Paris – Hong Kong

[18/12/2012]

 

Le 3 décembre 2012 à Paris, Christie’s donnait une belle vente d’art contemporain, offrant en panel d’œuvres allant des années 50 jusqu’au début des années 2000.
Une Araignée de Louise BOURGEOIS (rare pièce murale Spider) assurait le cinquième des recettes de cette vente Christie’s en doublant son estimation haute pour une enchère gagnante à 3 m€ (près de 4 m$). Cette artiste phare pour les occidentaux, ce monument de l’art contemporain se vend aujourd’hui partout dans le monde… sauf en Chine !
Mais les choses sont appelées à changer car, pendant que les collectionneurs occidentaux enchérissaient ce 3 décembre chez Christie’s, les collectionneurs asiatiques découvraient le même jour et pour la première fois à Hong Kong, des artistes tels que les Nouveaux Réalistes français et autres signatures importantes pour la culture et le marché artistiques de l’Ouest (Marc QUINN, Fernando BOTERO, Andy WARHOL, etc.). Certes le superbe assemblage d’Fernandez ARMANBirds of Paradise n’a pas trouvé d’acheteur pour cette première mais Sotheby’s a ouvert une brèche.

Ventes test chez Sotheby’s
Pour tester la réaction du marché hongkongais, Sotheby’s avait sélectionné ses signatures occidentales en évitant tout risque inutile et en se réfugiant sous une certaine idée de l’œuvre d’art comme objet de luxe. On note par exemple que le chantre français de l’art immatériel Yves KLEIN voyait sa présence réduite à une Table d’or par ailleurs très largement éditée… cette fameuse table basse regorgeant de feuilles d’or (un symbole de réussite et de prospérité en Chine), ne pouvait que trouver preneur sur place. Elle partait à son estimation basse de 180 000 HK$, soit 23 000 $, ce qui constitue par ailleurs le meilleur résultat pour cette pièce sur les deux dernières années de ventes publiques.
Autre exemple d’artiste français dans cette vente, autre cas de « meuble-oeuvre d’art » : une table-sculpture en aluminium de Claude LALANNE s’est vendue l’équivalent de 116 000 $. Cette gracieuse Table ‘Ginkgo Biloba (900 000 HK$, ed.3/8) reprend les feuilles de l’« arbre aux mille écus » selon la tradition chinoise, un motif et un symbole sur mesure pour les acheteurs hongkongais.
Puis Sotheby’s surenchérissait sur le thème de la prospérité (et de la vanité) avec deux oeuvres mineures de Damien HIRST : l’une de ses célèbres sérigraphies For the Love of God, Laugh rehaussée de poudre de diamant (vendue 80 000 HK$, soit 10 300 $, édition 133/250), ainsi qu’une petite Butterfly painting comprenant un unique papillon d’un bleu franc. Cette « Adorable apparence » (Loving Look, 15,2 x 15,2 cm) aux couleurs pop trouvait preneur pour 220 000 HK$, soit 28 000 $. La maison de ventes japonaise Est-Ouest Auctions avait déjà essayé de la vendre l’année dernière mais sans succès, car largement surestimée (estimation 400 000 HK$ – 600 000 HK$, le 29 novembre 2011).

Avec cette première vacation présentant quelques signatures occidentales parmi les grands noms de l’art contemporain asiatique, Sotheby’s s’est non seulement adaptée à la demande locale mais elle a aussi démontré qu’il est préférable de démarrer avec humilité si l’on ambitionne de s’implanter avec force. Rappelons que Sotheby’s a été la première maison de vente à s’implanter à Hong Kong en 1973 quand sa rivale Christie’s s’y installait seulement en 1986. En 2012, elle est encore la première maison de ventes à s’installer en Chine continentale (fermée jusque là aux sociétés de ventes étrangères). Pour obtenir les bonnes grâces du gouvernement chinois dans son projet d’expansion, elle s’est associée à une société chinoise méconnue pour créer en commun la Beijing GeHua Art Company, dont elle est l’opérateur. Les artistes occidentaux bénéficient désormais d’une porte ouverte sur le marché de l’art chinois, le plus puissant au monde.