Résultats mitigés pour les premières ventes de Londres

[09/02/2016]

 

Christie’s et Sotheby’s ont donné leur coup d’envoi à Londres les 2 et 3 février 2016, avec les premières ventes d’art surréaliste, impressionniste et moderne de l’année. Résultat pour Sotheby’s : plus de 166 m$ pour l’ensemble des ventes de prestige et de journée, contre 138 m$ pour sa concurrente Christie’s. Des résultats qui n’ont rien d’extravagants, ni d’inquiétants, avec 75% de lots vendus chez Christie’s, un taux de réussite encourageant.

Le clou de la vente d’art surréaliste de Christie’s (2 février, 35,4 m$) était The Stolen Mirror (65 x 81 cm), une puissante toile de Max ERNST, partie à l’estimation basse pour l’équivalent de 10,9 m$. Ce résultat n’a rien de triomphal, sachant que cette même œuvre tenait le record de l’artiste à 16,3 m$, depuis sa vente en 2011 chez la même Christie’s… Le démarrage de l’année rencontre quelques lenteurs et des remises à niveaux. Car d’autres déconvenues sont à signaler pour des allers-retours aux enchères trop pressés : ainsi, la toile de René MAGRITTE, Mesdemoiselles de l’Isle Adam (1942) vendue plus de 4,9 m$ en 2014 a perdu plus de 2 m$ en deux ans… l’adjudicataire ne paye son œuvre que 2,8 m$, une aubaine.
De bonnes ventes sont par contre à signaler pour Egon SCHIELE, dont le splendide autoportrait de 1909 est parti pour 10,3 m$ lors de la cession moderne ; pour Oscar DOMINGUEZ (La Main passe II, 1942, 798 000 $) ; pour Joan MIRO (Femme et oiseaux dans la nuit, 1968, vendue 8,3 m$), et surtout pour une grande toile de Wifredo LAM (Chant de la forêt, 1946, 154,6 x 107,3 cm) vendue 2 m$, ce qui constitue la cinquième meilleure enchère de l’artiste. Le Chant de la forêt était restée dans la même collection privée depuis 1989, année de son achat à l’Hôtel Drouot de Paris, pour l’équivalent de 515 000 $. Le prix de cette œuvre a ainsi flambé de 295% en 27 ans. A l’honneur avec une superbe rétrospective itinérante de deux ans qui s’est ouverte à Paris en septembre 2015 (Centre Pompidou, 30 septembre 2015- 15 février 2016), le marché de Wifredo Lam s’annonce plus dynamique que d’ordinaire, avec une demande renouvelée.

Du côté de chez Sotheby’s le lendemain, la vacation surréaliste a généré 21,5 m$, un résultat reposant pour moitié sur le nouveau record mondial de Paul DELVAUX. Le Miroir, superbe toile de 1936 annoncée en couverture de catalogue, s’est arrachée pour 10,5 m$, un prix deux fois plus élevé que lors de son dernier passage en salle en 1999 (vendue 5,1 m$ chez Christie’s Londres, le 8 décembre 1999). D’autres records plus modestes sont à signaler, tout d’abord pour une œuvre sur papier de Francis PICABIA (Le Ventilateur, 3,4 m$), ensuite pour une sculpture de MAN RAY : La Vénus restaurée, ayant gagné près de 10% depuis 2009 (vendue 560 000 $ le 3 février 2016).

Un Matta majeur à Paris

Les amateurs d’art surréaliste vont désormais se concentrer sur la dispersion parisienne de la collection de Pierre Hebey chez Artcurial (22 et 23 février). Une œuvre importante de Roberto MATTAsera proposée à cette occasion, Morphologie psychologique de l’angoisse (73 x 92 cm), réalisée en 1938. Ce travail matiériste n’a pas la fluidité ni les dynamiques de constructions qui apparaissent dans les années 1940, mais il s’agit d’un travail précurseur. Aucune toile de cette année 1938 n’a été proposée dans une salle de ventes françaises depuis 2012, ce type d’oeuvres étant généralement réservées aux grands ventes de Christie’s et Sotheby’s à New York. Achetée pour 110 000 $ en 1986 (vente Sotheby’s New York, le 20 mai 1986), elle devrait cette fois partir entre 700 000 et 900 000 €, selon l’estimation fournie. La plus-value espérée est importante, mais cette œuvre n’a pas fait de réapparition aux enchères depuis 30 ans. C’est certainement là que se trouve la clef de la réussite, comme l’explication première des récentes déconvenues de Christie’s et Sotheby’s: les œuvres importantes ne doivent pas repasser trop vite sous le feu des enchères, d’autant qu’elles sont assorties d’estimations toujours optimistes…