En Bref: Donation Hays – Emmanuel Perrotin – Jean Dubuffet au LaM – Maurizio Cattelan

[04/11/2016]

Exceptionnelle donation Hays au musée d’Orsay

Le panthéon des grands donateurs aux musées français s’élargit : les Marcie-Rivière, Jacqueline Delubac ou Pierre et Denise Lévy accueillent à présent Spencer et Marlene Hays. Ce couple de Texans s’apprête à donner un ensemble de 187 œuvres au Musée d’Orsay. Remarquable par sa cohérence, et surtout sa haute qualité, la collection Hays se distingue par un amour immodéré des artistes de l’École de Pont-Aven et des Nabis. Archétype du self-made-man, Spencer Hays est, comme son épouse Marlene, d’origine modeste. Il commence à travailler en vendant des livres en porte-à-porte. Il est désormais à la tête d’un puissant groupe de textile et média. Ils achètent leurs premières pièces en autodidactes au début des années 70, des artistes américains tout d’abord, comme Childe Hassam, puis de l’art français, Vuillard et Bonnard en tête. Les chefs d’œuvre s’accumulent bientôt : la composition audacieuse du Buisson Rouge d’Odilon Redon dialogue avec la Femme s’épongeant le dos de Degas (achetée plus de 3m$ en novembre 2011 chez Christie’s New york), tandis que l’étonnante Nature morte au melon de Fantin-Latour s’associe à merveille avec Le Homard de Caillebotte.

Ce premier don de 187 pièces, estimé 173 millions d’euros, correspond à l’exposition présentée en 2013 à Orsay sous le titre Une Passion Française. Guy Cogeval, à l’origine de cet événement, avait rencontré les collectionneurs en 2011, alors qu’il dirigeait le Musée des Beaux-Arts de Montréal et préparait une rétrospective d’Édouard Vuillard. Il su nouer des liens suffisament forts pour aboutir à ce choix d’un musée français plutôt qu’américain, avec l’assurance que la collection sera étudiée et respectée grâce à l’inaliénabilité des œuvres entrant dans les musées français. Les termes de cette donation sont claires, les œuvres seront présentées dans un espace dédié : les Premiers Pas de Vuillard, septième panneau des Jardins Publics restera donc séparé de l’ensemble dont Orsay conserve cinq éléments. Le couple accepte le prêt à d’autres musées, à l’exception des pièces trop fragiles. Ils conservent l’usufruit du reste de leur collection également destiné à l’institution parisienne, soit près de 600 œuvres d’aussi belle tenue que cette donation.

Les Hays ont coutume de s’offrir mutuellement une toile de maître pour leurs anniversaires chaque année. Le musée d’Orsay, tout comme le marché de l’art dans son ensemble, sera donc particulièrement attentif aux alentours du 14 juillet et du 7 décembre…

Emmanuel Perrotin poursuit son expansion

L’histoire de la galerie Perrotin est sans commune mesure dans l’histoire des grands galeristes français. Nul autre galeriste avant lui ne s’était offert la nef du Grand Palais de Paris pour n’en exploiter que quelques mètres carrés d’espaces d’exposition. Ce fut le cas en septembre dernier lorsque, durant 24 heures, fut mise en place une installation du duo d’artistes Michael & Ingar ELMGREEN & DRAGSET préfigurant le futur stand Perrotin tel qu’il apparaitrait au premier jour de l’ouverture de la Fiac (octobre dernier). Ce couteux pied de nez au marché de l’art a marqué les esprits. La Fiac passée, la galerie Perrotin revient sur le devant de la scène, annonçant la semaine dernière l’ouverture prochaine d’un nouvel espace à Tokyo. L’expansion se poursuit donc, avec cette troisième galerie Perrotin en Asie, la première fut inaugurée en mai 2012 à Hong Kong dans un espace de 650 m2 au 50 Connaught Road Central, et la seconde en juin 2016 à Séoul. Cette ouverture internationale appuie les échanges et la visibilité d’artistes asiatiques majeurs à Paris et à New York, où le galeriste est installé dans de superbes espaces. Et quels artistes ? Takashi Murakami, Aya Takano, Mr., Chen Fei, Chung Chang-Sup, Park Seo-Bo, Xu Zhen et Bharti Kher en font partie. Certes, l’histoire veut qu’Emmanuel Perrotin est amorcé son histoire et ses expositions dans un appartement loué lorsqu’il n’avait qu’une petite vingtaine d’année. Il cachait le matelas dès qu’un client s’annonçait. Mais déjà le flair était là : il exposait pour la première fois en France Damien HIRST. Peu après, en 1993, il fut le premier à montrer le travail de Takashi MURAKAMI hors du Japon.

Microspective Jean Dubuffet au LaM

Dubuffet. Jean des villes, Jean des champs est une exposition courte réalisée en partenariat avec la Fondation Dubuffet, autour d’une dizaine d’oeuvres de l’inventeur de l’Art Brut (jusqu’au 8 janvier 2017). Les toiles se répartissent en trois zones. D’abord les paysages, puis des natures mortes traitées comme des paysages, enfin les personnages, des oeuvres toutes réalisées entre 1949 et 1982, soit après que l’auteur est fondé “La Compagnie de l’art brut” (1948) et rédigé son traité “L’Art brut préféré aux arts culturels” (1949).

Le LaM (musée Lille art Métropole), musée d’art moderne, brut et contemporain de Lille, n’en est pas à sa première exposition de Jean DUBUFFET. Elle organisait une rétrospective marquante il y a 10 ans – Dubuffet et l’art brut – attirant plus de 66 000 visiteurs juste avant sa fermeture pour travaux de modernisation (2006). En France, le LaM est le seul musée pourvu d’un département d’art brut, à côté des départements moderne et contemporain. Les “créateurs” d’art brut sont des personnalités “hors normes”, “indemnes de toute culture artistique”, telles que les définissait Dubuffet dans sa théorie de l’art brut au milieu du XXème siècle. Le LaM est devenu une référence incontournable du genre, notamment face au musée de Lausanne en Suisse, à qui Dubuffet offrit 4 000 œuvres de sa collection en 1971. Aujourd’hui, le LaM possède la plus importante collection d’art brut en France, grâce à la donation de l’association L’Aracine, dont les membres ont sillonné, pendant 10 ans, les routes, les hôpitaux, les collections privées et les salles de ventes, achetant à bas prix les plus grands noms de l’art brut dont personne ne voulait il y a peu. Constituée de plus de 4 000 œuvres de 170 créateurs français et étrangers, la donation L’Aracine permet au LaM d’afficher des œuvres importantes d’Aloïse Corbaz, Henry Darger, Madge Gill, Augustin Lesage, André Robillard, Scottie Wilson et Adolf Wölfli, entre autres.

Maurizio Cattelan, l’énième provocation

L’artiste s’expose à la Monnaie de Paris pour sa plus grande retrospective jamais effectuée en Europe. Il faut croire que Maurizio CATTELAN, plein de surprises, ne nous avait pas encore tout délivré. En effet, la rétropsective All au Musée Guggenheim à New York en 2011, devait être sa dernière exposition avant de se retirer du monde de l’art. Véritable mise en scène de ses adieux, il avait suspendu l’ensemble de ses œuvres réalisées depuis 20 ans dans l’atrium du musée.

C’est sous un angle nouveau que sont présentées à la Monnaie de Paris une vingtaine d’oeuvres, parmi les plus emblématiques, sans chronologie ni hierarchie. Dès l’entrée, le ton est donné dans une scénographie savemment orchestrée se jouant de l’architecture de cet hôtel parisien. L’artiste se déclare Not afraid of love, titre de l’exposition aussi troublant que contradictoire à l’image de son œuvre, où la mort s’avère être bien plus présente que l’amour. « Disons que c’est une exposition post requiem. Comme dans la nouvelle de Poe, je fais semblant d’être mort, mais je peux encore voir et entendre ce qui se passe autour » : l’installation présentant un mannequin à son effigie qui s’extrait du parquet pourrait en être l’illustration parfaite. Parmi la sélection, il est également possible d’apprécier la fameuse installation Nona Ora qui représente une effigie, en cire et grandeur nature, du défunt pape Jean-Paul II terrassé par une météorite. Retour plutôt détonant sous le commissariat de Chiara Parisi pour l’artiste figurant cette année dans le top 10 des meilleurs enchères de l’art contemporain dans le monde avec Him vendue à plus de 17 m$ chez Christie’s le 8 mai dernier, et qui clôture la scénographie de cette exposition non sans une certaine ironie. Un tel record prouve que Maurizio Cattelan ne s’est jamais véritablement retiré du monde de l’art ni de son marché.