Semaine du dessin : retour sur un marché dominé par la Chine

[29/03/2016]

 

Cette semaine est dédiée au dessin à Paris, via trois salons importants: le Salon du Dessin (avec une sélection prestigieuse de maîtres anciens, modernes et contemporain, 25 – 30 mars au Palais Brongniart), Drawing now (avec des artistes contemporains établis, 30 mars-3 avril au Carreau du Temple), et DDESSIN (avec une sélection d’artistes émergents, 1er – 3 avril, Atelier Richelieu). L’occasion de faire le point sur ce segment de marché particulier, qui a acquis ses lettres de noblesse dans les grandes collections comme en salles de ventes. En observant les meilleures performances aux enchères enregistrées l’an dernier (2015), force est de constater que le marché du dessin a profondément muté avec le développement du marché chinois.

En règle générale, le dessin reste plus abordable que la peinture et la sculpture. Un seul dessin se hisse d’ailleurs dans le top 20 des enchères 2015, après des toiles de Picasso, Modigliani, Rothko, Twombly, Van Gogh, Warhol, Lucian Freud, Monet, Mondrian, Francis Bacon, Gerhard Richter…. L’artiste parvenu à ce hisser dans un classement si prestigieux, parmi des résultats se comptant en dizaines voire en centaine de millions de dollars, est l’artiste chinois Pan Tianshou, avec Eagle, Rock and Flora, vendu près de 40m$ chez China Guardian.
Artiste actif au XXème siècle, PAN Tianshou se vend presque exclusivement en Chine (94% de son marché), mais son apport plastique et théorique est reconnu de façon internationale. Considéré comme le plus important peintre traditionnel chinois dans la lignée de Wu Changshuo, Qi Baishi et Huang Binhong, ses œuvres ont opéré l’an dernier un rattrapage de cote vis à vis du maître QI Baishi, qui culmine à plus de 65m$ depuis 2011, avec la vente de Eagle Standing on Pine Tree chez China Guardian. Ce dessin de Qi Baishi n’est autre que le plus cher du monde jamais vendu aux enchères après Le Cri d’Edvard MUNCH, cédé 107m$ en 2012 chez Sotheby’s à New York.

Outre Munch, Raphaël, Degas et Cézanne, les dessinateurs les plus chers sont des artistes chinois, vendus presque exclusivement en Chine continentale et à Hong Kong. La force de frappe du marché Chinois se révèle effectivement via une forte revalorisation du dessin et de la calligraphie, arts d’excellence dans la tradition chinoise. La Chine tient aujourd’hui 58% du marché du dessin en terme de recettes annuelles, et même 72% si l’on inclut la place de marché hong-kongaise aux résultats enregistrés en Chine continentale. Les États-Unis représentent 13% de ce marché, devant le Royaume-Uni à 7%, et la France à 3% des recettes mondiales. La vitalité du marché français repose par ailleurs en grande partie sur son histoire avec les artistes chinois modernes, ceux ayant choisi Paris pour confronter leur culture à la modernité occidentale du XXème siècle. Les collectionneurs français, européens et chinois s’affrontent dans les salles de ventes françaises, pour emporter les meilleurs meilleures œuvres de ces artistes. C’est ainsi que les meilleures enchères françaises de l’année 2015 (tous médiums confondus) récompensent en premier lieu les chinois Gu Quan, Zao Wou-Ki et San Yu, avant même Pablo Picasso et Jean Dubuffet. Le record français de l’année 2015 s’est en effet établi à 6,2m$ pour un rouleau suspendu attribué à Quan Gu, un artiste actif au XVIIIème siècle.

Par ailleurs, l’histoire des meilleures enchères dans le domaine du dessin prouve que l’explosion de ce marché est récente, fait cohérent en regard de la jeunesse du marché chinois et fait confirmé sur les grandes signatures occidentales, avec les principaux records tous enregistrés depuis 2000. Le succès du dessin tient à plusieurs phénomènes conjoints: la flambée des prix ou les raréfaction de peintures pour les plus grands artistes générant naturellement la hausse de prix des œuvres sur papier d’une part, d’autre part, le dessin n’est plus considéré comme un genre mineur en regard de la peinture. La hiérarchie des genres s’étant quelque peu effritée au profit d’une reconsidération du médium en soi. Aujourd’hui, le marché du dessin représente 24% des recettes globales du marché des enchères, un part qui a doublé en 10 ans !