Les locomotives britanniques

[31/03/2015]

 

Bansky et Damien Hirst, locomotives britanniques de l’art contemporain, ont bouleversé le monde des enchères, atteignant des points culminants en 2008. Ces phénomènes ont incarné les excès du marché avant la chute de Lehmans-Brothers. Que sont devenues ces signatures désormais plus discrètes ?

Bansky se maintient en toute discrétion

BANKSY est l’artiste anglais qui permis au Street Art de s’imposer comme l’un des nouveaux segments profitables du marché. Après la folle ascension de ses prix et deux adjudications millionnaires en 2008 (dont un record de 1,7 m$ chez Sotheby’s New York avec Keep it spotless, soit 1,87 m$ frais inclus), suivie d’une sévère correction (certaines œuvres voyaient leur prix divisé par deux, voire par trois), quelques signes indiquent un rétablissement du marché. Banksy est en effet revenu sur le devant de la scène londonienne avec des résultats emportés au-delà des espérances courant 2014. Parmi eux, les sculptures emportent la palme des enchères, notamment celle mettant sur piédestal un heureux accroc au shopping (Happy Shopper adjugée l’équivalent de 689 000 $, au double de l’estimation 831 000 $ frais inclus, Phillips, le 10 février), ainsi que la cabine téléphonique Submerged Phone Boot, frappée au seuil du million de dollars (960 000 $, soit 1,1 m$ frais inclus, Phillips, le 15 octobre 2014). Les jeux de contrastes irrévérencieux de Bansky séduisent tout autant les grands collectionneurs, qui se montrent néanmoins plus sélectifs que par le passé, refusant de sur-payer les œuvres. En témoigne un taux d’oeuvres invendues passé de 25% a 34% aux Etats-Unis entre la période faste de 2005-2008 et les années 2009-2014. Premier signe d’embellie en 2015 : une peinture au spray représentant un policier armé, affublé d’un ‘smiley’ jaune souriant en guise de visage, a vu son prix quadruplé depuis 2009. Ce Smiley Copper fut en effet adjugé l’équivalent de 67 000 $ le 12 février 2015 chez Bonhams Londres. Les sociétés de ventes regonflent le marché de Bansky en instaurant une politique d’estimation plus attractive que prohibitive.

Damien Hirst ne fait plus recettes

En 2008, le marché de Damien HIRST battait celui de Claude Monet et d’Alberto Giacometti ! L’artiste le plus médiatique et le plus spéculatif de l’époque emportait, cette année là, 65 coups de marteau millionnaires, générant 230 m$ de produit de ventes… Guidé par un sens aigu des affaires, il court-circuitait le marché, rentrant directement en contact avec le public et les collectionneurs, mettant en vente ses propres œuvres aux enchères. Souvenez-vous de la vacation «Beautiful inside my head forever», entièrement dédiée à l’artiste chez Sotheby’s, qui frappait un nouveau record à 9,2 m£ (17,1 m$) pour le Veau d’or dans un bain de formol (15-16 septembre 2008).
Entre 2008 et 2014, le produit de ventes annuel aux enchères de Damien Hirst est passé de 230 m$ a 18,8 m$ (il tombe de la quatrième à la 108ème place au classement mondial). Critiques et collectionneurs sont devenus rétifs, et certaines pièces imposantes se voient ravalées malgré des estimations plus basses qu’au début des années 2000 (une accumulation de mégots de cigarettes sous vitrine est restée invendue en novembre dernier malgré une estimation basse de 500 000 $. Ce type d’oeuvres valait 570 000 $ en 2005). Quatre œuvres sont parties au-delà du million l’année dernière, mais c’est peu, très peu en regard des performances hallucinantes emportées six ans plus tôt. Tandis que les acteurs des enchères prennent du recul, Damien Hirst poursuit son travail d’auto-promotion. Il s’apprête à ouvrir une galerie personnelle dans le quartier administratif de Lambeth, afin d’y installer sa propre collection. Des œuvres de son cru et celles acquises ces dernières années, sous les signatures de Jeff Koons, Sarah Lucas,Tracey Emin, mais encore Pablo Picasso où Francis Bacon.

Le marché est par contre au beau fixe pour d’autres artistes contemporains anglais, auréolés de nouveaux records courant 2014. Le plus impressionnant est celui de Tracey EMIN, dont l’installation My Bed (1998) estimée 2 m$ passait les 3,7 m$ chez Christie’s Londres en juillet 2014. Augmenté des frais acheteurs, My Bed s’est payé au final 4,3 m$, un record détonnant pour cette artiste chérie de la scène anglaise qui n’avait pas encore atteint le million en salles. Mais cette installation n’est pas n’importe laquelle, il s’agit de celle qui fut exposée à la Tate Gallery en 1999 lorsque l’artiste se trouva nominée pour le Prix Turner.

Par ailleurs, les artistes britanniques Cecily Brown (représentée par la galerie Gagosian), Bridget Riley (représentée par la galerie David Zwirner) comptent parmi les artistes femmes les plus cotées du monde.