Paris, capitale mondiale du dessin

[21/03/2017]

Cette semaine, Paris devient le centre du monde pour les amateurs de dessins, les grands collectionneurs, les conservateurs de musées. Le rendez-vous est ancré dans le calendrier des acteurs du monde de l’art, porté par trois salons entièrement dédiés au genre : deux dans le quartier de la Bourse (Salon du dessin et Salon DDESSIN), l’autre au cœur du Marais (Drawing Now). Parallèlement aux milliers de dessins à découvrir sur ces salons, les sociétés de ventes aux enchères se mettent au diapason de ce champ fascinant de la création avec plusieurs ventes thématiques cette semaine, afin de drainer dans leurs salles les collectionneurs ayant fait le déplacement à Paris.

Rude Concurrence

Une semaine marathon s’annonce pour les amateurs d’oeuvres sur papier : la société Millon ouvre le bal avec une sélection de dessins anciens et modernes proposé le 20 mars. Deux jours plus tard, Christie’s et Artcurial poursuivent avec, chez Artcurial, la dispersion de la collection Gaston Delestre, une collection comprenant des dizaines de dessins de Antoine-Jean Gros et de Jean-Baptiste Delestre mais aussi une Etudes pour un naufragé du “Radeau de la Méduse” de Théodore Géricault (estimation 15 000 – 25 000 €), une croquis de Théodore Rousseau annoncé entre 600 – 1 000 € (Le mont Blanc vu du col de la Faucille) ou encore la superbe sanguine d’un Cheval grimpant par Eugène Delacroix (estimation 4 000 – 6 000 €).

Le 23 mars, Sotheby’s ouvre sa vente d’oeuvres sur papier en 68 lots, dont 14 de Paul Signac, 12 de Picasso, trois de Toulouse-Lautrec (entre 4 000 et 30 000 € selon l’importance et la qualité des œuvres) mais aussi un superbe travail signé Egon Schiele (estimation 180 000 – 250 000 €) et clou de la vente, un visage de Matisse à l’encre, resté dans la même collection privées depuis 40 ans, attendu au-delà du million. La société Ader prend le relais le 24 mars avec avec nombre de feuilles anonymes proposées pour quelques centaines d’euros et des signatures estimées, parmi lesquelles celle de Charles de la Fosse, un disciple de Le Brun ; celle du spécialiste des marines Nicolas-Marie Ozanne ; ou Théodore Géricault, à travers une étude de chevaux issu d’un carnet de croquis. Piasa ne met pas en vente sa sélection cette semaine mais ouvre ses portes en prévision d’une belle vacation prévue le 28 mars, égrenant au catalogue les signatures de Charles-François Daubigny, Henri-Joseph Harpignies, Eugène Boudin… A dévouvrir aussi : le délicat vase de fleurs et visage dessiné par Odilon Redon (estimation 50 000 – 70 000 €), une très belle étude que Gustav Klimt réalisa pour Sitzende mit geraffem Rock, conservée dans les collections du Musée Leopold de Vienne (estimation 90 000 – 120 000 €) ou le tracé vif et délicat du visage de Nadia par Henri Matisse (estimation 120 000 – 160 000 €).

Trois vacations en 48h chez Christie’s

La proposition la plus dense en terme d’époques, signatures, techniques et gammes de prix est à signaler chez Christie’s. La société consacre trois vacations aux dessins cette semaine, à commencer par 95 dessins anciens et du XIXe siècle le 22 mars. Au menu, une sanguine tête d’homme de profil par Tiepolo (estimation 150 000-200 000€), un dessin à la pierre noire de Fragonard (Le baiser à la fumée ou L’occasion, estimation 200 000 – 300 000€), ou Deux putti dans les nuées, d’après Titien de la main du maniériste Frederico Zuccaro attendu autour de 1 000€.

Le lendemain, une vente exceptionnelle comprend de nombreux dessins issus de l’atelier Edgar Degas. Cette vente constitue une véritable immersion du côté des maîtres de l’histoire de l’art qui ont marqué l’apprentissage de celui qui deviendra l’immense artiste impressionniste que l’on connait. Etudes d’après Mantegna, Rembrandt, Pérugin, Michel-Ange, Poussin, Géricault… un ensemble d’oeuvres de jeunesse dont certaines feuilles sont estimées pour moins de 5 000 € et d’autres sont attendues 10 fois au-delà, comme ce portrait de la soeur du peintre, Thérèse de Gas, exécuté alors que Degas était tout juste âgé de 26 ans. Cette vacation sera immédiatement suivie par un volet dédié aux œuvres modernes sur papier pour laquelle Christie’s change d’échelle de prix : Degas est toujours représenté, cette fois avec une Danseuse au bouquet éxécutée au fusain, attendue entre 400 000 et 600 000 €. Un petit chef-d’oeuvre revenant de loin comme il est précisé au catalogue, car « cette œuvre fut saisie en juillet 1940 par les autorités nazies au domicile de Robert de Rothschild, puis déposée à l’Ambassade d’Allemagne, rue de Lille. Retrouvée en 1951 dans un placard par les services du ministère des Affaires étrangères qui occupent alors les lieux, elle n’est pas immédiatement rapprochée de l’inventaire des œuvres saisies au baron de Rothschild. Elle est confiée par la Commission du choix des œuvres de la récupération artistique du 29 mai 1951 à la garde du Cabinet des dessins du musée du Louvre, puis du musée d’Orsay, à son ouverture en juin 1986. Ce n’est qu’en juin 2016, exactement trente ans plus tard, que Danseuse au bouquet est restitué aux descendants du baron Robert de Rothschild. ». Le lot phare de la journée est une peinture en détrempe sur papier de Paysannes au repos par un autre impressionniste non moins célèbre : Camille Pissarro. L’œuvre fut achetée par le grand galeriste Durand-Ruel en 1891, puis transmise par descendance au propriétaire actuel. Sa qualité et sa provenance impeccables pourraient lui faire passer le million de dollars, un seuil de prix atteint seulement à trois reprises dans l’histoire des enchères de Pissarro.