L’art contemporain à Londres

[14/03/2017]

Après l’excellent départ des ventes d’art impressionniste et moderne de Londres, les vacations d’art contemporain s’annonçaient sous des auspices bien plus clémentes que celles de 2016 à la même époque. L’adrénaline est toujours au rendez-vous pour ce type de ventes, dont la courte sélection des œuvres se doit d’être la plus exigeante possible, répondant aux attentes du marché et ménageant quelques surprises, quelques œuvres rares et puissantes capables de pimenter une heure et demi d’enchères. Les attentes furent visiblement comblées les 7 et 8 mars avec une moyenne de 95% d’œuvres vendues chez Christie’s et Sotheby’s par rapport aux catalogues fournis. La qualité est le gage de résultats satisfaisants, à hauteur de 117,7m$ pour Christie’s et de 144,7 m$ pour Sotheby’s.

Parmi les résultats remarquables, citons la vente de No. 1 par Mark Rothko pour 13m$ et celle du superbe Être et paraître de Jean Dubuffet pour 12,2m$ (chez Christie’s). Citons aussi la puissante toile de Jean-Michel BASQUIAT, Untitled (One Eyed Man or Xerox Face), partie pour 14,5 m$ chez Sotheby’s, ainsi qu’une œuvre majeure d’Anselm KIEFER“Athanor” (1991), qui passait pour la quatrième fois en salle de ventes depuis 2001 et tenait ses promesses en changeant de mains pour 2,7m$. Kiefer fait l’objet d’une belle revalorisation, le prix d’Athanor ayant grimpé de 1,9m$ depuis 2005.

Peter Doig et Gerhard Richter

Emblématique de l’appétit des grands collectionneurs pour la peinture, les grandes toiles de Peter DOIG sont parmi les œuvres les plus prisées de l’art contemporain. Sa superbe toile “Cobourg 3 + 1 More” (200 x 250 cm) comblait les attentes de Christie’s qui consacrait à cette œuvre un catalogue indépendant de quelques 78 pages pour appuyer sa mise en vente le 7 mars. Clou de la soirée, Cobourg 3 + 1 More est finalement partie pour 15,5m$. Cette œuvre, qui n’était jamais apparue sur le marché des enchères auparavant, fut achetée en 1994 par son ancien propriétaire directement auprès de la galerie Victoria Miro à Londres. Rappelons qu’à l’époque, des toiles de cette envergure étaient accessibles pour moins de 200 000$. La flambée des prix des œuvres de Peter Doig est ainsi l’une des plus spectaculaires du marché actuel : son indice affiche d’ailleurs une hausse de +1028% depuis l’année 2000. S’il s’impose comme l’un des artistes vivants les plus chers de la planète (son record absolu flirte avec les 26m$ pour Swamped vendue chez Christie’s à New York le 11 mai 2015), il est toujours supplanté par un autre artiste vivant, grand maître dans le domaine de la peinture : Gerhard RICHTER, qui culmine quant à lui à 46,3m$ depuis 2005 (Abstraktes bild, 1986, Sotheby’s Londres, le 10 février 2015). Lors de ces deux jours de ventes, Sotheby’s cédait un chef-d’oeuvre du peintre Allemand Richter, “Eisberg” (1982), pour quelques millions de plus que l’estimation initiale, au prix final de 21,5m$. Sur les six dernières années, 22 toiles signées Richter se sont vendues pour plus de 20m$, et le rythme des enchères ne montre pas de signe de faiblesse.

De nouveaux records remarquables

Christie’s enregistrait 10 nouveaux records le 7 mars, dont celui de l’artiste Allemand Albert OEHLEN, frappé à 3,6m$ pour un autoportrait à la palette de 2005. Il s’agit d’un cap important pour l’artiste qui double son précédent record (1,8m$, Self-Portrait vendu le 1er juillet 2014 chez Christie’s Londres). La progression des prix de Oehlen est absolument époustouflante : 100 $  investis en  2000 dans l’une oeuvre de ses œuvres valant plus de 2 800$ en moyenne aujourd’hui. Une progression portée par de multiples expositions à travers le monde et par le soutien et la promotion du grand galeriste Larry Gagosian. Signalons aussi le record de Cecily BROWN, autre artiste soutenue par les galeries Gagosian et Saatchi, un record établi à 2,2m$ pour The Sick Leaves ; et surtout les résultats spectaculaires de Wolfgang TILLMANS, détenteur d’un record de courte durée le 7 mars (Freischwimmer 186 vendu 328 000$), record battu le lendemain chez Sotheby’s avec la vente de Freischwimmer 119 pour près de 465 000$, au quadruple de son estimation.

L’un des nouveaux sommets les plus impressionnants récompense une nouvelle recrue des enchères, la jeune artiste d’origine nigériane Njideka Akunyili CROSBY (née en 1983), déjà bien connue des collectionneurs américains. En effet, Njideka Akunyili Crosby vit et travaille actuellement en Californie, et ses œuvres ont déjà été exposées à New York, Los Amgeles ou Palm Beach. Comme Peter Doig, Madame Crosby est soutenue par une galeriste de premier ordre : Victoria Miro. Son oeuvre The Beautyful Ones précédemment achetée par son ancien propriétaire à la galerie luxembourgeoise Zidoun et Bossuyt en 2013 s’est littéralement envolée le 7 mars en quadruplant allègrement l’estimation haute pour finir à plus de 3m$. La détention de cette oeuvre aura été de courte durée, le temps que la jeune artiste voit flamber le prix de sa première œuvre aux enchères l’an dernier.

Signalons en dernier lieu le nouveau somment venu récompenser l’artiste hyperréaliste Suisse Franz GERTSCH, Sotheby’s ayant vendu l’impressionnante toile intitulée Luciano II pour plus de 3,3m$. Il s’agit là du deuxième résultat millionnaire d’un artiste trop rare aux enchères tant la production est ténue. Sotheby’s rappelle que Gertsch n’a produit que 63 œuvres importantes entre 1965 et 2005, lesquelles sont conservées soit dans des collections de musées, soit dans des collections privées, soit dans la collection personnelle de l’artiste.