L’art contemporain africain se renforce

[03/10/2017]

De nombreux signes concourent à l’émergence des artistes originaires d’Afrique, à commencer par des expositions d’envergure qui se sont tenues récemment tenues en France notamment. Des expositions telles que Beauté Congo à la Fondation Cartier (2015) ou Art/Afrique à la Fondation Vuitton (2017) ont permis de révéler la création africaine dans sa diversité et d’en d’élargir le public. Portés par une riche actualité culturelle, les artistes issus du continent africain intéressent de plus en plus collectionneurs et musées. Les maisons de ventes s’organisent sur ce secteur plein de promesses.

Paris-Londres

Plusieurs rendez-vous marchands se sont mis au diapason en France: Art Paris a dédié son édition 2017 à l’Afrique, quelques mois après la première édition d’un salon entièrement dévolu à l’art africain à Paris sous l’acronyme AKAA (Also Known As Africa). Les maisons de ventes comme Cornette de Saint Cyr et Artcurial soutiennent cet engouement en organisant des ventes entièrement spécialisées.

Le marché de l’art contemporain africain est ainsi en pleine expansion à Paris, où l’on enregistre de formidables évolutions, notamment pour l’artiste Congolais Chéri SAMBA (1956). A 61 ans, ce pionnier de l’art contemporain africain réalise une performance historique, la meilleure jamais enregistrée, avec plus de 722.000$ d’oeuvres vendues en 12 mois. L’une de ses toiles, intitulée Le seul et unique devoir sacré d’un enfant, s’est vendue 10 fois son estimation le 12 juin 2017 chez Cornette de Saint Cyr, passant les 140.000$, un record. Cette performance l’amène en cinquième position du Top artistes originaires d’Afrique, derrière Marlene Dumas et Julie Mehretu.

Londres est un autre centre névralgique important pour l’émergence de ce marché. C’est là que Touria El Glaoui lançait, en 2013, le premier salon entièrement dédié à l’Art Contemporain africain, 1:54, en marge de la Frieze art fair. En quatre ans, 1:54 est devenu un rendez-vous attendu au succès grandissant. L’expansion de ce salon à New York depuis 2015, et à Marrakech en février 2018, tend à prouver que l’événement répond à une demande en cours d’internationalisation. A Londres, les maisons de ventes prennent part à l’émulation, et les ventes spécialisées se multiplient. Après celles organisées par Bonhams, celles de Sotheby’s s’ouvrent sous de bons auspices. Confiante dans les possibilités de développement de ce secteur, la société américaine a opéré sa première vente d’art moderne et contemporain africain à Londres le 16 mai 2017, obtenant 3,6m$. Une grande diversité créative a nourri cette première vente, à travers des oeuvres signées Yinka SHONIBARE, Irma STERN, Pascale Marthine TAYOU, Kader ATTIA, ou El ANATSUI (né en 1944), rare artiste ayant acquis une notoriété internationale sans avoir quitter le continent.

Anatsui est encore un cas particulier, car les artistes originaires d’Afrique les plus cotés vivent généralement en Occident depuis de nombreuses années: l’artiste originaire d’Afrique du Sud Marlene DUMAS est arrivée aux Pays-Bas en 1976 et rayonne sur la scène internationale depuis déjà 25 ans (Documenta IX en 1992 puis Biennale de Venise de 1995); née en Ethiopie en 1970, Julie MEHRETU est arrivée dans le Michigan à sept ans et a rejoint New York pour y fêter ses 30 ans; originaire d’Egypte, Ghada AMER est arrivée en France à l’âge de 11 ans puis a rejoint New York après ses études, à l’image de l’artiste kenyane Wangechi MUTU qui a élu domicile à Brooklyn, etc. Ces artistes dont la carrière internationale est bien établie affichent de forts niveaux de prix.

 

Crosby, la révélation de l’année

Au cœur de cette nouvelle tendance porteuse d’africanité, une jeune artiste vient d’accomplir un surprenant baptême d’enchère : Njideka Akunyili CROSBY arrive en tête de plusieurs classements annuels, dont celui des meilleures enchères pour les artistes africains et celui des meilleures premières enchères. Mais cette artiste d’origine nigériane est surtout la première femme classée au Top 500 d’Artprice1, après 21 hommes. Introduite aux enchères il y a tout juste un an, ses performances (10,6m$ d’oeuvres vendues) devancent celles d’artistes aussi puissants que Takashi Murakami ou Miquel Barcelo. D’origine nigériane mais vivant à Los Angeles, Crosby expose au Whitney en 2016 et remporte le prix Canson délivré au Drawing Center à New York la même année. Ce sésame lui ouvre une résidence chez l’artiste Tunga et lui offre surtout un surcroît de notoriété dont l’impact est immédiat sur sa cote, d’autant que sa première apparition aux enchères précède de peu son exposition chez Victoria Miro à Londres. Galvanisés par tant de signes positifs, les collectionneurs s’arrachent son premier dessin mis aux enchères à plus de 93 000 $ en septembre 2016, chez Sotheby’s à New York. A 35 ans, l’artiste se voit auréolée d’un record de 3 m$ enregistré chez Christie’s à Londres (The Beautyful Ones, mars 2017) et se trouve représentée à la Biennale de Venise avec un large dessin et collage intitulée Cassava Garden (2015), précédemment exposé à la Biennale d’art de Montréal.
Outre ces envolées spectaculaires, l’art contemporain africain dans sa globalité est un marché jeune et en pleine évolution. Il constitue donc de bonnes opportunités pour démarrer une collection, avec de nombreuses œuvres abordables pour moins de 3.000$, dont celles de l’Angolais Francisco Vidal ou celles du jeune dessinateur Congolais Steve Bandoma. Un budget compris entre 8.000 et 10.000$ donne accès à des toiles du peintre Congolais Moke, qui n’a pas encore percé aux Etats-Unis mais dont le marché est très actif en France. Les prix grimpent néanmoins rapidement : à l’image de ceux du Béninois Romuald Hazoumé, qui ont doublé en moins de 10 ans.

 

1Top 500 Artprice : artistes classés selon leur produit de vente aux enchères dans le monde entre juillet 2016 et fin juin 2017.