LE TOP DES ANNÉES 1910

[12/05/2014]

 

Le vendredi, c’est Top ! Un vendredi sur deux, Artprice vous propose un classement d’adjudications par thème. Cette semaine : les dix meilleures enchères pour des oeuvres réalisées dans les années 10.

Le Top des Années 1910
Rang Artiste Adjudication Oeuvre Vente
1 Gustav KLIMT 78 500 000$ Portrait of Adele Bloch-Bauer II (1912) 08/11/2006 (Christie’s NEW YORK NY)
2 Claude MONET 71 846 600$ Le bassin aux nymphéas (1919) 24/06/2008 (Christie’s LONDON)
3 Amedeo MODIGLIANI 61 500 000$ Nu assis sur un divan (la belle romaine) (1917) 02/11/2010 (Sotheby’s NEW YORK NY)
4 Kasimir Sevrinovitch MALEVICH 53 500 000$ Suprematisch Composition (1919) 03/11/2008 (Sotheby’s NEW YORK NY)
5 Juan GRIS 50 778 000$ Nature morte à la nappe à carreaux (1915) 04/02/2014 (Christie’s LONDON)
6 Amedeo MODIGLIANI 46 650 450$ Tête 14/06/2010 (Christie’s Paris)
7 Henri MATISSE 41 046 400$ Les coucous, tapis bleu et rose (1911) 23/02/2009 (Christie’s Paris & Pierre Bergé PARIS)
8 Gustav KLIMT 38 284 800$ Kirche in Cassone (Landschaft mit Zypressen) (Church in Casson – Landsc (1913) 03/02/2010 (Sotheby’s LONDON)
9 Amedeo MODIGLIANI 37 752 000$ Jeanne Hébuterne (Au chapeau) (1919) 06/02/2013 (Christie’s LONDON)
10 Egon SCHIELE 35 681 800$ Häuser mit bunter Wäsche (Vorstadt II) (Houses with laundry Suburb II) (1914) 22/06/2011 (Sotheby’s LONDON)

 

Le niveau d’enchères de ce Top 10 s’avère époustouflant : avec un ticket d’entrée de 35,6 m$ pour Egon SCHIELE et un sommet de 78,5 m$ pour Gustav KLIMT, les recettes cumulées par les dix oeuvres des années 10 les plus chères du monde représentent 515,5 m$… un résultat supérieur, par exemple, aux performances françaises de l’année 2012, avec la vente de quelques 60 000 lots. Seuls les artistes de l’avant-garde européenne prennent d’assaut le classement, les américains étant classés à ce niveau d’enchères à partir des années 40 seulement. Un nom semble manquer à l’appel : celui de Pablo Picasso, qui tenait neuf des dix meilleures enchères pour des oeuvres réalisées dans les années 30 mais n’affiche ici aucune œuvre cubiste. Il laisse sa place à sept artistes, dont six affichent ici leur record absolu : Klimt, Monet, Modigliani, Malevitch, Gris et Schiele, tous adjugés au plus haut dans les années 2000.

Trois enchères pour l’école viennoise

Gustav Klimt participe à la fondation de la Sécession viennoise en 1897 et se concentre à une recomposition stylisée du réel, qui aura une influence cruciale sur Egon Schiele, 10 ans plus tard. A partir de 1907 en effet, année de leur rencontre, Klimt devient le mentor de Schiele, alors âgé de 17 ans. Le bouleversement artistique qui s’opère à Vienne, connu comme le deuxième mouvement de la Sécession viennoise à l’époque , révèle le jeune Schiele, dont la brève carrière s’éteint avec lui en 1918, huit mois après le décès de Klimt, dont il exécute le portrait sur son lit de mort. Les toiles des deux artistes sont particulièrement rares en salles de ventes, et la dernière occasion importante d’acquisition se présentait le 8 novembre 2006, date à laquelle Christie’s affichait quatre Gustav Klimt à son catalogue. Ces quatre oeuvres ont rapporté quelques 192 m$, dont une enchère haute de 78,5 m$ (87,9 m$ avec frais) pour le Portrait d’Adele Bloch-Bauer II, ici désignée comme l’oeuvre des années 10 la plus chère du monde. La présentation de quatre tableaux du maître viennois constituait alors un fait exceptionnel, car ces oeuvres, confisquées par les nazis à la famille Bloch-Bauer, venaient d’être restituées par l’Autriche à l’héritière des propriétaires. Les quatre toiles se sont vendues au-dessus des estimations préalables, hissant la cote de Gustave Klimt de +46% sur l’année 2006. Les deux autres oeuvres viennoises du Top 10 sont de rares paysages peuplés de maisons, réalisées par Klimt et Schiele à quelques mois d’intervalle : Kirche in Cassone (Landschaft mit Zypressen) est aussi la deuxième meilleure enchère de Klimt, tandis que l’oeuvre de Schiele signait un record inégalé depuis 2011, et du même coup, la plus belle enchère des cessions londoniennes du mois de juin de la même année.

Deux résultats parisiens

Parmi les deux adjudications parisiennes de ce Top 10, l’une remonte à la vacation Pierre Bergé/Yves Saint Laurent, une vente historique qui dégageait pas moins du quart des recettes Fine art françaises en 2009 (soit 265 m$ des 665 m$ enregistrés en 2009). Organisée par Christie’s au Grand Palais de Paris le 23 février 2009, au moment où Wall Street enregistrait son niveau le plus bas depuis 12 ans (S&P 500 à 743,33 points), la qualité des oeuvres issues de cette collection a permis de générer des résultats exceptionnels, notamment quatre des dix plus belles enchères de l’année 2009 et des records mondiaux pour Matisse, Brancusi, Mondrian, De Chirico, Duchamp, Klee, Ensor, Géricault. Depuis cette vente, Henri MATISSE a battu les 41 m$ atteints par Les Coucous, tapis bleu et rose (avec la sculpture Nu de dos, 4 état (Back IV) vendue 43,5 m$ chez Christie’s en 2010), mais les Coucous donnaient à Matisse la meilleure adjudication 2009 du monde. C’est la troisième fois que l’on retrouve Henri Matisse dans un classement de ce type : il est aussi présent parmi les meilleures oeuvres des années 20 et 30.
La sculpture des années 10 la plus chère du monde est Tête (vers 1910-12) d’Amedeo MODIGLIANI. En 2010, année ou elle décrochait ses 46,65 m$, décuplant largement le précédent record de l’artiste dans cette discipline (3,5 m$), Tête devenait la troisième sculpture la plus chère du monde, derrière deux bronze d’Alberto Giacometti.

Ce n’est pas tout concernant Modigliani qui revient à trois reprises dans ce classement, notamment grâce à son record d’enchère récompensant Nu assis sur un divan (la belle romaine), un nu sensuel de 1917 cédé 61,5 m$ lors de la vente impressionniste et moderne de Sotheby’s New York le 2 novembre 2010. Le Nu assis sur un divan (la belle romaine) était déjà passé en salle de ventes en 1999 et vendu au prix record, à l’époque, de 15,25 m$ (Sotheby’s). Le troisième Modigliani classé est une toile représentant Jeanne Hébuterne (Au chapeau). Cette œuvre audacieuse gagnait d’ailleurs 10 m$ entre 2006 (vente Sotheby’s Londres du 19 juin) et 2013 où elle s’arrachait l’équivalent de 37,7 m$ à Londres.

Les trois autres records mondiaux de ce classement – qui sont autant des records pour des oeuvres des années 10 que des records par artiste – récompensent des chefs-d’oeuvre emblématiques du début du XXème siècle. Parmi eux, un monumental Bassin aux nymphéas de Juan GRIS était adjugé l’équivalent de 71,8 m$ à Londres en 2008 et signait alors le nouveau record du mouvement impressionniste, devant les 71 m$ détenu depuis 1990 par le fameux Moulin de la Galette d’Auguste Renoir. Il existe seulement quatre versions comparables de cette pièce muséale de Monet, dont une conservée au Metropolitan Museum of Art de New York. Outre l’impressionnisme, la Suprématisme et le Cubisme sont respectivement représentés par Kasimir Sevrinovitch MALEVICH, dont une composition de 1919 atteignait 53 m$ en 2008, un record explicable non seulement par les qualités esthétiques et historiques de la toile, mais aussi par l’extrême rareté de Malevich sur le marché (seulement 10 tableaux offerts depuis les années 90) et par Juan Gris, dont une impressionnante toile cubiste signée fut adjugée 50,7 m$ lors des ventes londoniennes de février 2014. Ce dernier record, frappé il y a deux mois, démontre que les oeuvres de ces années peuvent encore monter en prix, pour peu que leur qualité soit irréprochable. Tel était le cas pour le chef-d’oeuvre Nature morte à la nappe à carreaux de Juan GRIS, issu d’une collection privée suisse et vierge de salle de ventes : attendu pour un record à son estimation haute de 30 m$, il enterrait de 20 m$ les meilleurs pronostics.