En Bref ! Irving Penn à Paris – Jacques Truphémus

[22/09/2017]

Irving Penn à Paris

C’est une rentrée américaine qui attend les parisiens cette année, avec pas moins de cinq expositions venant d’Outre-Atlantique. Les grands musées new-yorkais se sont donné le mot pour exporter une partie de leurs collections dans la capitale. Le MoMA présentera une sélection de chefs-d’œuvre à la Fondation Vuitton, tandis que le Musée Maillol accueillera les plus belles pièces Pop Art du Whitney Museum. Le MET quant à lui, sera présent au travers de deux expositions. La première est co-organisée avec le Château de Versailles, haut lieu de l’amitié franco-américaine.

Le grand musée new-yorkais est également partenaire du Grand Palais qui célèbre le centenaire de la naissance d’Irving Penn. Il s’agit de la première rétrospective d’envergure organisée en France depuis la disparition du photographe en 2009. Après avoir été présentée au MET d’avril à juin, l’exposition vient d’ouvrir ses portes à Paris et retrace les 70 ans de carrière de l’artiste, de la fin des années 1930 au début des années 2000. Penn n’avait jamais autorisé aucun tirage d’exposition : toutes les photos présentées au Grand Palais sont donc des tirages originaux de sa main.

Le nom d’Irving Penn rappelle immédiatement les portraits de sa muse et épouse Lisa Fonssagrives, mais aussi de Marlene Dietrich, Audrey Hepburn ou Alfred Hitchcock. Resté fidèle à la photographie de studio, il crée, dans chaque portrait, une véritable intimité avec son modèle, qui constitue la signature d’Irving Penn. Ayant démarré sa carrière avant que la photographie ne soit reconnue comme médium artistique par les musées, il s’est toujours considéré comme un artiste et était très attaché à la dimension plastique de son travail, utilisant diverses techniques dont certaines très raffinées, comme les tirages platines. De ce fait Jérôme Neutres, commissaire de l’exposition, a tenu à reconstituer en partie l’atelier de Penn à New-York, avec les propres outils de l’artiste dont le mythique rideau qui servit à tant de fond de portraits, ou plusieurs appareils photos qu’il avait lui-même fabriqué.

Rétrospective oblige, toutes les facettes de son art sont explorées. Les photos de mode et de défilés de la période Vogue côtoient ses clichés d’étude socioculturels amassés au cours de ses voyages : paysans andins, guerriers Asaro et petit peuple de Paris défilèrent devant son objectif. Les portraits de célébrités, artistes ou écrivains qu’il exécutait, psychologiquement intenses et pourtant infiniment simples révèlent comme en négatif sa conception de la photographie comme moyen d’expression personnelle.

Principalement collectionné aux États-Unis, Irving Penn a finalement assez peu été exposé en France. Cette importante rétrospective pourrait fort bien relancer le marché européen de l’artiste, et le public français pourra prochainement enchérir sur une vingtaine de ses photographies mises en vente chez Phillip’s le 3 octobre et Christie’s NY la semaine suivante !

Jacques Truphémus (1922-2017)

Les habitués du Café Bellecour de Lyon guetteront longtemps encore sa silhouette voûtée et son sourire en coin. Jacques Truphémus s’est éteint le 8 septembre dernier à l’âge de 94 ans. Considérés par beaucoup comme LE grand peintre lyonnais, Jacques Truphémus était pourtant un modèle de discrétion. Balthus lui-même, en 1986 écrivait au peintre : “Vous appartenez à une espèce en voie de disparition ! Vous voyez en peintre. Et vous vivez à travers votre peinture. Vous appartenez à la lignée de Morandi et certains de vos paysages me font penser à Giacometti – tout en étant essentiellement Truphémus – c’est-à-dire unique. Sachez tout de même que je vous suis reconnaissant d’être vous”. Difficile de faire meilleur éloge artistique.

Grenoblois de naissance, il vient à Lyon pour intégrer l’École des Beaux-Arts. La guerre interrompt ses études qu’il achève en 1946. Après un séjour de deux ans à Paris, il s’installe définitivement à Lyon. Dans son atelier de la rue Clotilde Bizolon à Ainay, il peint sa ville d’adoption, ses ponts, ses bistrots et ses habitants, dont de nombreux portraits de son épouse Aimée. Mais il s’en échappe aussi, jetant sur la toile ses souvenirs de voyages ou la nature cévenole.

Sans artifices tapageurs, sa peinture est une peinture de l’intime, de la solitude, où formes et volumes se dissolvent dans le silence de la toile. La lumière et la couleur sont les vraies actrices de ses toiles. Car, de ses mots même, la lumière révèle le sentiment d’espace mais surtout l’émotion. Il sait capter l’atmosphère en demi-teinte et les éclairages diffus des bords de Saône. La couleur s’impose plus tard, lors des tête-à-tête estivaux avec son chevalet, au pied des Cévennes. La palette s’élargit et s’éclaircit, faisant entrer des rouges vifs, des jaunes chauds et des mauves éclatants. Le galeriste parisien Claude Bernard représentait depuis des années Jacques Truphémus. Son marché principalement français est soutenu par des maisons de vente lyonnaises.

Le Musée Hébert de Grenoble a choisi un titre de circonstance pour son exposition « Jacques Truphémus. A contre-Lumière » jusqu’au 16 novembre 2017, comme un dernier hommage à l’enfant du pays.