Paris au cœur de la photographie

[24/11/2015]

 

La semaine de la photographie (souvent qualifié de Mois de la photographie) est toujours un temps fort en France, tant les amateurs sont nombreux et croissants. Aujourd’hui, Paris représente 9 % du marché mondial dans ce domaine et tient la troisième position derrière les Etats-Unis (54 %) et le Royaume-Uni et (26 %). Chaque année, au mois de novembre, la photographie reprend ses droits à Paris avec le salon Paris Photo au Grand Palais, premier salon dédié à la photographie en France, avec 172 galeries venues de 34 pays pour cette 19e édition. Paris Photo fermait prématurément ses portes après les attentats du 13 décembre, mais les galeristes décidèrent d’ouvrir le week-end du 28 novembre pour continuer leur travail et promouvoir les artistes qu’elles avaient commencer à exposer sur le salon.

Parallèlement, des ventes entièrement dédiées à la photographie couraient chez Christie’s, Sotheby’s, Artcurial et Ader. Celle de Christie’s générait 3 m€, avec 78 des 100 lots vendus. Le meilleur résultat fut emporté par Man in polyester suit (1980) de Robert MAPPLETHORPE. Ce cliché, l’un des plus sulfureux et des plus célèbres de Mapplethorpe vient de passer le seuil des 300 000 $ pour la deuxième fois cette automne : d’abord à New York en octobre (478 000 $ frais inclus) puis le 12 novembre dernier à Paris (361 500 €, soit 388 000 $ frais inclus).
Sotheby’s fit moins bien que sa concurrente, avec 1,59 m€ de photographies vendues, mais elle signait au passage un nouveau record mondial pour le couple Bernd & Hilla BECHER : leur composition de neufs citernes à eau – Wassertürme (Trichter) de 1972 – estimée 60 000 € à 80 000 €, explosant les pronostics pour partir à 411 000 € frais inclus.

L’impudique Pierre Molinier

Pierre MOLINIER, sulfureux artiste bordelais, peintre, dessinateur, poète et photographe, tenait une grande place dans les enchères parisiennes du mois de novembre, avec la dispersion de la collection Emmanuelle Arsan chez Artcurial : The Forbidden sale comprenait près de 200 œuvres que l’artiste offrit à sa muse. Né le vendredi 13 avril 1900, à Agen, la maison Artcurial avait choisit un vendredi 13 pour la grande dispersion, dont l’érotisme assumé apparaît plus que jamais comme un acte de résistance.

En quête d’androgynie, Molinier a produit de nombreuses créatures, portant bas de soie, porte-jarretelles et escarpins noirs. Il découpait et recomposait les tirages argentiques, les retouchait à l’encre avant de les re-photographier. Le travail post-photographique est bien lisible dans les yeux brillants de son Chaman, un photomontage qui s’est littéralement envolé le 13 novembre, depuis une estimation basse de 4 000 €, pour finir à 22 100 € frais inclus (près de 24 000 $). Pierre Molinier signait là son nouveau record pour une photographie aux enchères !
Une telle vacation offrait aussi l’opportunité d’acquérir quelques tirages d’époque pour quelques centaines d’euros, parfois sous l’estimation, notamment Mes Jambes (1967), et Mon cul (vers 1965-67) vendu 585 € chacun.
Remarqué par André Breton, qui le qualifia de “magicien de l’art érotique”, Pierre Molinier ne fréquenta que peu les surréalistes, dont il fut mis à l’écart en 1959. Son œuvre acquit une certaine reconnaissance posthume, avec une exposition monographique au Centre Pompidou (1979), Puis, un véritable marché s’est créé en France dans les années 2000 grâce au travail du galeriste Kamel Mennour. Aujourd’hui, 93% du chiffre d’affaires de Pierre Molinier est français, son deuxième marché étant américain.

Les chiffres parisiens ne sont pas extravagants, en regard d’un marché américain plus fort. Cependant, les bons résultats d’artistes internationaux, tels que les Becher et Mapplethorpe, prouvent que Paris a bien une place à tenir sur ce marché. A l’échelle mondiale, la photographie représente seulement 1 % en valeur des enchères Fine art, pour 4 % des lots vendus. Ce marché progresserait plus rapidement s’il suscitait un peu plus d’intérêt en Chine, qui représente seulement 1,2 % en valeur du secteur à l’échelle mondiale.