Jean-Paul Riopelle (1923-2002): Focus

[27/01/2023]

 

FFB6M3 JEAN-PAUL RIOPELLE /n(1923-2002). Canadian painter and sculptor. Photographed by Jacques Dubourg, c1960.

Jean-Paul Riopelle photographié par Jacques Dubourg, c.1960.

 

Jean-Paul Riopelle aurait aujourd’hui 100 ans. Ce peintre, sculpteur et graveur québécois est le plus important et le plus célèbre des artistes canadiens du XXe siècle et la valeur de ses œuvres est à l’image de son legs indéfectible. Après plus de 60 années de création, de grandes expositions, son marché demeure toujours aussi attractif.

 

“Mes tableaux sont faciles à reconnaître. On croit voir des draps de lit sur lesquels un peintre en bâtiment aurait essuyé ses pinceaux.” Jean-Paul Riopelle.

 

Sa vie, son œuvre

Né à Montréal en 1923, Jean-Paul RIOPELLE commence à dessiner très jeune. Au cours de ses études, il fait la rencontre du peintre Paul-Émile Borduas, un des membres fondateurs du groupe d’artistes appelé Les Automatistes. Il devient son professeur et réalise à son contact ses premières œuvres abstraites. Le mouvement est largement inspiré du surréalisme et de l’expressionnisme abstrait à la différence que ses protagonistes recherchent une spontanéité totale de création en faisant parfois appel au subconscient. Au début des années 1950, Riopelle s’installe à Paris et rencontre le groupe des surréalistes d’André Breton, Max Ernst ou encore Samuel Beckett. Il s’y fait connaître assez rapidement et réalise sa première exposition personnelle à la galerie du Dragon (Paris). S’enchaînent alors des expositions dans de prestigieuses galeries entre la France et New York.

Il joue un rôle dans le mouvement de l’abstraction lyrique, illustrée par ses « mosaïques » où la couleur est appliquée en pâte sur la toile à l’aide d’une truelle et d’un couteau. Ses toiles n’ont ni centre ni composition, ni début ni fin, la structure chromatique tend à dépasser les limites du tableau. De même que l’objet disparaît presque derrière les voiles de couleurs dans les derniers Nymphéas de Monet, les abstractions de Riopelle produisent des réminiscences figuratives. Le tableau devient alors un paysage chromatique.

 

“Je ne cherche pas à abstraire mais à me diriger vers l’abstraction en libérant le geste (je ne parle pas d’automatisme), afin d’essayer de comprendre ce qu’est la nature, et ce, en ne me basant pas sur sa destruction mais en me rapprochant du monde” Jean-Paul Riopelle

 

Son style évolue énormément en 10 ans. Il expérimente tour à tour des techniques très variées passant de l’aquarelle à l’huile, s’essayant au collage, à la lithographie, à l’encre de chine et même à la sculpture. Dans les années 1960, s’amorce un début de retour vers la figuration et, sous le parrainage d’Aimé Maeght, Riopelle participe à l’épanouissement de l’estampe moderne.

L’artiste est soutenu par le marchand new-yorkais Pierre Matisse, et a pour amis les peintres américains Sam Francis et Joan MITCHELL, qui deviendra sa compagne durant près de 25 ans. Cette relation nourrira leurs travaux mutuels même au-delà de leur rupture en 1979.

Il remporte le prix UNESCO lors de la Biennale de Venise en 1962 et d’importantes rétrospectives sont organisées dans le monde entier. En 1981, il reçoit le prix Paul-Émile-Borduas pour l’ensemble de son œuvre. Le Musée du Québec inaugure en 2000 une salle permanente consacrée à ses œuvres. Il vit au Québec ses dernières années et meurt au printemps 2002, à l’âge de 78 ans dans sa maison de l’Île-aux-Grues, sur le Saint-Laurent, où il avait choisi de se retirer au début des années 1990.

 

Un marché attractif

 

“Il a produit beaucoup et son œuvre est disséminée à travers la planète, ce qui est une autre preuve de son excellence, de sa notoriété, de son immense valeur”…”Les toiles de grands formats, les plus recherchées, se retrouvent dans les plus prestigieuses collections. Mais la majorité de sa production est entre des mains privées. Au cours des prochaines années, on peut donc s’attendre à voir resurgir de belles et de fameuses œuvres sur le marché.” note le directeur du Musée du Québec, John Porter lors d’une interview en 2002

 

L’artiste a produit au cours de sa vie un corpus d’œuvres titanesque de près de 7000 œuvres qui sont aujourd’hui disséminées aux quatre coins du globe. Au cours des 20 dernières années, 2000 d’entre elles ont trouvé acquéreurs aux enchères, pour des prix oscillant entre 10 000 et 500 000 $. En revanche, les meilleures toiles de la fameuse période des mosaïques dépassent allègrement le million de dollars, allant au-delà de 5 millions pour les plus importantes d’entre elles.

En 1989, alors que le marché de l’art connaît l’une de ses périodes les plus fastes, sa toile Composition (1954) devient la première œuvre canadienne à passer le cap du million. Parmi ses œuvres millionnaires acquises depuis une collection privée, il y a La sombreuse, une huile sur toile peinte en 1954, œuvre phare, mais aussi pivot dans le parcours pictural du peintre. Elle se distingue par sa taille et sa force, notamment dans sa symphonie de couleurs éclatantes et un travail technique très maîtrisé. La toile se vend en salle pour la première fois chez Christie’s à Paris en 2021 et atteint les 4,2m$ !

la sombreuse

Jean-Paul Riopelle, La sombreuse, 1954

 

Ses œuvres dépassent le million de $ depuis 2006, jusqu’au record six fois supérieur obtenu en 2017, pour une toile Sans titre peinte en 1953. Riopelle est alors à l’apogée de son incroyable parcours, il réalise un tableau lumineux mariant applications à la spatule et drippings tel un arc-en-ciel de couleurs. Cette toile comporte toutes les caractéristiques des œuvres les plus recherchées de l’artiste. Elle se vend chez Christie’s à Paris en 2017 pour 5,8m$ et demeure à ce jour son plus beau record aux enchères. Quant à Autriche III de 1954, vendue chez Christie’s à Hong Kong cette fois-ci en novembre dernier, elle rafle sa 3eme meilleure adjudication, à plus de 5,4m$.

 

sans titre

Jean-Paul Riopelle, Sans Titre, 1953

 

L’an dernier, une quarantaine de toiles ont changé de mains aux enchères pour des prix allant de 50 000 $ pour les plus petites d’entre elles, à plus de 2m$ pour les plus importantes. La période 1953-1954 est celle où se concentrent les œuvres les plus emblématiques, mais aussi les plus beaux records d’adjudications.

Dans le monde des peintres modernes canadiens, Jean Paul Riopelle occupe une place unique. Il figure parmi les plus vendus et les collectionneurs de valeurs sûres à travers le monde.

Un marché actif et bien alimenté permet d’inscrire Riopelle à la 111e place des artistes les plus performants aux enchères, avec 15,8m$ d’œuvres d’art vendues au cours de l’année dernière.

 

Qu’en est-il du marché canadien?

 

Les deux Top ci-dessous permettent de constater qu’en 10 ans le Top des artistes d’origine canadienne n’a pas trop bougé. Quatre noms s’échangent les prestigieuses premières places sur le podium des artistes les mieux vendus l’an dernier et sur les dix dernières années écoulées.

 

Top 20 artistes d’origine canadienne aux enchères en 2022
©Artprice.com
Artiste Produit de ventes Lots vendus Invendus Record
1 Philip GUSTON (1913-1980) 41 929 512 $ 40 3 18 000 000 $
2 Agnes MARTIN (1912-2004) 31 416 279 $ 53 17 9 861 200 $
3 Matthew WONG (1984-2019) 21 351 921 $ 15 5 5 897 150 $
4 Jean-Paul RIOPELLE (1923-2002) 19 525 730 $ 262 102 5 437 590 $
5 Anna WEYANT (1995) 9 687 473 $ 19 0 1 623 000 $
6 Tom THOMSON (1877-1917) 5 190 014 $ 14 0 1 654 154 $
7 Marcelle FERRON (1924-2001) 2 848 082 $ 41 5 1 350 409 $
8 Alexander Young JACKSON (1882-1974) 2 234 689 $ 54 1 697 427 $
9 John Hamilton BUSH (1909-1977) 1 953 311 $ 33 2 570 034 $
10 Maud LEWIS (1903-1970) 1 836 292 $ 73 0 73 146 $

 

Top 20 artistes d’origine canadienne aux enchères (2013-2022)
©Artprice.com
Artiste Produit de ventes Lots vendus Invendus Record
1 Philip GUSTON (1913-1980) 235 039 275 $ 278 59 25 883 750 $
2 Agnes MARTIN (1912-2004) 204 992 674 $ 308 63 17 728 800 $
3 Jean-Paul RIOPELLE (1923-2002) 132 573 775 $ 1215 407 5 772 677 $
4 Matthew WONG (1984-2019) 92 937 162 $ 71 5 5 897 150 $
5 John Hamilton BUSH (1909-1977) 19 196 710 $ 247 31 675 964 $
6 Alexander Young JACKSON (1882-1974) 17 885 961 $ 577 59 697 427 $
7 Tom THOMSON (1877-1917) 12 586 777 $ 48 4 1 654 154 $
8 Richard HAMBLETON (1952-2017) 12 271 734 $ 221 52 552 772 $
9 Jean-Paul LEMIEUX (1904-1990) 11 786 927 $ 302 69 1 270 704 $
10 Anna WEYANT (1995) 9 752 993 $ 21 0 2 802 442 $

 

Au palmarès des trois plus belles œuvres d’artistes canadiens les plus chères jamais vendue au cours de ces 10 dernières années figurent :

“To Fellini” de l’artiste Philip Guston (1913-1980) adjugée à 25,9m$ en 2013 chez Christie’s NY qui se classe grande première. Elle demeure également le plus beau record de l’artiste aux enchères toutes années confondues.

En deuxième position parmi plus belles adjudications canadiennes de cette décennie, on retrouve la toile Untitled #44 d’Agnès Martin, mise à l’encan en mai 2021 chez Sotheby’s (New York) pour 17,7m$ ! Le gap entre ce record et les suivants est considérable mais c’est la toile « The Night Watcher »  de Mattew Wong au coude à coude avec celle Sans titre de 1953 de Riopelle qui remportent la 3eme et 4eme place du podium pour respectivement 5,9m$ (Sotheby’s NY) et 5,7m$ (Christies Paris). 

Si les grandes maisons ventes internationales concentrent les plus grosses adjudications, les canadiennes comme Heffel ou Cowley Abott, qui a récemment écoulé l’une des plus grandes collections privées canadiennes, restent quant à elles, des valeurs sûres pour la vente des grands noms de leur histoire.