Le Marché de l’Art fait main basse sur les Biennales

[11/09/2015]

 

Cette année, parmi les 59 artistes formant la sélection officielle, 37 ont déjà vu au moins une de leurs œuvres proposées en ventes publiques. Cette réalité marque un profond changement avec les premières éditions. Au début des années 1990, moins de 5 % des artistes étaient passés en salles de ventes ! Cette transformation souligne une réalité globale : les manifestations culturelles et le marché de l’art sont de moins en moins indépendants l’un de l’autre.

De toute évidence, la liste des artistes rassemblés pour cette édition 2015 autour du thème La vie moderne ne s’aligne pas ostensiblement sur les grandes tendances du marché de l’art contemporain. Aucun des artistes du Top 50 Artprice n’y est présenté. Et heureusement, car ce n’est pas ce que l’on attend d’une biennale.

Toutefois, la sélection ne montre aucun désaccord profond avec le marché. Au contraire, on devine l’influence de grands galeristes dans les choix du commissaire Ralph Rugoff, le directeur de la Hayward Gallery, généralement considéré comme une personnalité très influente de l’art contemporain (ArtReview). Ainsi la majorité des artistes de la Biennale 2015 sont soutenus par de grands noms, principalement français, anglais et américains : White Cube, Gladstone, Petzel, Lisson, Kamel Mennour, Perrotin… Les plasticiens sélectionnés ont déjà bénéficié de belles expositions, certains ont reçu d’importants prix, d’autres enregistré des résultats d’adjudications remarquables. Ainsi, de façon générale, leurs travaux ont été préalablement cautionnés !

Est-ce la crainte de se tromper, ou est-ce par facilité que l’on puise aussi abondamment dans les jeunes recrues des puissantes galeries pour la sélection d’une biennale d’art contemporain ? La nomination de Ralph Rugoff comme commissaire de cette 13ème édition découle elle aussi du même processus de conciliation. Certes la qualité des œuvres et de l’ensemble de l’événement est ainsi assurée, mais, en ne voulant pas prendre de véritables risques, la manifestation perd toute son excitation, toute sa force. Ce phénomène est particulièrement visible dans le manque d’osmose entre les œuvres, en dépit d’une présentation très travaillée.

Dans de cette Biennale, on admire des pièces efficaces : rien de vraiment facile ou d’évident mais rien non plus de tout à fait nouveau, à l’image de l’installation musicale de Céleste BOURSIER-MOUGENOT (qui représente la France à la Biennale de Venise cette année) ou des dessins de Tatiana TROUVÉ (la jeune artiste franco-suisse, soutenue par Perrotin et Gagosian). Peu de peintures, mais on a fait la part belle aux vidéos, sculptures, installations, si bien que peu d’œuvres intéresseront véritablement les collectionneurs. Cependant, en dehors des pièces qu’ils présentent, la plupart des artistes travaillent également sur d’autres qui se prêtent mieux aux acquisitions. La majorité d’entre eux ont déjà vu certaines de leurs œuvres passer en salles de ventes. Plusieurs possèdent même déjà une véritable cote.

Ainsi, la Biennale de Lyon offre au public un très bon aperçu de ce qui se passe à New York, Londres ou Paris : l’art que l’on trouve dans les meilleures galeries et de plus en plus en salles de ventes. Finalement rien de plus, rien de moins…