Art d’après-guerre et Contemporain : premiers résultats de l’année

[16/02/2016]

 

Le Marché de l’Art fait preuve d’un sang froid remarquable face à l’effondrement des marchés financiers. Les résultats des ventes d’art contemporain de Londres sont naturellement ajustés par rapport aux sessions de 2015 car les commissaires-priseurs ont fait preuve d’intelligence en révisant leur nombre de lots dans un contexte d’effondrement boursier. Ces résultats ne sont en aucun cas anxiogènes. Les taux d’invendus sont d’ailleurs bas et de nouveaux records sont battus. Ce mercredi 10 février 2016, le Président de la célèbre Maison de Ventes Phillips n°3 mondiale, Ed Dolman, commentait le Marché de l’Art mondial en 2016 : “le Marché de l’Art échappe au krach boursier car c’est un marché intelligent et extrêmement clairvoyant“.
La célèbre Maison de Ventes Phillips, n°3 mondiale, connaît un excellent départ pour 2016 avec les 2 ventes de février en progression de +41% par rapport à 2015. La vente d’art d’après-guerre et contemporain de Sotheby’s, organisée le soir du 10 février 2016, a généré 100,7 m$ avec 20 % d’invendus.
Celle de Christie’s 84,3 m$ pour sa vente de prestige du 11 février 2016, avec 11% d’invendus seulement, et de nouveaux records pour Joseph Beuys et Robert Mangold. Si les grands gagnants de ces deux jours de ventes étaient Cy Twombly, Gerhard Richter et Francis Bacon en 2015, ils se nomment cette fois Lucian Freud, Peter Doig et Alberto Burri, des artistes qui passent le seuil des 10 m$.

C’est à Lucian FREUD que l’on doit le meilleur résultat de ces ventes de février 2016. Sotheby’s espérait obtenir 15 m$ de Pregnant girl, une toile intimiste pour laquelle la maison de ventes avait soigné la communication en lui dédiant un petit film promotionnel. La jeune femme enceinte a galvanisé les enchères jusqu’à atteindre 23,2 m$, bien au-delà de son estimation. Cette œuvre clôt désormais le top 5 des résultats de ventes de l’artiste. Christie’s offrait deux œuvres de Freud le lendemain, dédiant la couverture de son catalogue au visage d’Esther, un portrait attendu entre 3,5 m$ et 5 m$ et finalement vendu pour 6,9 m$. Le pendant d’Esther, le visage de IB annoncé dans la même fourchette de prix, a moins séduit, partant pour 3,6 m$.

La deuxième vente phare est pour Peter DOIG, l’un des 100 artistes les plus performants du monde aux enchères. Peter Doig fut plus convoité qu’Yves Klein (dont une superbe anthropométrie de 1960 s’est vue ravaler dans sa fourchette d’estimation de 11 m$ à 20 m$…) ou que Francis Bacon lors de ces ventes. Le succès emportée pour la toile The Architect’s Home in the Ravine (1991, 200 x 250 cm) chez Christie’s est hors du commun. Cette œuvre affrontait les enchères pour la quatrième fois depuis 2002. Elle valait alors un peu moins de 500 000 $ (c. 475 000 $, Sotheby’s le 26 juin 2002). Elle fut ensuite rachetée 3,6 m$ en 2007, puis 11,9 m$ en 2013, avant d’atteindre 16,3 m$ le 11 février 2016, multipliant 34 fois son prix en 14 ans. Deux autres œuvres de Peter Doig étaient proposées lors de cette vente : un homme barbu dans un canoë cédé 4,9 m$ (Island Painting, 2000- 2001, 77 x 91cm) et une grande huile sur papier de 1993, Blotter, vendue dans son estimation pour l’équivalent de 265 000 $.

Signalons le nouveau record mondial de l’Italien Alberto BURRI, dont l’oeuvre Sacco e Rosso, est partie pour son estimation basse à 13,1 m$ chez Sotheby’s. Alberto Burri enterre de plus de 5 m$ un précédent record signé en 2014, pour une Combustion plastique de 1960-61 (7,6 m$, Christie’s Londres, 11 février 2014). Ce nouveau sommet alimente encore la pluie de records enregistrée ces derniers mois pour l’art italien du XXème siècle.

Moins haut mais plus extravagant, l’extraordinaire record du jeune Adrian GHENIE (né en 1977) l’érige en nouvelle idole de la peinture contemporaine. Sotheby’s a eu raison de consacrer un focus en images, sur son site internet, à sa réinterprétation des Tournesols de Van Gogh : The Sunflowers in 1937. L’oeuvre a littéralement explosé sa fourchette d’estimation (équivalente à 550 000-850 000$) pour partir à 4,5 m$ ! Ce nouveau record chasse de 2 m$ le précédent sommet de l’artiste, frais de 2014 (The Fake Rothko, vendu 2,4 m$, Sotheby’s Londres, 30 juin 2014). Le jeune Roumain adoubé lors de la 56e Biennale de Venise, est porté par les prestigieuses galeries Pace et Thaddaeus Ropac.

D’autres résultats forts chez Christie’s sont emportés pour Francis BACON et David HOCKNEY. Two Figures, une toile de Bacon plus grande que taille humaine (198 x 70cm), vierge d’enchères, et d’une magnifique provenance (achetée directement à Bacon en 1975 par son ami proche Michael Peppiatt) est partie dans son estimation, pour 7,9 m$. Cette œuvre intense et cathartique est un adieu à l’amant et muse George Dyer, tragiquement décédé quatre ans avant la réalisation de cette toile. La toile Beach Umbrella de Hockney est par ailleurs partie bien au-dessus des prévisions : restée dans la même collection pendant 40 ans, elle s’est envolée pour 4,5 m$, largement au double de l’estimation haute.

Ces ventes témoignent d’ajustements en cours pour Basquiat et Warhol. Head of Madman de Jean-Michel BASQUIAT perd de la valeur… elle s’est vendue pour 8,9 m$, contre 12 m$ en 2013 (Christie’s, 12 novembre 2013). Quant à la Petite Chaise électrique d’Andy WARHOL estimée 5-8 m$, elle n’a pas trouvé preneur bien que vierge d’enchères antérieures. La grande Campbell Soup de 1964 s’est par contre vendue dans son estimation, pour 7,4 m$, gagnant 400 000 $ sur son prix en 2008 (vendue une première fois chez Sotheby’s Londres, le 1er juillet 2008).