En bref : Daniel Spoerri – Julie Legrand – Claude Lévêque – Art contemporain du 3 juin

[29/05/2015]

 

Tous les quinze jours, Artprice vous propose un tour d’actualité du marché de l’art en quelques mots et quelques chiffres.

Le Eat Art de Daniel Spoerri digéré par Julie Legrand
Le manger comme processus artistique ? Tel est notamment l’enjeu des premiers tableaux-pièges de Daniel SPOERRI lorsque celui-ci fixe les reliefs de repas. « Je ne mets rien d’autre qu’un peu de colle » confie l’artiste facétieux, par ailleurs excellent cuisinier, roi des calembours et des jeux de mots, ancien danseur, chorégraphe et metteur en scène. On comprend que le repas peut, sous sa direction, devenir un véritable théâtre, la scène des illusions et de la destabilisation des sens. Agé de 85 ans, Daniel Spoerri vient d’ordonner un banquet palindrome le 22 mai dernier à Chinon (France, l’ordre des plats est inversé, mais pas les goûts), dans le cadre d’une exposition hommage au Eat Art (Art du manger). L’exposition elle-même réunit, jusqu’en septembre 2015, des œuvres de Spoerri, Dorthée Selz et Antoni Miralda (Traiteurs coloristes), Erik Dietman, François Morellet, Roland Topor, Dieter Roth, Ben Vautier. Elle consacre par ailleurs un espace magnifique, la chapelle Sainte Radegonde de Chinon, à la jeune artiste française Julie LEGRANDd. Intitulée La chair et l’esprit, l’intervention in situ de Julie Legrand nous régale notamment d’une superbe installation en verre filé au sein de la grotte de la Chapelle. Des centaines de stalactites scintillants créés par l’artiste comme autant de « bactéries mirifiques, de boyaux habités » évoquent les processus de transformation du corps dans le « boyau » de la Chapelle. Si l’artiste phare du Nouveau Réalisme Daniel Spoerri est un artiste bien coté en Europe, récemment détenteur d’un nouveau record d’enchère (Herdöpfelschälerli, vendu 167 000 $ frais inclus le 5 mai 2015 chez Christie’s Zurich), Julie Legrand est une artiste émergente qui n’a affronté qu’une seule fois les enchères. Cette première se concluait par ailleurs par un succès, car la sculpture en métal et verre filé présentée par Christie’s en 2013, Renaissance, quadruplait son estimation pour partir à 2 000 € (Christie’s Paris, 30 janvier 2013).

Les voyages sensoriels de Claude Lévêque
L’artiste français Claude LEVEQUE bénéficie de deux expositions spectaculaires en France. La première est une œuvre pérenne créée en 2012 : « Mort en été », visible dans le grand dortoir de l’Abbaye Royale de Fontevraud. Ce dispositif fut pensé par l’artiste comme « l’apparition d’un phénomène lumineux cosmique (qui) dévoile les sensations que la Loire me procure depuis toujours. Un dispositif nocturne visuel et sonore qui invite au songe ». Parallèlement, le musée Soulages de Rodez accueille une autre installation de Claude Lévêque jusqu’au 27 septembre 2015. Le « Bleu de l’œil » – titre de l’exposition – propose une déambulation faite d’ondulations liquides et aériennes au sein d’une immense pièce de 200 m2 du musée Soulages. D’une exposition à l’autre, le visiteur se retrouve en immersion dans des bains lumineux et sonores, invité à une approche intuitive, à une dérive sensorielle.
L’artiste, qui a représenté la France à la 53ème Biennale de Venise en 2009, a ensuite exposé a New York (Galerie James Fuentes, Les roses blanches), Moscou (Centre National d’Art Contemporain, Ende), au Musée du Louvre de Paris (Sous le plus grand chapiteau du monde), en Corée du Sud (Busan Museum of Art, Biennale 2010, Hymne) et au Japon (Mori Art Museum, French window, Double Manège), entre autres… Signature phare de la scène contemporaine française et mondialement connu, Claude Lévêque ne court pas après une reconnaissance immédiate par le monde des enchères et ses œuvres sont rares en salles. Néanmoins, son record flirte avec les 100 000 $ pour la vente d’une œuvre au néon intitulée Le Grand soir (vendue 73 500 € frais inclus soit plus de 99 000 $, le 3 décembre 2013 chez Sotheby’s Paris).

Passage en revue de la vente d’Art contemporain du 3 juin
La prochaine vente d’art contemporain de Christie’s Paris (le 3 juin 2015) fait la preuve, en 188 lots, que les cessions contemporaines peuvent concilier des œuvres hautement valorisées avec des œuvres uniques remarquables et accessibles. Cette vacation concilie en effet cinq œuvres attendues pour atteindre le million (Joan Mitchell, Yves Klein, Martial Raysse, Jean Dubuffet, Alexander Calder) avec plusieurs pièces autour de 10 000 €, l’oeuvre donnée comme la plus abordable étant une peinture émaillée d’Allan McCollum (One Plaster Surrogate). Pour cette dernière œuvre unique et originale, les enchères commenceront à 2 000 €.
Avec 188 lots, le choix s’annonce particulièrement vaste. Il y en a pour tous les goûts, en passant par la tendance minimaliste, conceptuelle et cinétique (Gunter Ucker, Jesus Rafael Soto, Pol Bury, Josef Albers, Martin Barré, Francois Morellet…), par un large choix d’abstractions avec Olivier Debré, Bernard Frize, Sam Francis, George Matthieu, Viera Da Silva, Pierre Soulages, Hans Hartung, Serge Poliakoff, Roberto Matta, Chu Teh-chun, Zao Wou-ki. La grande huile sur toile de Zao Wou-ki (9.3.79) attendue au moins a 600 000 € valait d’ailleurs deux fois moins en 2008 et personne n’osait pourtant l’acquérir. Elle fut ravalée à son estimation basse de 232 000 € chez Sotheby’s Londres. L’abstraction la plus valorisée est signée Joan Mitchell. Il s’agit d’une oeuvre sans titre peinte en 1972, provenant d’une prestigieuse collection européenne et vierge d’enchères. Elle est attendue à plus de 1,3 m€ (plus de 1,4 m$). Seront aussi offertes de grandes signatures en sculpture, dont Germaine Richier (La jeune fille à l’oiseau, 1954, estimée entre 400 000 et 600 000 €), Eduardo Chillida (Lurra G-240, 70 000 – 100 000 €), Alexander Calder (le stabilo-mobile Double dated pourrait atteindre le million), Anish Kapoor (Void, 1989, 500 000 – 700 000 €) et Tony Cragg avec une belle œuvre en marbre blanc de qui n’avait pas bougé de sa collection privée depuis 13 ans (I Me You Me, estimée 120 000 – 180 000 €).
A noter aussi, la présence des signatures les plus cotées du monde, dont Basquiat représenté par un dessin bien daté accessible à partir de 250 000 € (Sans titre (Per Capita), 1981), Damien Hirst (Signification estimée entre 200 000 – 300 000 €, le fruit de cette adjudication sera reversée a Victim, l’association caritative de Damien Hirst), Andy Warhol avec une sérigraphie unique de 1982 – Dollar sign – dont Christie’s attend au moins 80 000 € et Gerhard Richter, dont la petite huile sur aluminium mesurant 29 centimètres de haut et 37 de large, Fuji, devrait passer les 250 000 € (près de 280 000 $).
Parmi les œuvres plus abordables, citons une abstraction de Gustave Singier offerte autour de 10 000 € (Le Var asséché), une encre de Zao Wou-ki proposée dès 15 000 € (Sans titre, 1978), une sculpture cinétique de Pol Bury à partir de 10 000 € (16 Verticales Courbées, éd.1/8) ou une installation signée Christian Boltanski donnée entre 10 000 et 15 000 € (Réserves : La fête de Pourim, photographie, vêtements dans un tiroir en étain, lampe et fil électrique, 1989).