impacter le cours de manière non négligeable.Actuellement nous vivons de manière régulière, ce type de scénario: le départ d’un directeur général à la retraite d’une très grande Maison de ventes internationale et l’arrivé d’un nouveau D.G. de 35 ans qui immédiatement après avoir fait son audit, se rapproche de nous avec un vrai désir de faire du big business, alors que son prédécesseur par son âge proche de la retraite, considérait Artprice dans le meilleur des cas comme un Ovni dans le monde de l’Art sans aller plus loin. Une fois de plus, la patience est une des conditions essentielles de la réussite d’Artprice depuis sa création.

Boursica :Dans ce cadre, quel est votre statut ?

Thierry Ehrmann :
Dans ces cas-là, nous opérons comme une SSII et un centre Serveur où nous facturons des frais récurrents d’hébergements et d’utilisation de nos logiciels et bases de données propriétaires.

Boursica :Un dernier mot enfin. Vous nous avez, dans notre première interview, déclaré qu’Artprice était à 10% de son histoire, puis, dans la deuxième interview, vous pensiez plutôt n’être qu’à 5%. On est à combien aujourd’hui ?

Thierry Ehrmann :
Nous sommes toujours à 5% du développement d’Artprice mais la grande différence, c’est que ces 5% qui étaient une intuition en 2011, sont désormais confortés par des faits et des chiffres, ce qui change tout pour nos actionnaires et nous-mêmes …

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Interview exclusive de Thierry Ehrmann partie 1 et partie 2

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