Aristide Maillol et Dina Vierny : l’oeuvre, le musée, le marché

[24/02/2015]

 

Après vingt ans d’activité, le musée Maillol de Paris ferme ses portes au public pour une durée indéterminée. Riche de 179 œuvres de Maillol, le musée est aussi à l’origine de plusieurs expositions aux critiques très partagées, mais drainant bon nombre de visiteurs. La prochaine exposition sur le thème « Le Baiser dans l’art de la Renaissance à nos jours », qui était attendue entre le 25 mars et le 26 juillet, est reportée sine die. Les expositions de ce musée privé parisien étaient gérées depuis 2009 par la société Tecniarte, placée en liquidation judiciaire le 5 février 2015, d’où l’incertitude planant sur l’avenir du musée, qui annonce sur son site officiel une fermeture pour divers travaux de rénovation.

La Fondation Dina Vierny – Musée Maillol fut créée en 1995 par Dina Vierny (1919-2009), une figure phare de l’histoire de l’art moderne au destin hors du commun. La jeune ukrainienne se réfugie avec sa famille en France en 1924. Elle sera tour à tour résistante, grande muse de l’artiste Aristide MAILLOL, marchande d’art soutenue par Henri MATISSE à partir de la fin des années 1940 et collectionneuse avertie. Le grand tournant de sa vie naquit de sa rencontre avec Artistide Maillol en 1934. Dina Vierny a 16 ans et devient le modèle phare de la fin de carrière de l’artiste, à l’origine de ses plus belles œuvres, dont La Rivière, qui tient le record de l’artiste depuis décembre 2013.

La Rivière est l’une des trois œuvres monumentales de la fin de vie de Maillol, avec L’air et La Montagne. Il s’agit à l’origine d’une sculpture en plomb créée en 1938, un projet de monument en hommage au philosophe, écrivain et politicien Henri Barbusse. Elle représente le corps en déséquilibre de Dina Vierny dans une mise en scène dramatique, celle d’un corps emporté par la puissance des flots. Il existe plusieurs versions de cette œuvre exceptionnelle, dont une est visible au MoMA de New York, une autre à la Norton Simon art Foundation de Pasadena et dont la première version est exposée depuis 1964 dans le jardin du Carrousel aux Tuileries de Paris. La version de La Rivière vendue en 2013 à Paris était une épreuve d’artiste issue de la collection personnelle de Dina Vierny, et mise en vente par son fils chez Artcurial avec neuf autres œuvres de Maillol, pour régler la succession. Cette fonte posthume de Georges Rudier s’est vendue au prix record de 7,2 m$.

Une seconde œuvre sur le thème de la rivière faisait partie de l’ensemble dispersé chez Artcurial, un grand pastel de 1938 (83 cm x 128 cm), œuvre préparatoire à la fameuse sculpture. Vendue au double de l’estimation basse, la feuille partait pour une adjudication équivalente à 639 000 $, signant cette fois le record de Maillol dans la catégorie « dessin ».

Détenteur de 24 adjudications millionnaires signées entre Londres et New York – à l’exception du record parisien de La Rivière – Aristide Maillol n’est pas un artiste forcément inabordable. Sa dernière adjudication en date fut celle d’un Nu allongé sensuel, un dessin au crayon doublant sa fourchette d’estimation lors des dernières ventes modernes de Londres. La feuille de 23 cm x 28,2 cm fut adjugée 4 000 £, l’équivalent de 6 000 $ (Christie’s, le 6 février 2015). Dessins de nus accessibles entre 2 000 et 6 000 $ en moyenne, estampes monogrammées pour quelques centaines de dollars… Aristide Maillol est accessible à toutes les bourses en deux dimensions.