La sculpture art déco

[09/06/2004]

 

Soutenue par les collectionneurs anglo-saxons, la sculpture art déco jouit d’une progression des prix de 8% en moins de 6 mois.

Si l’art déco désigne des productions réalisées dans l’entre-deux-guerres, le terme quant à lui n’a été employé pour la première fois par les collectionneurs que dans les années 1960, en souvenir de l’Exposition internationale des Art Décoratifs et industriels modernes de 1925 à Paris, où les œuvres interviennent en tant que décor, plutôt que pour leurs qualités propres.

Quelques repères

En France, nombreux furent les artistes qui développèrent le style « art Déco » dans leur travail, notamment dans le domaine de la sculpture. Ce partagent deux catégories d’artistes : les traditionalistes qui privilégient une production décorative soignée figurative et les avant-gardistes inspirés par la déformation géométrique du cubisme.
Thème récurent du premier : la femme. Qu’elle soit dans des poses lascives ou élégante dansant, jouant au tennis ou se délectant d’une cigarette, la femme aux justes proportions reste au cœur des inspirations. Les pièces les plus recherchées sont les bronzes finement patinés ou avec des incrustations d’ivoire. Dimitri CHIPARUS (1886-1947) s’affirme comme le leader de la sculpture chryséléphantine, qui associe l’or et l’ivoire à différents alliages métalliques. D’autres artistes ont produit des sujets bruts (sans patines) ou avec des inclusions d’ivoirine, bien moins valorisées. Au-delà de la signature, des matériaux et du sujet, pour ces pièces, la finesse des détails est déterminante pour le prix.
Une deuxième tendance découle directement du cubisme et de l’africanisme. Ses représentants majeurs sont Gustave MIKLOS (1888-1967), avec ses colonnes en bois et ses totems non figuratifs, Joseph CSAKY (1888-1971), avec ses têtes cubistes, ou encore Jean LAMBERT-RUCKI (1888-1967). Celui-ci est l’un des plus cotés.
Tout comme Dimitri CHIPARUS (1886-1947), Paul JOUVE (1878-1973), René LALIQUE (1860-1945), Édouard Marcel SANDOZ (1881-1971), Jean DUNAND (1877-1942), John Bradley STORRS (1885-1956) et Jacques LIPCHITZ (1891-1973), Jean LAMBERT-RUCKI a déjà eu des pièces adjugées plus de 100 000 euros. Mais au-delà des prix records, l’amateur trouve sur le marché davantage de pièces bon marché, même parmi les plus renommés des artistes. 60% des sculptures art déco sont adjugées moins de 5000 euros. Aux enchères 200 à 400 pièces sont annuellement mises en vente moins de 1500 euros.

Structure du marché

Les amateurs sont très exigeants sur ce vaste segment de marché. Les pièces mal conservées ou aux finitions moins achevées se retrouvent souvent cantonnées dans les 28,5% de sculptures art déco invendues. Si Demeter H. CHIPARUS, Paul JOUVE et Fritz PREISS s’arrachent pratiquement à chacune de leur apparition sur le marché, il n’est pas rare de voir certains artistes comme Jan & Joël MARTEL ou Edouard Marcel SANDOZ présenter des taux d’invendus proche de 50%. Certains comme Jean LAMBERT-RUCKI ou Émile-Antoine BOURDELLE ont même frôlé le seuil des 60% d’invendus en 2003. Mais cette sélectivité ne nuit pas à la progression des cotes. Certaines sont mêmes spectaculaires. A titre d’exemple, les productions de Jan et Joël MARTEL ont décuplé de valeur entre 1997 et 2003.
Les pièces exceptionnelles tendent à s’échanger Outre-Atlantique, de sorte qu’en 2003, près 2/3 du produit des ventes de sculptures art déco ont été réalisés à New York, avec seulement 13% du volume de transactions. Acheteurs new-yorkais et japonais gouvernent le marché des plus luxueuses sculptures chryséléphantines. Le France possède le plus large choix dans la gamme des pièces de 1000 à 5000 euros (près de la moitié des échanges).

Artprice Index des sculptures Art Déco
Base 100 en 1994 – devise de référence = EUR

Les tendances

Globalement sur les dix dernières années, la cote de la sculpture art déco a plus que doublé. Ce marché a connu une importante extension au milieu des années 1990. En 2000 et 2001, à son apogée, le secteur des sculptures art déco représentait presque 10 millions d’euros pour un volume de plus de 900 transactions annuelles. A cette époque, le marché particulièrement dynamique est générateur de records. Ainsi, le 7 novembre 2001, sous le marteau de Sotheby’s, Jacques Lipchitz décroche le record absolu pour une sculpture art déco avec une pièce monumentale de 1923-1925, La Baigneuse, adjugée 1,3 millions de dollars. Toutefois après cet engouement, le marché n’a cessé de se déprécier. Principale cause de cette baisse : le retrait momentané des collectionneurs anglo-saxons. En perte de vitesse, ce segment est devenu moins dynamique durant les trois dernières années. En 2003, 393 pièces art déco ont changé de mains pour à peine 3,4 millions d’euros. Entre 2001 et 2003 les prix ont chuté de 30%. Mais après cette forte contraction des échanges, suit l’euphorie animant l’ensemble du marché depuis quelques mois et le retour en force des acheteurs anglo-saxons, la sculpture art déco semble de nouveau décoller. Les pièces redeviennent fort disputées dans les salles, au point que l’Artprice Index du mouvement affiche une progression de 8% au cours des 5 premiers mois de l’année. Parmi les progressions les plus remarquables, signalons celles de Demeter H. CHIPARUS qui a retrouvé en quelques mois sa cote de 2000 (année de son record avec Civa, adjugé 1,16 millions de francs). Compte tenu des prix déjà atteints en 2000-2001, et si la tendance actuelle se maintient de très belles marges de progressions sont à espérer pour Fritz PREISS et Marcel BOURAINE.