Dispersion de l’Eros à Paris

[15/11/2016]

Fondé en 1997 en plein cœur de Pigalle par Jo Khalifa et Alain Plumey, le Musée de l’Erotisme vient malheureusement de fermer ses portes, faute d’obtenir du propriétaire de l’immeuble le renouvellement du bail. Chaque année, l’affriolant musée attirait plusieurs dizaines de milliers de visiteurs, réjouis par d’explicites sculptures indiennes, mexicaines, indonésiennes, africaines, par les nains de jardins lubriques, les vulves divines du Népal, les délicates estampes japonaises, les lingam du Vietnam et autres photographies de charme…

Cette caverne d’alibaba érotique fut dispersée le dimanche 6 novembre 2016 avec la complicité de la maison Cornette de Saint Cyr : des centaines d’objets sulfureux étaient donnés aux plus offrants. Résultat : peu d’invendus, un chiffre d’affaires trois fois supérieur aux estimations (450 000 €), des œuvres et des objets accessibles au plus grand nombre (en partant à quelques dizaines d’euros) et quelques prix exceptionnels en regard des estimations initiales.

Au milieu des objets de curiosités, d’auteurs d’art brut et singuliers, d’artistes inconnus ou rares sur le marché des enchères, quelques signatures phares émergeaient, avec des œuvres mineures particulièrement abordables, dont une pointe-sèche de Leonor FINI (1907-1996) emportée autour de 180 $, ou deux ensembles de deux lithographies par André MASSON (1896-1987) (1 700 $) et par Allen JONES (1937) (500 $). Le clou du spectacle fut réservé à la Jeune vierge autosodomisée par les cornes de sa propre chasteté de Salvador DALI (1904-1989), un bas relief en bronze (II/VIII.A) vendu pour 23 000 $, contre une estimation de 3 000 $.

De nouveaux records mondiaux

De cette vente fleuve, ouverte à tout jouisseur d’art érotique, découle quelques records inattendus, notamment ceux de Georges WOLINSKI (1934-2015) et d’Alex VARENNE (1939), portés au décuple des fourchettes d’estimations. Le dessin de Georges Wolinski,Chérie, le musée de l’érotisme va fermer, il est temps de songer à partir… s’est envolé pour l’équivalent de 13 000 $. Un autre dessin du même auteur, Attends-moi ici et sois sage est parti pour 6 000 $… ces deux coups de marteau sont venus rafraîchir un record établi en 2013 pour un Hommage à Matisse en couleurs, cédés un peu plus de 4 600 $ chez Artcurial. Pour l’auteur de bande dessinée érotique français Alex Varenne, succès également avec Les seins de Mona Lisa, vendu au prix record de 11 700 $.

Parmi les œuvres les plus abordables, un autre record à signaler : celui du photographe Alexandre DUPOUY (XX) (né en 1955) dont une épreuve sans titre est partie pour 860 $.

Les ventes d’oeuvres érotiques font toujours recettes, surtout en France. Rappelons-nous de l’extraordinaire dispersion consacrée au sulfureux Pierre MOLINIER (1900-1976) : la Forbidden sale, organisée chez Artcurial à Paris le vendredi 13 novembre 2015, en hommage au jour de naissance de l’artiste le vendredi 13 avril 1900. La vente de 119 œuvres en provenance de la collection de sa muse Emmanuelle Arsan générait plus de 400 000 € de recettes et fut le théâtre d’un nouveau record avec le superbe photomontage Le chaman, parti d’une estimation basse de 4 000 € pour finir à 22 100 € (près de 26 000 $)… Plus récemment, en juin dernier, la société de ventes française Million enregistrait près de 600 000 € de résultat grâce à la vente de 25 aquarelles du maître de la bande dessinée érotique, l’italien Milo MANARA (1945) effeuillant Brigitte Bardot…

Paris ne s’en tient pas aux salles de ventes, consacrant à l’art érotique le salon Salo dont la cinquième édition est attendue en avril prochain. En ces temps refroidis et appesantis, le commissaire du salon, Laurent Quénéhen, fait passer le massage suivant : « voulant communiquer sur l’érotisme dans l’art, un projet léger, on évoque la vie en société. En pensant à Sade emprisonné, à Pasolini assassiné et à tout ceux qui ont contesté la pensée majoritaire et castratrice, on peut dire que la liberté de créer, d’aimer, l’érotisme, sont des forces de vies puissantes, inatteignables ».