Maisons de ventes aux enchères : corrections et progressions

[21/06/2016]

 

Les résultats annuels des sociétés aux enchères reflètent à la fois l’état de confiance du marché et les aléas économiques et financiers plus globaux des pays concernés. L’année dernière fut ainsi particulièrement rude pour le marché chinois secoué par la crise financière, avec des volumes d’affaires parfois révisés de moitié pour d’importantes sociétés de ventes… Face à des recettes occidentales stables, la société Shanghai Jiahe voyait par exemple son résultat annuel tomber de plus de 70% par rapport à l’exercice précédent (sur le seul domaine du Fine Art), Rombon Auction affichait une perte de vitesse de l’ordre de -60%, la société Nanjing Jingdian vendait deux fois moins d’oeuvres d’art en terme de volume d ‘affaires, et même la grande Poly International, qui fut tout de même, rappelons-le, la quatrième place de marché mondiale pour la vente d’art contemporain en 2011-2012, perdait un quart de ses recettes annuelles globales l’an dernier…

La perte de vitesse a-t-elle atteint l’Occident ?

Face aux performances relativement stables des deux grands mastodontes Christie’s et Sotheby’s l’an dernier, certaines maisons de ventes occidentales ont considérablement flanché, notamment Bukowskis, perle du marché de l’art scandinave établie à Stockholm depuis 1870, en perte de vitesse de -42%, mais aussi les sociétés suisses et allemandes Koller (-45%), Lempertz (-25%) ou, pire, la Galerie Kornfeld de Bern affichant une chute de recettes de près de 60% l’année dernière pour la vente d’oeuvres d’art…
Or, les chiffres du premier semestre 2016 n’ont pas encore donné le signe d’une reprise, bien au contraire : Bukowskis a par exemple vendu pour 9 m$ d’oeuvres depuis le début de l’année, contre 30 m$ de résultat annuel en 2015 (et 52 m$ en 2014). La société Koller affiche quant à elle un petit résultat de 3,6 m$ sur le premier semestre 2016. Il lui faudrait vendre sept fois plus sur le second semestre pour atteindre les 27,7 m$ de l’an dernier, et 14 fois plus pour se hisser au niveau de ses performances de 2014 ! Même constat du côté de la société Lempertz, qui n’atteint pas les 4 m$ depuis le début de l’année, et à qui il faudrait 22 millions de plus pour ne pas poursuivre la descente amorcée (Lempertz vendait pour 34,3 m$ d’oeuvres en 2014, puis pour 25,6 m$ en 2015). Plusieurs sociétés de ventes européennes peinent donc à atteindre des résultats probants, pas seulement en Allemagne mais aussi en France, Artcurial affichant 15 m$ de ventes d’oeuvres au premier semestre 2016, quand il lui faudrait atteindre 82 m$ d’ici la fin de l’année pour retrouver le faste de l’année 2014.

Tout n’est pas noir pour autant et certaines sociétés de ventes tirent bien leur épingle du jeu, à l’image de la chinoise China Gardian qui a déjà réalisé la moitié de son chiffre d’affaires sur la première moitié de l’année, et à celle de l’Autrichienne Dorotheum (la plus ancienne salle des ventes au monde fondée en 1707), dont les ventes sur 2016 ont généré plus de 30 m$ contre 71 m$ à atteindre. La plus franche vitalité est à chercher du coté de la Corée du Sud, devenue la 10ème place forte mondiale en terme de recettes en 2015 (75 m$ de résultat), avec une croissance annuelle de 77%. Devançant désormais les Pays-Bas, le Japon ou encore la Belgique, le marché de l’art coréen flambe grâce à l’action conjointe des sociétés K-Auction et Séoul auction (aussi implantée à Hong Kong depuis 2008), et à la flambée de prix constatée sur les artistes coréens, notamment sur les œuvres du mouvement Dansaekhwa. Si, K-Auction est désormais en perte de vitesse, sa concurrente tient ses promesses : en six mois, Séoul auction a déjà atteint son résultat annuel de 2014 !
Quelque peu tendu, le marché de l’art mondial n’a pas dit son dernier mot. Les sociétés de ventes peaufinent leurs sessions de prestige d’été et d’automne, qui peuvent encore tout changer.