Un milliard d’art contemporain en deux soirées

[20/05/2014]

 

Les résultats sont tombés : les seules ventes du soir pour l’art après-guerre et contemporain à New York les 13 et 14 mai 2014 ont finalement rapporté… plus d’un milliard de dollars. A ce jeu, Christie’s emporte largement son pari et étonne par la puissance des résultats. La multinationale britannique attendait 500 m$ le 13 mai au soir et annonce 745 mm$ avec 95% de lots vendus, contre 85% chez sa concurrente Sotheby’s, qui génère 364 m$ de chiffre à l’issue de la soirée du 14.

Des milliardaires issus de plus de 30 pays ont fait grimper les enchères à des niveaux stratosphériques et, selon Christie’s, les acheteurs asiatiques se sont montrés particulièrement déterminés. Plusieurs lots ont enterré des prévisions où des anciens records de quelques millions. Parmi les oeuvres phares, le monumental Jean-Michel BASQUIAT de 1981 de Christie’s à passé son estimation haute d’un million pour un coup de marteau final à 31 m$ (Untitled, 34,885 m$ frais inclus) ; et le Popeye de deux mètres de haut signé Jeff KOONS est désormais propriété de Steve Wynn qui l’emporte pour 28,165 m$ frais inclus. Quant à l’Abstraktes Bild (712) de l’Allemand Gerhard RICHTER, elle reste dans sa fourchette d’estimation à 26 m$ et 29,285 m$ frais inclus. Le résultat le plus impressionnant de ces ventes récompense Francis BACON à hauteur de 80,8 m$ frais inclus (72 m$ au marteau) grâce à un rare triptyque intitulé Trois Études pour un portrait de John Edwards (1964) (Studies for a portrait of John Edwards). L’oeuvre aurait été acquise pour une quinzaine de millions de dollars il y a moins de quinze ans en vente privée chez Sotheby’s. L’acheteur inspiré de l’époque empoche quelques 57 m$ sur cet aller-retour. Rappelons qu’entre son achat au début des années 2000 et sa revente la semaine dernière, Bacon est devenu l’artiste le plus cher du monde aux enchères avec les 127 m$ frappés pour un autre triptyque (Three Studies of Lucian Freud, Christie’s New York le 12 novembre 2013, plus de 142 m$ frais inclus). Cette pièce majeure était composée de trois huiles sur toile, mesurant chacune 198 x 147,5 cm. Un ensemble complet en salle est d’autant plus rare qu’on ne connait que 28 triptyques de Bacon, dont au moins 12 se trouvent dans des collections publiques, et seulement 4 ont déjà été proposé en salles.

Flambée continue pour les expressionnistes américains
Les occasions d’enchérir sur une toile majeure de Barnett NEWMAN sont rares, trop rares pour ne pas se battre tant l’artiste est une figure majeure de l’art du XXème siècle et tant les autres complices de l’expressionnisme abstrait, comme Pollock et Rothko, ont défriché avant lui un marché très haut de gamme d’oeuvres susceptibles de se vendre, en privé ou en public, autour des 100 millions. Le 13 mai, Christie’s enregistrait 150,3 m$ en vendant deux oeuvres seulement : un superbe champ coloré de Mark ROTHKO, daté de 1952 cote désormais 66,2 m$ et, surtout, la toile Black Fire I de Barnett Newman s’est arraché 84,1 m$ (frais inclus), soit 45 millions au-delà du précédent record de l’artiste (précédent record à 39 m$ avec Ornement VI, 43,845 m$ frais inclus, Sotheby’s, 14 mai 2013). La cote de Newman vient donc rattraper celle de Rothko, grand élu de l’expressionniste américain depuis les enchères historiques de 2007 et toujours détenteur du record pour le mouvement, depuis les 86,8 m$ payés en 2012 pour Orange, Red, Yellow (toile adjugée 77,5 m$ le 8 mai 2012 chez Christie’s).

Trois Warhol majeurs rapportent 134 m$Habituelle star de ces grandes ventes, Andy WARHOL était représenté par des pièces majeures : White Marilyn et Race Riot chez Christie’s, contre une superbe série de six autoportraits chez Sotheby’s. Frais inclus, ces trois oeuvres représentent un chiffre d’affaires de 134 m$. La première présentée à enchères fut Race riot, une oeuvre de 1964 réalisée d’après une photographie de presse lors de émeutes raciales de Birmingham. Race Riot affichait de nombreux atouts : un sujet parmi les plus recherché, une œuvre ample (152,4 x 167,6 cm), une répétition différenciée par les couleurs et une provenance importante, celle de la collection Mapplethorpe. Cette sérigraphie sur toile, qui cotait 570 000 $ en 1992 (vente Christie’s New York, 18 novembre 1992), s’est vendue cette fois 56 m$ (62,885 m$ frais inclus) et s’inscrit comme la quatrième oeuvre de Warhol la plus chère du marché.
Quelques minutes plus tard, Christie’s annonçait son second trésor warholien : une « Marilyn Blanche », estimée 12 à 18 millions. Il s’agit de l’un des douze portraits de la star hollywodienne, chacun réalisé sur un fond de différente couleur. Cette œuvre est historique : non seulement elle fut réalisée peu après la mort de Marylin, mais elle marque aussi un tournant dans le parcours de Warhol, qui travaille pour la première sur une toile de soie avec cette série. Cette « emblème du Pop art » selon Christie’s a atteint 36,5 m$, au double de l’estimation haute. Malgré ses modestes dimensions (50,8 x 40,6 cm), l’oeuvre se paie finalement 41,045 m$ frais inclus.
Il fallait patienter jusqu’au lendemain pour voir le troisième lot phare de Warhol, présenté cette fois chez Sotheby’s. Il s’agit d’un autoportrait de l’icône Pop répété à six reprises, le visage sérigraphié de six couleurs différentes. Six Self Portraits aurait été acheté pour 57 000 $ dans une galerie de Londres en 1986. Attendue cette fois entre 25 et 35 m$, elle se paie finalement 30,125 m$ frais inclus.

La manne de l’art contemporain récompense aussi les plus jeunes stars du marché. Parmi les nouveaux records enregistrés la même semaine à New York, citons les signatures de Joe BRADLEY, Dan COLEN ou Wade GUYTON. L’art contemporain continue, cette année, de défier les pronostics et d’afficher une vitalité plus prégnante que sur les autres segments du marché.