Le Top 10 des plus belles envolées

[23/10/2015]

 

Le vendredi, c’est Top ! Un vendredi sur deux, Artprice vous propose un classement d’adjudications par thème. Le classement révèle cette semaine les 10 meilleures envolées du premier semestre 2015, soit les œuvres ayant littéralement enterré leurs estimations.

Le Top 10 des plus belles envolées
Rang Artiste Adjudication Estimation Oeuvre Vente
1 Quan GU (Attrib.) 5 469 380$ 89 296$ Cinq Cent Luohan, 2015-06-09 Christie’s PARIS
2 WANG Gai 420 000$ 12 000$ Landscape and Figures 2015-03-19 Sotheby’s NEW YORK NY
3 Qiong DU (Attrib.) 279 050$ 8 930$ Paysage 2015-06-09 Christie’s PARIS
4 Henri Baptiste LEBASQUE 230 000$ 7 000$ Madame Lebasque and her Daughters 2015-06-19 Michaan’s Auctions ALAMEDA CA
5 Giovan Battista RUOPPOLO (Attrib.) 902 319$ 33 837$ Nature morte aux cédrats, oranges, asperges et artichauts 2015-06-05 Rossini S,A, (S,V,V,) PARIS
6 Jules Auguste HABERT-DYS 222 499$ 9 082$ Vase, ronde de trois cigales dressées sur la pointe de leurs ailes (1905) 2015-06-22 Rennes Enchères RENNES
7 Pieter HUYS (Attrib.) 170 778$ 8 814$ Le tentazioni di Sant’Antonio abate/San Cristoforo traghetta il Bambin Gesù 2015-05-25 Della Rocca TURIN TO
8 320 000$ 15 000$ Calligraphy 2015-03-17 Christie’s NEW YORK NY
9 ZENG Xi 400 000$ 20 000$ Xiyuan Study (1926) 2015-03-18 Christie’s NEW YORK NY
10 SHI Lu 300 0000$ 150 000$ Prunus Branch and Rock (1971) 2015-03-18 Christie’s NEW YORK NY
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Les envolées chinoises

En 2015, malgré le ralentissement de l’économie en Chine et la retentissante campagne du président Xi Jinping contre la corruption sur le marché de l’art, deux évènements ayant tendance à tasser le marché, les artistes chinois sont majoritaires dans les meilleures envolées de prix. Rappelons que les ventes publiques chinoises, qui avaient progressé de +214 % entre 2009 et 2014, ont été fortement ralenti au cours du premier semestre 2015, avec un nombre de lots vendus en baisse de -39 % et une chute du produit de ventes de l’ordre de -30% (dans toute la Chine, incluant Hong Kong et Taïwan). La croissance chinoise est freinée en partie par les mesures anti-corruption et, en l’absence de définitions légales strictes, l’ensemble des citoyens à fort pouvoir d’achat de la République populaire de Chine se préservent de tout achat extravagant. Cette contraction passe par le repositionnement du marché, dont témoigne les meilleures envolées chinoises puisqu’elles récompensent des artistes historiques, majoritairement actifs entre le XVe et le XIXe siècle. Cette tendance à investir sur le patrimoine historique serait-elle le signe d’une lassitude autour des jeux spéculatifs des jeunes artistes ? Il est vrai que les poussées de prix sur les signatures contemporaines sont toujours plus risquées que sur artistes établis, inscrits dans l’histoire.

Ainsi, les six artistes chinois de ce Top 10 prouvent que le marché reste très spéculatif en-dehors des contemporains qui ont déjà connu leur heure de gloire dans les années 2006-2008. Les classés chinois se nomment Wang Gai (1654-1710), Sun Wen (1866-1925), Zeng Xi (1861-1930), Shi Lu (1919-1982), et se sont vendus à New York, où les ventes sont suivies de loin par les grands acheteurs chinois. Ils se nomment aussi Du Qiong (1396-1474) et Gu Quan (XVIIIe siècle), avec deux œuvres proposées sous la mention « attribuées à », et offertes dans l’antenne parisienne de Christie’s.

L’envolée la plus impressionnante de l’année est le fait d’une oeuvre « attribuée » à l’artiste Gu Quan, peintre de cour sous le règne de l’Empereur Qianlong (1711-1799). Cette seule attribution a littéralement affolé les enchérisseurs suivant la vente de Christie’s Paris, le 9 juin dernier. La maison de ventes Christie’s s’est montrée prudente, tant il est difficile de retracer l’authenticité de Gu Quan, dont les œuvres ne passent jamais aux enchères. Les connaisseurs se sont cependant rués sur l’occasion. L’oeuvre en question, intitulée Cinq cent Luohan, fait référence aux 500 moines éclairés qui ont intégré le Bouddhisme au début de la dynastie Tang… sur plus de 11 mètres de dessin à l’encre sur rouleau. Prudemment estimée entre 90 000 et 133 000 $, elle a fini à 6,3 m$, frais inclus. Le rouleau provenait d’une collection française. Christie’s n’a pas précisé la nationalité de l’acheteur…

 

Les envolée européennes au cas par cas

Des envolées comme celles de Gu Quan, atteignant contre toute attente plusieurs millions, sont rarissimes. Les cas prudents (ou stratégiques) d’attributions d’oeuvres le sont quant à eux beaucoup moins. Les salles de ventes européennes, véritables greniers du marché de l’art historique, regorgent de bonnes surprises. Deux de ceux surprises apparaissent dans notre classement, sous des attributions aux peintres Ruoppolo Giovan Battista (1629-1693) et Huys Pieter (1519-1584).

L’oeuvre « attribuée » à Ruoppolo Giovan Battista, peintre napolitain et grand maître de la nature morte au XVIIe siècle, semblait l’être dans le but d’attirer un maximum d’enchérisseurs avec une estimation attractive, tant la provenance de cette œuvre était irréprochable. Cette superbe nature morte sur cuivre porte en effet la marque de l’Infant Don Luis de Borbón, dont la fabuleuse collection comprenait des dizaines d’œuvres d’artistes de son époque, parmi lesquels Francisco de Goya et Lorenzo Tiepolo. Peu étonnant donc que l’oeuvre ait écrasé son estimation initiale… Plus spectaculaire par contre : son prix final, à plus de 900 000 $, constitue un record absolu même pour une œuvre authentifiée de Battista. L’acheteur était certain de son coup et n’était pas le seul à avoir repéré le chef-d’oeuvre…

Le cas s’est répété avec une œuvre attribuée à Huys Pieter, maître célèbre de la renaissance flamande, influencé par Pieter Bruegel, dont le record officiel affiche 220 000 $ pour une œuvre vendue comme étant de sa main (La naissance d’Adam, vendue par la société Coutau-Begarie à Paris en 2012). Or, ce record manqua de peu d’être battu sous la seule attribution de l’artiste en mai dernier à Turin. Il faut dire que le lot proposé par la maison de ventes Della Rocca comprenait non pas un, mais deux tableaux de qualité exceptionnelle. Le prix final affiche 208 000 $ frais inclus, contre une estimation haute de 11 000 $.

Deux autres cas atypiques sont à signaler pour ce Top : le nouveau record de Jules Auguste Habert-Dys et l’ajustement du prix d’un tableau d’Henri Baptiste Lebasque.
Jules Auguste Habert-Dys est un artiste français dont on sait peu de choses, si ce n’est qu’il est né en 1850 et mort après 1927, qu’il fut admis en 1874 dans l’atelier de Gérôme, professeur à l’Ecole des Beaux-Arts de Paris et que quelques objets décoratifs de sa création se trouvent dans les collections du musée d’Orsay. C’est justement un objet de cet ordre, à la fois vase et sculpture représentant trois cigales, qui multipliait par 20 son estimation moyenne au début de l’été, chez Rennes Enchères.
Cette envolée, pour un Jules Auguste Habert-Dys qui n’avait jamais atteint les 100 000 $ auparavant, est moins le signal d’une remise au goût du jour de l’Art Nouveau que de l’appétit des collectionneurs pour des pièces de qualité véritablement exceptionnelle.

Quant au tableau de Lebasque (1865-1937), il multiplia par 30 son estimation parce que mal estimé au préalable, sur une place de marché californienne peu accoutumée à disperser les grands modernes français. Un tableau de Lebasque à 7 000 $ aurait été l’affaire de l’année ! Même ses dessins étaient difficilement accessibles à ce prix il y a 10 ou 20 ans…