Jaune Quick-to-See Smith et Lynne Drexler, deux femmes remarquables qui devraient agiter le marché en 2023

[20/01/2023]

Les artistes femmes atteignent aujourd’hui des prix plus remarquables que par le passé aux enchères. Nous assistons à un rayonnement tout particulier de leurs œuvres auprès des collectionneurs actuels, à un nouveau phénomène de valorisation orienté vers le genre féminin, et à un mouvement de révision des prix pour que des créatrices importantes ne soient pas oubliées par le marché de l’art. La cote des artistes femmes est dopée depuis quelques années, mais avec une ferveur plus forte ces derniers mois, tandis que de nouvelles expositions se préparent pour faire rejaillir la force de leurs œuvres. Retour sur les performances récentes – et extraordinaires – de Jaune Quick-to-See Smith et Lynne Drexler, sur le marché mondial des enchères, un marché qui n’en serait encore qu’au tout début de ce qu’il peut faire pour ces femmes artistes. 

 

Jaune Quick-to-See Smith

En octobre dernier, le Modern Art Museum of Fort Worth (Texas) accueillait une rétrospective de Jaune Quick-to-See SMITH co-organisée avec le Whitney Museum of American Art, musée qui s’apprête à offrir à l’artiste et activiste amérindienne octogénaire sa première rétrospective new-yorkaise, entre avril et août 2023. L’exposition, la plus grande et la plus complète de son travail à ce jour, rassemble près de cinq décennies de dessins, estampes, peintures et sculptures de Smith.

Née en 1940 dans une réserve indienne du Montana – la Confederated Salish and Kootenai Indian Reservation – Jaune Quick-to-See Smith est l’une des artistes indiennes d’Amérique du Nord les plus influentes. Diplômée de plusieurs universités et titulaire de quatre doctorats honoris causa, elle développe, depuis les années 1970, un travail abstrait fondé sur des réseaux complexes de lignes et de couleurs, et intégrant des matériaux hybrides, tels que des cartes et des coupures de journaux

Celle à qui le professeur d’art confiait, pendant ses études, qu’elle ne pourrait pas devenir artiste parce qu’elle était femme, a eu une carrière prolifique et a fait l’objet de plus d’une centaine d’expositions personnelles. Elle a notamment reçu le prix de la fondation Joan-Mitchell, et a intégré de nombreuses collections privées et institutionnelles prestigieuses dont celles du Brooklyn Museum, du Metropolitan Museum of Art et du Whitney Museum of American Art, New York. En 2020, la National Gallery of Art de Washington fait l’acquisition de son tableau I See Red : Target (1992), premier achat d’une  peinture d’un artiste amérindien par l’institution américain.

Depuis 2020 donc, les institutions américains semblent accélérer leurs engagements vis-à-vis de l’art indigène et les collectionneurs privés suivent le mouvement, en poussant fermement les enchères en salles des ventes. Le marché de Jaune Quick-to-See Smith s’en ressent fortement : il est quasi inexistant aux enchères, jusqu’à l’année dernière, où 26 oeuvres ont généré plus d’un millions de dollars, permettant à Jaune de se hisser parmi les 1000 artistes les plus performants de l’année 2022.

Les acteurs du marché se réveillent et s’engagent avec enthousiasme : en mai 2022, son oeuvre Fireweed a multiplié par 17 son estimation haute pour atteindre 350 000$ (chez Leslie Hindman, Chicago); et I See Red: Talking to the Ancestors (1994) a planté un extraordinaire record de 642 000$ chez Christie’s New York, partant d’une estimation basse de 80 000$. Une nouvelle révélation est née sur le marché des enchères !

 

Evolution du produit des ventes aux enchères de Jaune Quick-to-See Smith (copyright Artprice.com)

 

Lynne Drexler

La peintre expressionniste abstraite Lynne Mapp DREXLER (1928-1999) a travaillé dans l’ombre pendant des décennies, depuis son île isolée du Maine, à Monhegan. Installée sur ce promontoir rocheux dès 1983, au milieu de quelques dizaines d’habitants, elle passe ses jours à peindre des œuvres abstraites et colorées, qui lui valent post-mortem une place dans la lignée des expressionnistes abstraits américains.

De son vivant, son travail n’était connu que par quelques amateurs et marchands régionaux, mais elle n’avait aucune réception sur le marché international des enchères. Dix ans après son décès, sa cote n’était toujours pas faite : un lot de deux peintures parvenait à se vendre pour la maigre somme de 1 500$, auprès de la société de ventes James D. Julia à James à Fairfield en 2009. Le marché n’a commencé à s’agiter qu’à partir de 2020, avec une toile de 1966, Recalled green, vendue pour 26 000$ chez Barridoff Galleries qui en espérait au mieux 6 000$. Et depuis deux ans, c’est chez Christie’s à New York que ses toiles s’arrachent pour des sommes à cinq, six chiffres, voire au-delà, puisque la dernière oeuvre passée en salle s’est envolée pour 1,5m$ (Herbert’s Garden, 1960), le 13 mai dernier. Désormais, les grandes et rares toiles des années 1950 et 60, qui auraient été payées autour de 50 000$ il y a peu, peuvent l’être autour de 500 000$.

Les efforts menés pour faire découvrir ce travail foisonnant pourrait maintenir de tels niveaux de prix, comme l’exposition récente Lynne Drexler: The First Decade organisée à New York par Berry Campbell et la Mnuchin Gallery entre octobre et décembre 2022; ou l’exposition collective Shatter : Color Field and the Women of Abstract Expressionism, organisée au même moment à Hong Kong. Hong Kong, nouveau relais efficace pour la vente des plus belles toiles occidentales abstraites…

 

Evolution de Lynn Drexler au classement mondial selon son produit de ventes aux enchères annuel (Copyright Artprice.com)