New York relance complètement le Marché de l’Art

[23/05/2017]

L’hégémonie de New York sur le Marché de l’Art tient en grande partie à deux petites semaines par an – l’une en mai et l’autre en novembre – durant lesquelles les grandes maisons de ventes organisent un ensemble de sessions ultra-prestigieuses. En 2016, Christie’s a ainsi enregistré 19 % de son chiffre d’affaires annuel et mondial grâce aux seules ventes organisées à New York entre le 9 et le 14 mai.

Une nouvelle semaine magistrale vient tout juste de se terminer, livrant un grand nombre d’indicateurs quant à la santé du Marché de l’Art au printemps 2017. Le record spectaculaire à 110,5 m$ pour Jean-Michel Basquiat est sans nul doute le moment clé de cette semaine, mais un enseignement plus général doit être tiré : la qualité et la rareté des chefs-d’oeuvre ne suffisent plus, ceux-ci doivent être somptueux et hautement médiatisés.

Synthèse des sessions du soir de la 20ème semaine (2017)

Christie’s Sotheby’s Phillips Bonhams
Impressionniste et Moderne 289 m$ 174 m$ / 2,5 m$
Après-Guerre et Contemporain 450 m$ 319 m$ 110,3 m$ 7 m$

Premiers objectifs remplis… mais les hésitations persistent

Le lundi 15 mai, Christie’s inaugurait cette importante semaine avec une très belle performance : 43 lots vendus pour 289 m$, le meilleur résultat pour une vente d’Art Impressionniste et Moderne depuis 2015. Cette première soirée a ainsi tenu toutes ses promesses grâce notamment à la vente d’une sculpture de Constantin BrancusiLa muse endormie (1913), pour laquelle les enchérisseurs ont fait volé en éclats les estimations (25m$ -35m$), jusqu’à atteindre 57,4 m$.

Malheureusement, le lendemain la maison Sotheby’s ouvrait sa première soirée en annonçant le retrait de son lot phare, Danae (1909) d’Egon Schiele. Cette carence (estimée 40 m$) a été bien difficile à rattraper malgré plusieurs résultats remarquables, dont ceux enregistrés pour quatre sculptures qui ont largement dépassé leurs estimations :

  • 15,9 m$ pour Le roi jouant avec la reine (1944) de Max Ernst
  • 7,4 m$ pour Seated Woman (1960) de Henry Moore
  • 4,8 m$ pour Torse des Pyrénées (1962) de Jean Arp
  • 3 m$ pour Don Quichotte (1950-51) de Germaine Richier

De façon générale, les deux premières soirées ont été marquées par un taux d’invendus inhabituellement élevé. Christie’s 22 % et Sotheby’s 29 % ont souffert du climat d’incertitude qui persiste encore sur le Marché de l’Art. Si les enchérisseurs n’ont pas lésiné pour les œuvres exceptionnelles, ils se sont montrés plus prudents pour de nombreuses autres pièces. A tel point que de belles oeuvres signées Degas, Munch, Picasso, Van Gogh n’ont pas atteint le prix de réserve.

L’Après-Guerre détone, Basquiat s’envole

Avec 68 lots vendus sur les 73 mis en ventes, Christie’s a rassuré le Marché mercredi soir, lors de sa session d’Art Après-Guerre et Contemporain. Cette vente a tout d’abord réaffirmé que les grands peintres de la seconde moitié du XXème siècle jouissent à présent d’un prestige équivalent à celui des plus grands maîtres modernes ou impressionnistes. Leda and the Swan (1962) de Cy Twombly et le tryptich de Francis Bacon ont facilement dépassé les 50 m$.

Évidemment, la vente d’Untitled (1982) de Jean-Michel BASQUIAT (1960-1988) pour 110,5 m$ a été le clou de cette semaine. La toile avait été achetée 19 000$ en 1984… elle a été revendue 5 800 fois ce montant 33 ans plus tard, établissant un nouveau record pour le jeune grapheur né dans le Bronx qui signait Samo (Same old shit). C’est un record d’autant plus exceptionnel qu’il surpasse celui, encore tout frais, de 57,3 m$, établit l’année dernière pour une toilé également sans titre et de la même année. Chose surprenante, cette oeuvre était pourtant beaucoup plus grande que celle qui vient d’être adjugée : 238 cm x 500 cm contre seulement 183 cm x 173 cm pour la présente (94 in x 197 in vs. 72 1/8 in x 68 1/8 in.) .

Basquiat fait désormais partie du petit cercle d’artistes ayant dépassé le seuil des 100 millions de dollars aux enchères. Il sont maintenant 7, avec Picasso, Modigliani, Bacon, Giacometti, Munch, Warhol et Basquiat, le seul contemporain de la liste. Décédé à 27 ans, il aurait aujourd’hui tout juste 56 ans.

Les autres grands gagnants de cette semaine

Née en 1983 au Nigéria, Njideka Akunyili CROSBY (1983) est la révélation du premier semestre 2017. Apparue aux enchères en septembre 2016, alors que Victoria Miro s’apprêtait à l’exposer à Londres, la jeune artiste a vu le prix de ses toiles s’enflammer au cours des derniers mois. Les trois toiles passées aux enchères cette semaine ont totalisé 4,8 million de dollars. Et bien sûr, il n’y a aucun invendu…

Plusieurs autres résultats forts enregistrés pour des artistes de moins de 50 ans révèlent l’optimisme général :

  • 16 m$ pour Untitled (2011) de Mark Grotjahn (1968)
  • 1,2 m$ pour Flattop (2011) de Joe Bradley (1975)
  • 660 500$ pour Freischwimmer 123 (2004) de Wolfgang Tillmans (1968)

La maison Phillips confirme par ailleurs qu’il faut compté sur elle sur le Marché haut-de-gamme. En vendant Rosedale (1991) pour 28,8 m$, elle établit un nouveau record pour Peter DOIG (classé 47ème dans le classement Artprice 2016).

Enfin, Damien HIRST rassure ses collectionneurs avec la vente à 5,85 m$ de The Void (2000) de la série Pill Cabinets. C’était la première œuvre important du « Bad Boy » de l’Art Contemporain aux enchères depuis février 2015, depuis la vente de Lullaby Winter (2002) – une autre pièce de Cabinet Pills – vendue 4,6 m$ chez Christie’s Londres. Un beau montant certes, mais qui avait attiré l’attention du Marché sur la décote de Damien Hirst puisque cette pièce avait été acquise pour 7,4 m$ chez Christie’s à New York huit ans plus tôt, en mai 2007 (Lullaby Winter). Voilà donc les collectionneurs de Damien Hirst quelque peu rassurés : l’oeuvre atteint ses estimations (5 -7 m$) tandis que l’exposition Treasures from the Wreck of the Unbelievable bat son plein à Venise.