Le Top des premières enchères en France

Le vendredi, c’est Top ! Un vendredi sur deux, Artprice vous propose un classement d’adjudications par thème. Observons cette semaine quels artistes ont affronté avec succès une salle d’enchères en France, à travers le classement des 10 artistes contemporains ayant obtenu leurs premiers résultats positifs cette année.

En France, le baptême du second marché public révèle une grande diversité dans le parcours des artistes et dans leurs modes d’expressions. Célébrant sept artistes étrangers contre trois français (Cécile Plaisance, Ophélie Asch et MAXB), il illustre parfois un marché de niches, avec le classement de MAXB tenant à la vitalité du marché français pour la jeune scène issue ou inspirée du Street art ; ou celui du sculpteur Belge Stéphane Halleux venu récompenser l’inventivité de l’univers d’animation¹. Mais il révèle aussi des débuts prometteurs, pour peu que la demande se déclenche prochainement sur la scène internationale. Le rayonnement de l’artiste franco-chinoise Li Chevalier (née en 1961) pourrait ainsi gagner l’Asie dans les prochaines années, car son œuvre s’inscrit dans ce courant artistique d’Encre Expérimentale, actuellement plébiscité par les amateurs chinois. Certaines de ses œuvres ont déjà été exposées en Chine (Musée National des Beaux Arts, Musée d’art contemporain de Pékin, Université de Pékin), mais c’est en France que l’artiste a fait ses premiers pas aux enchères, un an après son exposition au sein de la galerie parisienne Jean-François Cazeau.

Prix et âge moyen

La moitié des nouvelles recrues signe des résultats compris entre 13 000 et 14 000 $, soit un résultat moyen tout à fait honorable comparé aux premiers pas d’artistes testés sur d’autres places de marché plus puissantes que Paris. A New York, le prix moyen des artistes classés entre la cinquième et la dixième position tourne autour de 13 000 $, soit légèrement en-deçà de la moyenne française. Le marché hexagonal n’a pas à rougir non plus face aux résultats anglais sur ce point, au contraire : le prix moyen du Top 10 londonien affiche un peu moins de 24 000 $ contre 27 600 $ en France. Le gap entre les marchés américains et français se manifeste sur la crête des prix, avec un record annuel français obtenu à près de 83 000 $ (pour Kay Quattrocchi) contre un Top américain signé d’emblée à plus de 500 000 $ (pour Barry X Ball représenté par les galeries Nathalie Obadia, Louise Alexander, Thaddaeus Ropac et Sperone Westwater).

Dans le cadre de l’introduction aux enchères d’artistes contemporains, l’une des différences majeure entre ces trois places de marché (Paris, New York, Londres) reste l’âge moyen, plus élevé en France (50 ans) que partout ailleurs. Les plus ardents défenseurs de jeunes artistes sont les anglais, la moyenne d’âge du Top londonien affichant 40 ans, contre 46 aux Etats-Unis.

Ouverture internationale du Curriculum vitae

L’accès au monde des enchères est, en règle générale, indissociable du travail opéré en amont par les galeries, lesquelles assurent aux artistes un début de visibilité sur la scène internationale, notamment en participant à des salons d’art. Cette représentation hors des frontières est un enjeu majeur pour libérer la demande et rassurer les amateurs français.

L’artiste d’origine Allemande Isabell Beyel (née en 1968) est ainsi représentée sur de nombreuses foires à travers le monde par la galerie Galerie Mark Hachem, fort d’un réseau de trois galeries (Paris, New York, Beirut). Ainsi soutenue (elle fut notamment présentée sur la très sélective foire TEFAF en 2011), Isabell Beyel est entrée dans le monde des enchères avec un résultat porté d’emblée à 23 000 $ en avril 2017, légèrement au-dessus de l’estimation haute. Il en va ainsi également pour l’artiste coréen Chae Sung-Pil (né en 1972), formé à Séoul puis en France, soutenu par plusieurs galeries, dont Baudouin Lebon et Maubert, lesquelles participent régulièrement à des salons internationaux. Deux de ses toiles, de grands champs colorés tout en références végétales, ont été vendues avec succès cette année : l’une en France pour 45 500 $, l’autre à Jérusalem pour 60 000 $, son record. Il en va ainsi pour la plupart des artistes, les galeries faisant leur possible pour les présenter sur des salons afin d’élargir demande et notoriété. Un artiste de ce Top est néanmoins parvenu à assoir son rayonnement en grande partie par lui-même  : Teddy Lo, 42 ans, basé entre Hong Kong et New York, spécialisé dans l’art technologique et les installations lumineuses. L’artiste développe une nouvelle culture visuelle mixant art, industrie, architecture, design et technologie lumineuse via sa propre société. Les commandes pleuvent dans le monde entier et l’artiste est sollicité par des institutions culturelles importantes, dont le Palais de Tokyo à Paris (dans le cadre de l’exposition collective Artistes à la une) en 2015. Sa première introduction aux enchères est judicieusement arrivée dans les mois suivants son exposition au Palais de Tokyo, avec l’installation lumineuse Dark Matter cédée plus de 12 000 $. Les prochains essais aux enchères pourraient s’étendre à New York et Hong Kong, camps de base stratégiques pour émerger puissamment sur le second marché.

Les artistes des plus grandes galeries françaises – dont Perrotin, Obadia et Kamel Menour – sont aux abonnés absents du classement… Un tel Top ne reflète donc en aucun cas la réalité des grandes tendances de la création contemporaine en France. Les galeries prescriptrices font preuve de retenue et de patience s’agissant d’introduire leurs poulains sur le second marché français, préférant construire en premier lieu les grands jalons institutionnels et élaborer le matériel critique pas à pas. Ces galeries préfèreront introduire en temps voulu leurs artistes sur des places de marchés plus internationales et prestigieuses, privilégiant Londres ou New York à Paris.