Bonne vitalité du marché haut de gamme new-yorkais

[22/11/2016]

Christie’s, Sotheby’s et Phillips ont toujours beaucoup à jouer au mois de novembre, époque des cessions de prestige pour l’art impressionniste, moderne, d’après-guerre et contemporain. Cette année, ces grandes ventes new-yorkaises arrivant dans un contexte post-électoral électrique, les acteurs du marché de l’art avaient besoin d’être rassurés… Le risque était clair, la déstabilisation des marchés financiers et un climat de défiance auraient pu altérer la réussite des ventes les plus importantes de la fin d’année. Ce ne fut pas le cas… constamment alimenté par de nouvelles demandes venues du monde entier, le marché haut de gamme demeure solide, même si les résultats sont moindres cette année.

Les résultats ne sont pas si extraordinaires cette année mais ils prouvent que le marché haut de gamme se maintient bien, notamment avec d’importants nouveaux records pour des valeurs déjà très établies. L’impressionnante sélection d’oeuvres triées sur le volet a égrené les plus grands noms de 150 ans de création : des dizaines d’oeuvres signées Picasso ou Chagall, des Kandinsky, Sisley, Dubuffet, l’incontournable Andy Warhol, mais encore Basquiat, de Kooning, Pollock et quelques icônes de l’art actuelles comme Richter, Damien Hirst ou Christopher Wool. Au final, la vente Impressionniste et Moderne de Sotheby’s le 14 novembre affiche 157,7m$ de résultats contre 246 m$ pour la même vente chez Christie’s. Celle d’art d’après-guerre et contemporain de Christie’s du 15 novembre affiche 277m$ et celle de Phillips 111,2m$ le 16 novembre.

Rappelons que l’exercice 2015 plaçait la barre très haute, signant un record absolu pour Sotheby’s avec plus d’1 milliard de recettes en une semaine d’enchères, et que la vente thématique La Muse de l’artiste organisée par Christie’s générait 491 m$ le 9 novembre 2015, et des nouveaux records impressionnants pour Lichtenstein et pour Modigliani, emportant respectivement 95,365 m$ (Nurse, 1964) et 170,4 m$ (Nu couché, 1917-18).

Le clou de cette semaine de ventes est remporté par Meule (1890-91), chef-d’oeuvre de Claude MONET cédé au prix record de 81,4 m$ après un long quart-d’heure d’enchères chez Christie’s. Ce petit bijou coloré, symbole de l’histoire de l’art moderne, a littéralement explosé une estimation de 45m$. Lorsque les millions pleuvent ainsi, c’est signe que l’oeuvre est une denrée extrêmement rare sur le marché. Effectivement, les toiles de cette qualité sont plus souvent dans les musées qu’en mains privées… Les Meules détrône d’un petit million le précédent record du chef de file impressionniste, frappé en 2008 pour Le Bassin aux nymphéas (1919), vendue 80,5m$ chez Christie’s à Londres.

Autre résultat très attendu, celui de Porträt der Mrs Tress ne déçoit pas pour Les filles sur le pont (Pikene på broen (girls on the bridge)), une imposante toile de 1902 déjà apparue à plusieurs reprises sur le marché. La progression de son prix est phénoménal sur 20 ans : vendue 7,7 m$ en 1996, puis 30,8m$ en 2008, elle passe cette fois le cap des 50 millions ! Résultat final : 54,5 m$ emportés chez Sotheby’s, ce qui fait d’elle la peinture la plus chère de Munch et sa deuxième œuvre la plus onéreuse, après le dessin d’une version du Cri, cédé 120 m$ en mai 2012 (Sotheby’s New York).

De nouveaux records mondiaux sont encore à signaler pour Wassily KANDINSKY dont la toile Rigide et courbé (1935), une œuvre absente du marché depuis plus de 50 ans, est partie pour 23,3m$ (Christie’s) et pour Willem DE KOONING dont la magistrale et énergique toile Untitled XXV (1977, 200 x 220 cm) s’est envolée plus de 20 millions au-delà de son estimation. Le nouveau record du maître expressionniste américain s’élève désormais à 66,3 m$ (Christie’s). De Kooning est en train de rattraper la cote de son contemporain Rothko, récompensé de cinq résultats supérieurs à 60 m$ sur la décennie. Le record mondial pour une œuvre d’après-guerre demeure celui décroché par le triptyque de Francis BACON, Three Studies of Lucian Freud (1969), vendu pour 142,4 m$ il y a trois ans chez Christie’s (12 novembre 2013).

Plus étonnant… un nouveau record mondial est emporté pour le peintre américain John CURRIN (né en 1962) pour Nice ‘n Easy. Cette toile de 1999 valait à Currin un précédent record établi à 5,45 m$ en 2008. Mais le 15 novembre dernier, Nice ‘n Easy partait au double de ce prix chez Christie’s (12 m$). L’envolée de cette cote tient au soutien fort de la galerie Gagosian, organisatrice cet automne de l’exposition Nude: From Modigliani to Currin à New York (20 septembre-19 novembre 2016).

Cette œuvre de Currin se retrouve dans la même gamme de prix que l’une des meilleures toiles de Pablo PICASSO proposée dans la semaine, Peintre et son modèle, vendue 12,9 m$ le 14 novembre chez Sotheby’s. La toile n’avait jamais quitté la famille new-yorkaise Oestreich depuis sa première acquisition en 1968.

Phillips affiche aussi de très bons résultats avec 92% de sa vente contemporaine vendue pour un montant total de 111,2 m$ le 16 novembre. Cette vacation a été animée par la vente d’un chef-d’oeuvre de Gerhard RICHTER“Düsenjäger” (1963) parti pour 25,5m$ ; une toile de la fin des années 40′ de Clyfford STILL cedée 13,69m$ ; une icône Pop de Roy LICHTENSTEINNudes in Mirror (1994), vendue pour 21,53 m$, ainsi que par de nouveaux records mondiaux portés à 970 000 $ pour les artistes latino-américaines Carmen HERRERA et Mira SCHENDEL.

Les directeurs des départements impressionnistes, modernes et contemporains des trois maisons de ventes leaders se félicitent tous de la vitalité du marché, une solidité qui ne tient autant à la qualité des œuvres offertes qu’au rayonnement mondial des ces sociétés, qui ont enregistrés des enchérisseurs issus d’une quarantaine de pays différents…